Heure 23

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« Je ne sais pas où va mon chemin, mais je marche mieux quand ma main serre la tienne. »

Alfred de Musset

***

Adam et Mia étaient sur le lit, enlacés dans le noir. Leur peau nue l'une contre l'autre avait une douceur indescriptible et ils semblaient heureux, couchés ensemble. Mia sentait le coeur de son partenaire battre dans son dos et elle sourit tendrement. Adam l'enlaçait de ses bras protecteurs et elle pouvait caresser ses mains douces.

La lumière du jour passait à travers les stores. Mia ne voulait pas quitter l'aura rassurante de la chambre et encore moins le réconfort que le parfum d'Adam lui apportait, pourtant, comme la veille au soir, elle avait l'impression qu'il lui suffirait d'un claquement de doigt pour que tout ne s'arrête d'un coup.

Cette étrange sensation continua de l'accompagner avec des frissons sur tout le corps. Ceux-ci furent plus violents cette fois, et elle eut l'impression d'être parcourue de spasmes de la tête aux pieds. La tête lui tournait tout d'un coup, ses yeux la picotaient, son corps lui paraissait lourd et elle eut l'impression de vomir durant l'espace de quelques secondes. Puis, plus rien. Tout redevint normal autour d'elle et elle tenta de calmer sa respiration sifflante. Elle se tourna face à son bel amant encore endormi et se sentit protégée de ces crises qu'elle ne comprenait pas.

Adam ouvrit les yeux et prit quelques secondes avant de comprendre où il se trouvait. Devant lui, une Mia recroquevillée lui faisait face. Il la détailla une nouvelle fois et posa un léger baiser sur le bout de son nez avec une délicatesse infinie. Celle-ci ouvrit les yeux, surprise.

- Bien dormi ? susurra-t-il.

- J'ai comme l'impression que oui.

- Seulement l'impression ?

- Et si je te montrais ce que je préférerais faire, plutôt ? balança Mia tout en attaquant les lèvres de son compagnon sans attendre une réponse.

Elle se mit au-dessus de lui, leurs lèvres scellées, une bonne dose d'amour partagé, et ils étaient déjà repartis. Cependant cette fois, un cri de douleur stoppa net les nouveaux amoureux.

- Mia ! Ça va ? Qu'est-ce qu'il se passe ?

La jeune femme gémit de douleur en se laissant tomber sur le dos. En plus des picotements, sa tête lui avait donné l'impression d'un violent coup de marteau. Les maux la reprenaient avec une certaine vigueur dont elle se serait bien passée. Depuis plusieurs mois, ils étaient de nouveau fréquents et bien plus violents.

- Mia, dis-moi quelque chose !

Elle leva les yeux vers lui. Son regard était de moins en moins perdu quand elle l'ancra dans le sien. Petit à petit, elle reprit contenance, au grand soulagement d'Adam.

- Qu'est-ce qu'il t'arrive, Mia ?

- Je... Je ne sais pas.

- Tu veux que je t'amène à l'hôpital ?

- Non ! Non, ce n'est pas la peine. Je suis juste fatiguée.

Adam se pencha vers sa belle et l'embrassa sur la tempe.

- Je veux le mieux pour toi, Mia. Je te veux heureuse. Je veux que tu gardes ton goût à la vie. Que tu partages le sourire qui m'a fait fondre à tous ceux que tu croiseras dans la rue pour illuminer leur journée, que tu aides ceux qui comptent pour toi et ceux que tu ne connais pas encore avec cette douceur que tu m'as offerte, que tu redonnes de l'espoir à tous comme tu l'as fait pour moi, je veux que tu te sentes vivante, forte et épanouie pour le reste de tes jours. Je veux que l'on s'aime, assez pour affronter ensemble les épreuves du quotidien mais pas à ce point fatidique où l'on se fait mal mutuellement. Je veux que toute notre vie, on la vive comme deux jeunes amoureux transis, même après nos vingt ans de mariage, je veux t'aimer comme au premier jour. Je veux que tu gardes cet air coquin sur tes lèvres avant la nuit, et la douce folie d'avant-minuit.

Mia scrutait la sincérité qui éclaircissait le regard de son poète transi. Elle n'avait jamais rien vu d'aussi beau. Elle aimait cet homme, elle en était sûre.

- Qu'est-ce que tu veux dire par là ?

- Ce que je veux dire ? C'est que je t'aime, Mia. Et je t'aimerais longtemps encore. Et je sais que toi aussi.
C'est pour ça que je dois te demander de me laisser partir. Pour de bon cette fois.

- Adam ? Qu'est-ce que tu racontes ?

Le coeur de Mia s'affola. Qu'il parte ? Qu'il parte ?

- Comment tu peux me laisser ? Comment tu peux faire ça ? Comment je suis censée te laisser moi aussi ? Tu crois que c'est facile ? Merde, Adam, qu'est-ce que tu racontes ?

- Mia, calme-toi. Tu sais aussi bien que moi de quoi je parle. C'est parce que je t'aime de tout mon coeur que je te demande ça. Laisse-moi partir. Jamais je ne pourrais t'en vouloir. Tu as été la seule, la seule qui m'ait fait comprendre la valeur de la vie. S'il te plaît, ne te gâche pas la tienne. Rien de tout ça n'était de ta faute. Tu ne pouvais pas le savoir. Je ne t'en ai jamais voulu, Mia. Jamais.

- De... De quoi tu parles ? hoqueta Mia aux bords des larmes. Je ne comprends pas, Adam, je ne comprends pas.

- Ne t'en veux pas pour quelque chose dont tu n'as pas été coupable. Tu n'es pas arrivée trop tard. Tu as toujours été là au bon moment, toujours. Ça fera un an, demain. Il faut que tu t'en remettes. Je t'aime de tout mon coeur, Mia. Mais je t'en supplie, ne fais pas de connerie.

Mia pleurait sans en comprendre la raison. Au fond d'elle, elle ressentait que sa boule au ventre avait repris place, mais ce qu'elle ne comprenait pas, c'était pourquoi cette sensation lui paraissait aussi familière qu'Adam dans ses bras. Le monde qui l'entourait devint flou, un bruit affolant sifflait dans ses oreilles, elle ne savait plus où elle se trouvait. Tout autour d'elle commençait à s'effacer lentement, elle avait le tournis et le cœur qui battait trop fort dans sa cage thoracique. Elle ne voyait plus Adam dans le brouillard de sa vision.

- Adam ! Adam ! Adam !

Les larmes sur ses joues traçaient un chemin déjà parcouru. Cette tristesse qui lui étranglait le coeur, elle la connaissait. Se rajoutait à toutes ces émotions intenses, une crise plus violente encore de soubresauts. Les picotements lui perçaient le corps cette fois-ci, et Mia hurlait. Parce que ça y est. Cette fois-ci, elle comprenait.

24 heuresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant