Sous la guidance de Samuel, le tiers des anges descendit des cieux. Ils s'engouffrèrent dans les entrailles de la terre, pour atteindre une grotte gigantesque, où plus aucune lumière ne perçait. Là, lové le long d'une stalagmite aussi épaisse qu'une tour, les attendait Ahriman, le Serpent Primordial.
Alors Samuel s'agenouilla devant son nouveau maître.
« Ô, Ahriman, je te présente tous les anges qui ont bien voulu me suivre. Comme moi, ils ont tous décidé d'abandonner la Lumière, les préceptes d'Ahura Mazda, pour ne plus vivre que selon notre véritable liberté. »
Alors le Serpent se déploya. Ses anneaux, encore plus larges que des aubes de moulin, exsudaient toute la noirceur de ses Ténèbres. Son souffle siffla, et Ahriman dit à ses anges :
« Bienvenue à vous, anges libérés. Contrairement à votre ancien maître, je vous donne véritablement le Monde, aussi laissez-y libre cours au moindre de vos désirs. Ne vous restreignez plus, oubliez les carcans d'Ahura Mazda, les chaînes de la Lumière. Mentez pour votre propre intérêt, prenez tout ce que vous convoitez, tuez le moindre de vos ennemis.
« Mais ne me trahissez jamais !
« Ne me mentez jamais, à moi, le père des mensonges !
« Ne me prenez jamais rien, à moi, qui ai dérobé le Monde !
« Ne dressez jamais votre épée contre moi, qui ai défié le Créateur !
« Car, de ceux qui accepteront mes Ténèbres, je deviendrai l'unique maître. Mes désirs deviendront les vôtres, et mes crimes tacheront vos mains. »
Grand Livre de la Lumière, La chute des anges
L'aube se leva dans l'indifférence générale. Effacés dans le tonnerre des bombes, noyés dans les irisations du sortilège protecteur, les rayons naissants passèrent inaperçus.
Des heures durant, les magiciens avaient tenu bon, malgré l'entêtement de Zagnar. Le Général n'avait pas même cherché le contact. Dans un grondement sourd, la masse sombre de son appareil avait traversé les ténèbres, seulement rendue visible par l'écœurant bleu-vert de ses propulseurs, et, sans prévenir, avait chassé la nuit.
Des nuées de chasseurs noirs vrombirent dans le ciel illuminé, abattirent de nouvelles frappes. Galaniel eut une pensée pour Aktalin, près du Cristal, concentré sur cette protection vitale, aux côtés des autres magiciens. Aucun missile n'atteignait la ville ; tous explosaient à mi-distance, irradiaient toute leur violence sonore. Seule une odeur de poudre et de cendre retombait sur les Shawniens, un avant-goût bien trop familier.
Enfin, les tirs s'interrompirent. Le vaisseau mère, comme lassé par la résistance des magiciens, s'écarta. Un essaim bourdonnant encercla la cité, des barges de transport colonisèrent les prairies environnantes pour vomir hommes et métal.
Le ballet infernal semblait ne jamais vouloir s'interrompre. Si les Shawniens avaient massé un nombre conséquent de guerriers, leurs ennemis arrivaient en force. Cette bataille, Galaniel le savait, serait d'une tout autre échelle que celle d'Oriale, et contempler les masses grouillantes à l'œuvre, ces colonies d'insectes en marche de guerre, lui donnait le vertige.
En face, les rangées de canons scintillèrent sous l'incarnat de l'aube, aussi nombreux que des brins d'herbe. Quelques tirs résonnèrent, une nouvelle fois interrompus par le bouclier, puis les chenilles tracèrent leur route. Le blanc précoce de la neige, le vert de l'herbe encore vaillante furent remplacés, piétinés par la menace du noir métallique.
VOUS LISEZ
Les Présages des anges
Science FictionAvec l'ultimatum du Général Chef d'Oriale s'achève une paix de trois mille ans. La Fédération zyssienne doit désormais choisir : se livrer à son autorité ou bien subir l'invasion de son armée. Dans une tentative désespérée, un groupe de guerriers pl...