Chapitre 1

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« Oh non ! On va être en retard en cours ! Bouge-toi, Mély ! »

Je regarde mon téléphone et constate qu'il affiche un écran noir. Je l'ai pourtant mis en charge hier soir avant de me coucher, tout comme ma colocataire, mais l'orage de la veille a eu un effet inattendu et prévisible à la fois : une panne d'électricité. Heureusement, le bruit dans le couloir a réveillé Audrey, ma coloc, qui est maintenant en plein mode panique. Il faut dire qu'elle a déjà quelques retards à son actif, tandis que de mon côté, je suis moins stressée. Je suis rarement en retard et j'ai un dossier scolaire impeccable. Depuis mes premiers jours à l'université, je suis réputée pour être studieuse, et mon nom figure sur la liste restreinte des meilleurs élèves de ma promotion. Je me lève rapidement et me précipite dans la salle de bains pour me brosser les dents, en compagnie d'Audrey. Pas le temps de prendre une douche, nous nous contentons d'une toilette rapide, agrémentée d'un bon coup de déodorant sous les aisselles. En quelques minutes, une fois habillées et coiffées, nous parvenons à faire illusion. Nous quittons notre duplex en trombe, comme si nous étions pourchassées par des vélociraptors. Audrey se colle à moi pour se fondre dans l'anonymat, car tous les regards sont tournés vers moi alors que nous nous frayons un chemin dans les couloirs de l'Université de la Sorbonne, Paris-XIII, officiellement située sur le campus de Bobigny en région parisienne. Nous croisons Monsieur Wayland, le responsable de la formation d'Audrey. Je le prie d'excuser son retard, expliquant que je l'aidais à accomplir une tâche pour un devoir et que nous avons perdu la notion du temps. Monsieur Wayland me sourit et excuse Audrey, tout en lui faisant remarquer qu'elle ne mesure pas sa chance d'avoir quelqu'un comme moi à ses côtés. Lorsqu'elle pénètre dans son amphithéâtre, son sourire complice et son clin d'œil sont mes remerciements. Audrey étudie la médecine et se prépare à reprendre le cabinet de son père. Quant à moi, je me destine à la recherche médicale. Mes professeurs me considèrent comme un prodige de la biologie, et bien que je n'en sois qu'au deuxième semestre de mon Master, j'ai déjà reçu des propositions de plusieurs laboratoires. Cependant, je ne suis pas réellement intéressée par ces offres pour le moment. Je sais qu'au semestre prochain, leurs propositions seront plus alléchantes et qu'au cinquième semestre, je commencerai à les considérer sérieusement. Je me promène sans stress pour rejoindre mon bâtiment, perdue dans mes pensées, saluant les professeurs, les employés et les étudiants que je croise en chemin. L'image que je renvoie est celle de la perfection, tant sur le plan académique que personnel. Je suis attentive et participative en cours, j'assiste aux fêtes auxquelles je suis invitée, je me contrôle si je bois de l'alcool, et je veille à ramener Audrey en sécurité lorsqu'elle est ivre. Je refuse les drogues. La seule chose que l'on pourrait me reprocher, c'est de ne pas être en couple. Même si on me fait régulièrement des avances, j'accepte les compliments mais je refuse les cadeaux et les propositions. Audrey alimente le mythe en affirmant que j'ai un petit ami en dehors de l'université, et je suis heureuse ainsi. En réalité, je suis vierge et je ne ressens aucune attirance physique envers personne, qu'il s'agisse d'un homme ou d'une femme, du moins pas vraiment.

J'entre dans l'amphithéâtre et me dirige vers un siège, sortant mon ordinateur portable, un bloc-notes et des stylos de mon sac. Mon téléphone est réglé en mode silencieux. Je ferme les yeux un instant, inspirant profondément, puis je fixe droit devant moi, me concentrant sur mon cours de chimie organique. Le semestre touche à sa fin et il ne me reste plus qu'à terminer ces derniers cours, ce qui est purement formel. Plusieurs personnes en sont conscientes.

« Salut Amélie ! Puis-je m'asseoir ici ? »

D'un regard vide, j'observe celui qui pénètre dans mon espace, sentant une pointe d'exaspération.

Jordan.

Mon ombre. Il ne me lâche pas. Je ne sais pas qui lui a dit que persévérer finit par payer, mais avec moi, cela frise l'obsession.

La Reine elfiqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant