XXXIV-5 : Les enfants des Abysses

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Le dernier carré.

Autour d'Alyne se pressaient les Shawniens. Des éclairs crépitaient, des massues repoussaient les contaminés.

Et Stakis.

Jamais elle n'aurait envisagé de se battre aux côtés d'un apôtre de Gathor, quand bien même Zyssien n'avait jamais rencontré l'ange déchu. Pourtant, le jeune homme agitait un bâton de la main gauche, assenait des coups entre quelques cris paniqués. Face à la horde, chaque bras comptait, peut-être Ignis avait-elle raison.

Les Abysses, une fois regroupés, ne représentaient pas plus qu'une sphère de trois décimètres de diamètre. Même moins, maintenant. Car, à chaque objet, chaque être dévoré, disparaissait l'une de leurs gouttes.

Pour autant, l'opération requerrait une précision, une patience, une concentration de tous les instants. Car les eaux tumultueuses refusaient ce confinement. Leurs vagues s'agitaient entre les voiles d'éther, traquaient la moindre ouverture, s'échappaient même parfois, et l'elfine devait alors rattraper de nouveau le flux récalcitrant.

« NOUS NE VOULONS PAS DE TOI !

NOUS N'AVONS RIEN À TE DIRE !

VERMISSEAU ! »

Des cris d'affrontement résonnent entre les tours de Cristal de la Cité Céleste. Les sombres présences des Abysses.

Elle posa un genou à terre. Les Shawniens comptaient sur elle. Galaniel... Galaniel gisait au sol, à quelques mètres, et un jeune magicien blond déployait son éther pour limiter l'hémorragie. Elle était leur dernier espoir. Peu importait l'avenir, tout ce qu'elle endurait, tout ce qu'elle endurerait. Si elle tombait, maintenant, tous tomberaient, tous mourraient.

« TU SERAS REJETÉE ! CONDAMNÉE ! »

Ses mains sont attachées. Devant elle, des visages réprobateurs. Ses parents, Saëlle...

Toutes les lois terrestres, faillibles par définition, n'égaleraient jamais le divin. Et sa foi, absolue, ne la quitterait jamais. Jusqu'à la mort, elle appliquerait la parole sacrée de la Grande Déesse.

« TU EMPESTES LE DIVIN ! »

D'un mouvement du poignet, elle ramena les bouillonnements de la sphère.

« Alyne ! »

Elle entrevit l'épaisse masse de Césape, occupée à repousser des contaminés à coups de lancers de pavés. Dans son dos s'agrippait Seyer, l'œil hagard, empoissé de sang jaune. Une explosion du vaisseau mère faillit le projeter à terre.

Elle redressa la tête. Tant que resterait cette ombre noire, dans le ciel, la bataille serait perdue.

« J'aurais... besoin d'ailes, murmura-t-elle.

TU CONNAÎTRAS LA SOUFFRANCE ! »

La masse sombre d'un corps oblong. Des mains gigantesques, aux longues griffes argentées.

Les flammes de Moloch.

Douleur.

Elle toussa, faillit perdre connaissance ; son sortilège vacilla, mais tint bon. Les Abysses rebondissaient contre les parois invisibles, s'infiltraient entre les feuilles repliées.

« Seyer ! » hurla-t-elle.

Sa vision bourdonnait des ombres floues, mais sa Pierre étincelait toujours, aussi blanche que l'espoir.

« Je vais lancer cette saleté contre leur fichu vaisseau ! J'ai besoin d'ailes ! »

Quarante mille gouttes occupaient encore la sphère. De quoi tuer autant d'hommes, de quoi détruire l'appareil noir pour de bon.

Les Présages des angesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant