Marion et moi visitons la cuisine, curieuses. D'un commun accord, nous décidons de continuer à manger dans notre monde. Bien que leurs frigos soient ingénieux, avec des blocs de glace créés par un elfe et entreposés dans un meuble à double paroi ressemblant à un réfrigérateur, je préfère quand même savoir ce que je mange, enfin, façon de parler.
Je romps avec le protocole et je ne rejoins pas ceux qui attendent pour manger. Je ne sais pas qui sont ces gens et je n'en ai pas envie ce soir. Installées à une table dans notre chambre, Marion et moi nous régalons de fast-food et des bouteilles d'eau que j'ai ramenées. Nous mangeons dans de la vaisselle que j'ai récupérée à la maison. Marion me suit, vêtue de son pyjama et de chaussons en forme de lapin, pendant que j'apporte une assiette de gâteau au chocolat à Lian. En ouvrant la porte de sa chambre, elle nous détaille de la tête aux pieds avant de s'incliner et de nous laisser entrer.
« C'est donc ça, une soirée pyjama ?
— Non », sourit Marion. « Pendant une soirée pyjama, on parle des mecs, des filles, du maquillage, des potins, de ce qui nous fait vibrer, de ce qui nous énerve.
— Je... hein ? Ça sent bon, qu'est-ce que c'est ? » demande-t-elle en regardant le gâteau au chocolat.
« C'est pour toi, tu as bien mérité un peu de douceur. C'est un gâteau au chocolat.
— Un cadeau ? Non, je ne peux pas accepter, Ma Reine. Vous en avez déjà fait beaucoup pour moi. Me rétablir dans mes... non, même plus que ça, et cette chambre.
— Cela se mange, Lian, et... c'est quoi, ça ?
— C'est ce que vous m'avez demandé. Les listes des villages, les noms et les attributions de ceux qui ont des appartements au Palais, vos invités pendant les repas. À ce propos...
— Lian ! Tu as du temps, tu n'es pas mon esclave. Je veux que tu cesses de travailler le soir, que tu te détendes, que tu manges avec tes amies, ta famille, ton petit ami si tu en as un, que tu sortes. À moins qu'il y ait quelque chose d'important, le reste peut attendre jusqu'au lendemain et aux jours suivants.
— C'est très... novateur.
— Nous allons mettre en place un horaire de travail. As-tu des jours de congé ?
— Des congés ? Ma Reine ?
— Tout le monde aura droit à un jour de congé, un jour pour se reposer et s'occuper de ses propres affaires. Permets-moi de te poser une question, es-tu rémunérée ? »
Lian me regarde comme si j'arrivais d'un autre monde.
« Oui, Ma Reine. De notre salaire est déduit notre logement et le mobilier, notre nourriture, nos vêtements, les taxes. Avec mon nouveau statut, j'ai un meilleur salaire. Ce logement est plus cher, mais j'ai récupéré les meubles de l'ancien capitaine. Les meubles de quelqu'un tombé en disgrâce sont donnés car personne au Palais ne veut s'attirer le mauvais œil.
— Je vais mettre de l'ordre dans ces règles. Tu n'as pas à payer pour cette chambre, tu es mon assistante. Tu vas m'expliquer le fonctionnement, ensuite je rencontrerai les différents chefs de service pour mettre les choses au clair. Ceux qui viennent manger gratuitement chaque jour, c'est fini. Ils iront au restaurant. À la taverne », corrigeais-je en voyant son regard.
« Goûte au gâteau, si tu n'aimes pas, ne te force pas. Ce n'est pas parce que Lyssa te le donne que tu dois le manger pour être malade », sourit Marion. « Ne travaille pas trop ce soir. On se voit demain. Bonne nuit, Lian.
— Oui, Ma Dame », s'incline Lian.
Je retourne dans ma chambre épuisée, plus les heures passent, plus je me rends compte que c'est péniblement compliqué. Je pense avec mon esprit de terrienne. Je m'apprête à changer des façons de faire qui ont peut-être cours depuis des centaines voire des milliers d'années. Un aller-retour à la maison pour un petit pipi et nous nous couchons, voulant dormir dans notre chambre de conte de fées. Marion éclate de rire en cherchant l'interrupteur et son téléphone, puis part dans un fou rire en réalisant où elle est.
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La Reine elfique
FantasyAmélie, une étudiante qui a grandi dans le système de la DDASS, a toujours porté en elle un secret : un ange gardien invisible aux yeux des autres. Ce n'est pas un simple ami imaginaire, mais une présence qui veille sur elle, la protège quand elle e...