Chapitre 22

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Totalement essoufflée d'avoir simplement marché, je pousse la porte du café de Lou. Lorsqu'elle me voit, je l'aperçois dire deux mots à sa collègue et retirer son tablier. Elle vient vers moi, et m'attrape le bras pour me trainer dehors. Une fois devant, elle sort une cigarette et l'allume.

«- Depuis quand tu fumes ?, demandais-je inquiète.
- J'avais pas rallumer une clope depuis des années., dit-elle en soufflant une fumée blanche.
- Qu'est-ce qu'il se passe, Lou ? »

Lorsque son regard croise le mien, je lis toute sa détresse. Elle est triste, et sûrement en colère à la vue de son pied tapant le sol.

«- C'est Oli. »

Et, à ce moment, je fais le rapprochement. La réaction totalement disproportionnée d'Olivio à l'annonce de ma grossesse et surtout les paroles balancées à son frère concernant "la vie parfaite" avec "la femme parfaite" qu'il a.

«- Ce matin, il s'est réveillé d'une humeur fracassante. J'ai pas cherché à comprendre, quand il est de mauvaise humeur, il ne faut pas trop lui parler. À midi, on s'est mis à table tous les deux. J'ai commencé à lui parler, en pensant que sa rogne était passée. Et, je ne sais pas pourquoi, j'avais envie de parler du futur. Alors, je lui ai confié mon envie d'être mère et de construire une famille. Quand je lui en parle, il reste tout le temps distant, sauf que là, il s'est énervé. Il m'a dit que ce n'était pas sa priorité. Que sa priorité, c'était sa carrière et pas un "gosse". Je me suis aussi énervée, et il est parti en claquant la porte...
- Faut que vous vous parliez., dis-je en sachant pertinemment que c'est ce à quoi elle pense aussi.
- Je sais. Mais c'est parti trop loin, tout à l'heure, je veux attendre au moins demain... Tu l'as vu ?, finit-elle par demander après un instant de réflexion.
- Moi, non, mais Florian s'est pris quelques réflexions... »

Lou prend une grande inspiration en écrasant son mégot au sol. Je lui ouvre les bras, et elle s'y réfugie. Je la serre fort, pour lui montrer que je suis là, même si je ne trouve pas les mots.

«- Je peux dormir chez toi, ce soir ? Je lâche le café dans une trentaine de minutes., dit-elle alors que sa voix est étouffée par mes cheveux.
- Oui, je vais envoyer un message pour que Florian passe nous chercher. »

Je toque à la porte de la chambre d'amis dans laquelle Lou s'est installée. Tout à l'heure, quand nous sommes rentrés, elle s'est excusée du comportement d'Olivio en allant s'isoler. Chose que Florian et moi avons compris. Lui, est parti rejoindre son frère, pour arranger leur situation et le soutenir dans cette épreuve. L'autorisation de Lou se faisant entendre, je pousse la porte. Je passe ma tête en souriant doucement. Elle est sous la couette, emmitouflée dans l'un de mes gros gilets, son téléphone à la main et une mine triste. J'entre.

«- Une glace, du jus de raisin, un film et une amie, c'est pas le truc conseillé contre une embrouille de couple ? »

Elle rit nerveusement. Je m'avance vers le lit, et sers deux verres de jus. Je me glisse sous les draps en ouvrant le Mac, puis lui passe une cuillère pour la glace que je pose entre nous.

«- Je n'avais plus de vin., dis-je en déverouillant l'écran. »

J'ai encore du vin. Mais, je n'ai plus le droit de boire, et je me l'interdit.

«- C'est rien., sourit-elle. Merci beaucoup.
- Tout va s'arranger., dis-je en la regardant. J'en suis sûre. Florian est parti raisonner son frère, vous allez avoir une conversation demain. »

Elle me sourit doucement, à nouveau. Je mets le film favoris de Lou : Avatar. Puis, en m'allongeant, elle vient se blottir contre moi en ouvrant la glace. Glace dont elle prend immédiatement une cuillère.

«- J'espère que ça s'arrangera demain., chuchote-t-elle.
- J'en suis sûre. Aller, regarde moi ce film.
- T'es la meilleure. »

J'ouvre les yeux, et me rend compte que je suis encore dans la chambre d'amis. Je me suis endormie devant le film hier... Lou n'est plus là. En m'asseyant, je frotte doucement mon œil droit, comme pour me réveiller entièrement. Je me lève, attrape les verres, les cuillères et le paquet de glace. Je sors de la pièce et descend dans le salon. Au loin, j'entends des éclats de rires.

«- Ah ! La grosse dormeuse !
- Qui t'emmerde., dis-je à Florian qui cherche quelque chose dans le meuble de l'entrée.
- Super l'humeur du matin !, ironise-t-il. T'aurais pas vu la maryse ?
- Ici ?, ris-je. Elle est pas dans l'entrée la maryse ! »

Suivie de Florian, je pénètre dans la pièce de vie, et à mon grand étonnement, je vois Olivio et Lou, assis à table, en train de parler, le sourire aux lèvres.

«- Comment vont-ils, les amoureux ?, demandais-je en passant derrière pour poser ce que j'ai dans les mains.
- Ça va !, s'exclame Lou, joyeuse.
- Qu'est-ce que tu fais là Olivio ?, continuais-je en jetant le pot de glace et en voyant une pâte et un moule à gâteau sur le plan de travail.
- Sympa, dis moi si tu veux que je parte !
- Non, mais non !, ris-je en me dirigeant vers un tiroir.
- Je suis venu ce matin pour Madame.
- Heureuse que ça se soit apaisé !, dis-je en sortant la maryse du tiroir. Tiens Florian.
- Je suis désolé, mais ça n'a pas de logique qu'elle soit là !
- C'est encore moins logique qu'elle soit dans le meuble de l'entrée.
- Sois déjà contente que je fasse un gâteau !
- C'est pour quelle occasion ?
- Ils restent manger à midi...
- Tu vois, c'est pas pour moi !, ris-je.
- Scène de ménage ceux-là., dit Olivio. »

Je ne peux m'empêcher de lui lancer un regard noir. Puis, en regardant Florian, je me rend compte qu'il a fait pareil. Nous nous sourions avant que je ne m'assois avec mon beau frère et ma belle sœur. J'aperçois Olivio me regarder, un grand sourire sur les lèvres. Ses yeux deviennent brillants, je fronce des sourcils sans vraiment comprendre ce qu'il lui arrive.

«- Ça va ?, lui demandais-je.
- Ouais. Juste, quand on sait, ça se voit. Félicitations..., murmure-t-il. »

Je souris doucement en baissant mon regard. Le simple tee-shirt fin que je porte laisse en effet apparaître mon petit ventre boudonné, sur lequel je pose ma main. Pour la première fois.

«- T'es enceinte ?, demande Lou.
- Ne le dis à personne, s'il te plaît., dit Florian en posant ses mains sur mes épaules. Pas comme ton gars.
- Mais non..., murmure Lou toute étonnée. Je ne sais pas quoi dire... Wow, bravo...!
- Je l'ai pas dit, frère., dit Olivio.
- Merci., dis-je à Lou, doucement aussi.
- Mais frère !, s'exclame Florian. Tu l'as pas dit mais c'était implicite ! »

La main posée sur mon ventre, je me sens déboussolée. Je me rend compte, chaque jours un peu plus, qu'une bébé est là. Même si la peur que le cauchemar se répète est là, une joie intense ne peut s'empêcher de prendre place. Un peu plus grande chaque instants où le stade fatidique des trois mois se rapproche.

«- Sinon, Esmée, comment on fait pour mettre le four à 180...?, demande Florian doucement, comme honteux.
- T'es sérieux, Flo ?, dit Lou en me faisant rire.
- J'avoue ! Faire lever une femme enceinte ! Attends, je vais voir. »

Olivio se lève donc alors que moi et Lou sommes mortes de rire.

«- Qui leur dit que la honte c'est de ne pas savoir s'en servir, alors qu'il vit ici ?
- Et pas te faire lever !, complète Lou.
- Non, mais frère ! Ça c'est pyrolyse ! Ça va tout cramé si tu mets ça !
- C'est qui pyrolyse déjà ?, demande Olivio. »

Nous rions toutes deux de plus belle, puis, je me décide à me lever. Je mets ce fameux four à 180°C, en expliquant à Florian qu'il vaut mieux préchauffer le four au début de la recette. Ces deux-là ne seront jamais de grands chefs étoilées, ça c'est certain.

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En espérant que ce chapitre vous ait plu.

Prenez soin de vous.

Héloïse ✨

Il Fait Mon BonheurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant