XIII-2 : Le serpent de Brocélie

26 6 2
                                    

« Il faut que je parle à mes troupes, décida Octale. Qu'ils voient de leurs yeux que je suis toujours vivante.

— Tu n'es pas en état, la sermonna Esmène. C'est de la folie.

— Et toi, tu n'es pas en état de m'arrêter », sourit Octale.

Elle ignora la douleur, de même que les réticences de ses subordonnées, et parvint à s'asseoir sur le bord du lit improvisé. Non loin, Esmène voulut bouger, mais des médecins l'immobilisèrent.

« Allez les réunir, ordonna Octale. Tout de suite. »

Les gardes choisirent finalement d'obtempérer. Plusieurs sortirent en hâte de la tente tandis que les autres restaient pour sa sécurité.

Son bras blanc attrapa un grand manteau rouge orné de serpents écarlates, l'emblème de la Brocélie. Elle l'enfila en grimaçant, et continua d'ignorer les remontrances des médecins.

« C'est de la folie ; vous pouvez à peine tenir debout. »

Elle s'appuya sur deux gardes rouges, qui l'aidèrent à se lever, puis la soutinrent jusqu'à l'entrée de la tente.

« Laissez-moi, maintenant », ordonna Octale, juste avant de franchir le seuil.

Ils obéirent, et elle sortit, seule, sans aide. Chaque pas lui coûtait plus qu'elle ne l'aurait cru. Du plomb envahissait ses jambes et seule sa volonté de fer la maintenait encore debout.

Mais elle était le Général de Brocélie et ne montrerait pas le moindre signe de défaillance.

Elle apparut en plein jour, revêtue de ses apparats écarlates. Malgré ses blessures, malgré son visage livide et ses traits émaciés, ses yeux ardents brûlaient d'une implacable détermination. Deux braises dans une mer de neige, deux braises capables de rendre l'espoir, de réchauffer des cœurs vacillants.

Une ovation enthousiaste salua son apparition, les soldats accourraient en masse.

« Je serai brève, mais je ne commencerai pas sans saluer le courage indéfectible dont vous avez fait preuve. »

Des applaudissements l'acclamèrent.

« Ce courage, reprit-elle, pour lequel vous n'avez pas baissé les bras, pour lequel vous n'avez pas abandonné votre prochain, ce courage, c'est grâce à lui que nous sommes encore ici ! Que je suis encore ici ! »

Nouvelle vague d'applaudissements, dont l'entrain lui donna la force de poursuivre.

« Un jour, on m'a demandé à quoi l'on pouvait reconnaître la valeur d'un soldat. D'aucuns, que je ne citerai pas, pensaient qu'elle se mesurait à l'aune de ses victoires ; mais je vais vous dire ce que j'en pense. »

Elle suspendit sa phrase. Tous restèrent accrochés à ses lèvres, dans un silence total.

« La vraie valeur d'un soldat, poursuivit-elle, ne peut être appréhendée que dans l'adversité. Les valeureux sont ceux qui ne s'enfuient pas, n'abandonnent pas leurs semblables lorsque vient le danger. Ce sont ceux qui décident de faire front, quoi qu'il advienne.

« Soldats, harangua-t-elle, hier, chacun d'entre vous s'est montré plus valeureux que l'ensemble de l'armée kalendorienne. Suite à l'une de ses traîtrises, Zagnar a sans doute interrompu notre avancée spectaculaire, mais il ne pourra jamais nous arrêter, il ne pourra jamais nous vaincre. Vous avez dressé un bouclier que ni lui, ni ses chars ne pouvaient franchir, vous, les véritables héros de cette guerre ! Je suis fière de vous, et c'est pour moi un véritable honneur que d'être votre Général. »

Elle s'inclina, saluée par une ovation encore plus forte que les précédentes.

« Ce rôle, je continue à l'assumer, et j'espère pouvoir faire preuve du même courage et de la même abnégation. Ces valeurs qui vous font mériter votre patrie, ces valeurs qui vous permettent de dire, les yeux emplis de fierté : nous sommes Brocéliens ! »

Les Présages des angesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant