Heure 16

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« À cette minute précise, dans le monde, combien de gens attendaient désespéramment que quelqu'un leur fasse un signe ? »

Gilles Legardinier

***

     Mia était tranquillement sur le canapé, un livre à la main quand la pluie commença à tomber. Elle fit la moue face au temps maussade auquel elle avait le droit à travers la baie vitrée. Puis elle se dit qu'Adam devait apprécier le spectacle de là où il était.

    Il était une des seules personnes à préférer la pluie au beau temps. Il disait que l'aura qu'elle laissait derrière elle avait quelque chose de magique, une sorte de renouveau, de mise au point, un nouveau début. Les nuages se vidaient de leurs larmes et laissaient s'envoler un poids pour permettre au soleil de revenir.

    Mia ne manquait jamais une occasion de le charrier sur ses théories philosophiques, consciente que la pluie n'était que le phénomène de précipitation qui suivait dans le cycle de l'eau sur Terre. Ils avaient toujours ce genre de débat : était-ce vraiment utile de chercher de la poésie là où il n'y en avait pas ? Adam affirmait que la question n'avait pas besoin d'être posée puisqu'il y avait toujours de la poésie là où l'Homme décidait d'en voir. Et Mia continuait de secouer la tête en le traitant d'enfant qui ne voulait pas grandir.

    Cependant, le sourire qu'il y avait sur ses lèvres prouvait bien qu'elle finissait par être d'accord avec lui, et c'était peut-être la façon d'Adam à réussir  à trouver la beauté qui se cachait derrière chaque chose qui l'avait rendue si amoureuse.

    Cette fois, elle ne pensa même pas à ses cours de biologie, et murmura doucement :

- Faites revenir le soleil.

    Elle se leva, enleva les lunettes de sur ses yeux et se dirigea vers la cuisine. Ses yeux se posèrent inévitablement sur le petit dessin qu'ils avaient accrochés là, deux semaines auparavant.

    Elle avait d'abord pensé que les souvenirs qu'avaient fait remonter le docteur Martin allaient pousser Adam au plus bas, mais si l'on oubliait la soirée qu'ils avaient passé dans les bras l'un de l'autre, Adam n'avait montré aucun signe de tristesse. Le lendemain matin, quand elle s'était réveillée seule, le dessin était déjà aimanté entre deux photos de vacances, et il était reparti travailler comme si de rien n'était.

    Malgré son attitude sûre, Mia voyait bien les cernes qui s'étaient creusées sur le visage de son amant, et les traits que sa fatigue avait augmenté. Il parlait moins, rentrait plus tard le soir, s'enfermait sur son projet, et même Sam avait commencé à s'inquiéter.

    Ashley et lui passaient de temps en temps, et elle avait appris à connaître chacun d'eux. Elle s'était sentie facilement intégrée malgré le faux-départ, et elle appréciait les soirées qu'ils passaient tous les quatre.

    Alors qu'elle s'ouvrait au monde, elle avait l'impression de voir Adam s'enfoncer, et c'était une sensation qui l'étreignait de plus en plus. Elle savait que ReMind n'avançait pas aussi bien qu'il l'avait espéré, ils avaient eu le droit à des complications qui avaient ralenti la progression, et le souvenir de son père n'avait pas aidé Adam. Néanmoins, elle savait qu'il était allé se recueillir sur sa tombe avec André Martin, et cette nouvelle l'avait quelque peu rassurée. Elle avait confiance en André Martin, et était certaine qu'il aiderait Adam à avancer dans l'aventure périlleuse dans laquelle il s'était lancé.

    Elle savait que ce pari risqué en valait la peine. Elle était certaine qu'il réussirait. Pourtant, elle ne pouvait s'empêcher de s'inquiéter. C'était comme ça depuis qu'elle l'avait rencontré.

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