Heure 3

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« L'histoire de nos vies est l'histoire de nos peurs. »

Guillaume Musso

***

     Sam triturait ses mains. Adam fit mine de ne pas voir la nervosité de son ami. Il essayait de garder ce masque de sérénité qu'il s'était appliqué à forger toute la nuit pour ne pas inquiéter davantage Sam. Il se disait que s'il faisait semblant, même lui finirait par être berné, et il finirait par arriver d'un pas assuré à son entretien.

    Cependant, les étages qui défilaient sur le cadran de l'ascenseur étaient bien loin de le calmer. Son pouls battait rapidement. Il repensait à tout ce qu'il avait fait pour en arriver là. Il s'était promis de faire sa vie comme il l'entendait, sans jamais abandonner ce pour quoi il se battait réellement, et le voilà qui fonçait tout droit dans la vie qu'il avait toujours évité. Est-ce que ça en valait le coup au final ? Toutes ces années de sacrifice pour retomber au même point. En route, il avait tout perdu.

    Ses yeux baissés croisèrent une paire de basket grises. Pas tout, finalement. Son meilleur ami se tenait debout, à côté de lui. Et c'était là une des choses les plus importantes de sa vie. Adam avait pour philosophie de s'accrocher aux petits moments de bonheur, aux touches de positivité quand le ciel était gris et aux minimes lueurs d'espoir dans les périodes compliquées. Et ces cinq dernières années avaient été une période compliquée.

    Décider de tout plaquer pour prendre ses rêves par le col. C'était un coup de tête. Un pari d'un soir. Un moment de folie. Cette même folie dans laquelle il vivait depuis cette décision. Au début, il avait trouvé ça fou de perdre l'aide de ses parents après qu'il leur ait annoncé. Puis il avait été triste de voir qu'il n'était plus invité aux repas de ses amis qui le trouvaient trop absent. Et enfin, il avait compris que c'était le début de la fin quand il avait trouvé sa copine au lit avec un de ses anciens potes. Au bout du compte, son unique soutien se trouvait à ses côtés à ce moment-là, mais il se disait bien que ça ne durerait pas. Pourquoi l'auraient-ils tous abandonné si Sam réussissait encore à le supporter ? Impossible. S'il échouait, même lui ne pourrait plus supporter ses conneries.

    Pourtant, s'il avait eu milles occasions d'abandonner, Adam avait toujours refusé. Il avait commencé à s'engouffrer dans ce projet bien trop longtemps avant pour l'arrêter si soudainement. Il se raccrochait si fort à ce petit bout d'espoir que l'échec l'abattrait sur le coup. Il ne pouvait plus se le permettre.

    Ce boulot était l'occasion de pouvoir réussir à vivre de nouveau quelques mois avant de tenter une dernière fois. C'était son unique chance pour un ultime essai. Malgré le coup de chaud qui s'empara de lui, il continua à garder ce masque détendu sur son visage, comme si cela suffirait pour réussir.

    Les portes s'ouvrirent en même temps que son esprit. Une femme se tenait à l'accueil, bien droite, et tout dans sa posture indiquait qu'elle était sûre d'elle. Elle ne leur jeta même pas un coup d'œil. Adam se sentit soudain oppressé de toutes parts.

    Sam s'avança dans la pièce. Adam ne bougeait pas. Les deux hommes se fixèrent.

- Monsieur Owen ?

    Adam posa son regard sur la secrétaire. Puis sur la femme qui venait d'arriver, un air las sur le visage. Puis sur son meilleur ami qui le regardait, perdu.

- Vous êtes bien Adam Owen ?

    Sam fit un signe à ce dernier. La femme au chemisier rouge le détaillait. La secrétaire observait sa cheffe pour savoir ce qu'elle devait faire. Tout se mélangeait. Tout allait trop vite. Il pensait à tout, à rien et l'air commençait à lui manquer. Autour de lui, les bruits se mélangeaient, et des taches sombres vinrent lui tacheter la vue.

24 heuresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant