XXXII-2 : Ne me trahis pas

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Le flot noir de canons, de chars et de soldats poursuivait sa marche, mené par une vingtaine de barzacs. Les machineries bipèdes, aux quatre bras dressés, exhibaient leurs mitrailleuses lourdes, parfois de gigantesques lames. Plus discrètes, mais bien plus redoutables, se dissimulaient, entre les ombres, les armures de la garde noire. Galaniel chercha le Commandant du regard, sans parvenir à retrouver ses insignes dorées caractéristiques, puis renonça dans le nombre. Enfin, il jeta un regard à ses compagnons. Le casque de Lisdon s'ouvrait sur un teint blanchi, un regard écarquillé. Marzog, les traits fermés, plissait les yeux, figé dans la plus parfaite concentration. Ethmine, au contraire, s'agitait, un arc à la main, incapable de tenir en place. Même Esmène, dissimulée derrière l'écarlate de son casque, transpirait une nervosité contenue.

« Je ne vois pas leur Commandant, pourtant, Zagnar est bien ici, remarqua la Brocélienne.

— Zagnar est ici ? » vérifia Galaniel.

Elle tendit un bras d'écailles et de plaques rouges. Le lance-roquette intégré fixa son œil sur le barzac de tête, d'innombrables marques d'or interrompaient la luisance du noir métallique.

La mort de ce seul homme mettrait fin à cette guerre, tout comme celle de Sméarn avait mis fin à la précédente. Mais, malgré la proximité, une multitude les séparait.

Le barzac s'immobilisa, aussitôt imité par le reste de son armée. Il se retourna, déclama quelques harangues grésillantes, aux gutturales incompréhensibles.

« Qu'est-ce qu'il dit ? s'inquiéta Galaniel.

— Il veut votre tête, résuma Esmène, mais personne ne sera épargné. »

Le Shawnien frissonna. Ils se battaient tous pour leur survie, une victoire de Zagnar sonnerait la mort de Shawn.

Déjà le barzac s'élançait ; derrière lui, une vague s'ébranla.

Une première volée de flèches ricocha sur les carapaces de métal, appuyée par quelques éclairs bleus. Les Kalendoriens ripostèrent. Un mitraillage nourri, insoutenable ; une nuée mortelle, que peinèrent à contrer les quelques magiciens présents.

La visière de son casque rabaissée, Galaniel projeta des sphères enflammées sur la horde furieuse. Les gardes noirs déviaient ses projectiles, et seule une poignée atteignait leur cible. À sa gauche, son frère et sa mère tiraient des flèches sans discontinuer, pour des résultats à peine symboliques.

Les gardes rouges activèrent leurs propulseurs dorsaux, juste avant que les premiers barzacs n'atteignent le mur d'enceinte. Les cinq femmes tournoyèrent en tous sens, insaisissables, et ouvrirent le feu sur leurs adversaires. Des mitrailleuses lourdes et des lance-missiles leur répondirent.

Une première explosion ébranla la porte de fonte, mais elle tint bon. Plusieurs barzacs escaladèrent le mur d'enceinte, firent virevolter des lames démesurées, découpèrent la pierre comme des mottes de beurre. Dans un parfait ensemble, les canons des chars noirs rejoignirent la symphonie destructrice.

Trois barzacs prirent pied sur le rempart, leurs épées vibrantes tranchèrent dans les défenseurs shawniens, puis ils bondirent de l'autre côté. Aucun sort ne les affectait, aucun projectile ne daignait les atteindre. Seuls les gardes rouges essayaient encore d'attirer leur attention, par des attaques sporadiques et ciblées.

Le mur d'enceinte tremblait sous les explosions. Les pierres séculaires emportaient avec elles les Shawniens. Mille coups de tonnerre résonnaient en même temps, jusqu'à étouffer les hurlements, un déluge vertical s'abattait ; les balles, bien trop nombreuses pour les magiciens, fauchaient les défenseurs. L'atmosphère se couvrait de métal, la poudre saturait les poumons. De l'autre côté, les trois barzac hurlèrent leurs chargeurs.

Les Présages des angesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant