Neelhan, trois jours après la mort du Général Chef
Le souffle court, Seyer se dissimula derrière un talus. Des soldats patrouillaient entre les arbres nus, les armes à la main. Les va-et-viens nonchalants et les conversations détendues le rassurèrent.
Ils ne l'avaient toujours pas repéré. Depuis trois jours, le Voyageur s'astreignait à la plus absolue discrétion, échappait aux nuées noires qui pullulaient comme des insectes. Le cratère tapissé du magma métallique de son vaisseau avait laissé place aux plaines, puis aux forêts.
Il contempla ses bras dénudés. Les dernières brûlures s'effacèrent, l'épiderme orangé se reconstitua en silence, pour reprendre sa texture lisse initiale. Le Voyageur s'était seulement ingénié à survivre, mais le crash avait drainé ses forces à un point tel qu'il avait cru ne jamais se relever. Et il ne les recouvrait que peu à peu, par une limitation drastique du moindre effort.
Dans un soupir, il ferma les yeux, et vagabonda l'immensité de l'éther.
Deux soldats derrière lui, à vingt mètres, une autre patrouille cent mètres au nord, deux hommes et une femme, un ours endormi dans une grotte, deux cents mètres à l'ouest.
Plus loin, environ un kilomètre au nord-est, résonnaient plusieurs millions d'âmes. Sif.
Ses paupières se relevèrent sur des iris violets. Peut-être Kalendor se doutait de sa survie, à en juger par la quantité de soldats sur sa route. Néanmoins, il continuerait de ne laisser aucun indice.
Il s'engouffra entre les arbres, plus silencieux qu'une brise. Ses pieds nus glissèrent sur l'humus, les feuillages remarquèrent à peine sa présence. Même son teint orangé vira à la transparence, pour s'effacer dans la verdure.
Le Général Chef aurait certainement pu sentir sa présence, mais le sacrifice de Zawhyk avait mis fin à ses rêves d'empire. Le Voyageur plissa les yeux. Depuis les profondeurs de la capitale proche émanait une faible lueur magique.
Désormais se posait la question de l'après. Sur Oriale, quelques Shawniens avaient survécu ; en orbite, Alfonsi restait prisonnier avec l'entièreté de son vaisseau.
Le Voyageur s'arrêta. Les arbres s'écrasaient sur un sol calciné, piétiné par des bottes noires, écrasé par des colonnes de blindés. Plus loin, une muraille éventrée rappelait la bataille, trois jours plus tôt. De la suie grise, quelques blessures sombres marquaient les bâtiments de craie blanche, mais, dans l'ensemble, les dégâts restaient modérés. Face au rouleau compresseur kalendorien, les Neelhanais avaient préféré la reddition.
Seyer contempla la scène quelques instants. S'aventurer en terrain découvert s'avérerait trop risqué, tant qu'il n'aurait pas récupéré l'entièreté de ses capacités. Il laissa son esprit s'étendre autour de lui, explorer les environs. Beaucoup de vies bruissaient face à lui, mais aussi sous ses pieds. Beaucoup trop pour rester anodin.
Il fit volte-face, puis contempla le sol, un éclat dans les yeux. D'innombrables galeries traversaient la terre, grouillantes d'agitation. Un labyrinthe souterrain naissait sous la capitale, et ses ramifications s'étendaient jusqu'à l'extérieur. Le Voyageur se redressa. Les Neelhanais n'avaient pas abandonné, le métal des armes réclamait sa revanche. Son pas leste le mena jusqu'à des fourrés proches. D'un mouvement de main, ronces et taillis s'écartèrent, les arbres redressèrent leurs branches pour libérer le passage. Quelques pierres blanches se perdaient dans les hautes herbes. Un ancien puits, à l'abandon depuis siècles.
Le Voyageur avisa une plaque de métal scellée, brisa ses charnières rouillées, puis l'écarta d'un geste. Une odeur de moisissure remonta des profondeurs du boyau sombre. Sur les parois, le temps avait arraché plusieurs pierres, et le lichen recouvert le reste.
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Les Présages des anges
Ciencia FicciónAvec l'ultimatum du Général Chef d'Oriale s'achève une paix de trois mille ans. La Fédération zyssienne doit désormais choisir : se livrer à son autorité ou bien subir l'invasion de son armée. Dans une tentative désespérée, un groupe de guerriers pl...