Chapitre 5

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Tout avait pourtant bien commencé.

Elle avait rit avec Jerry en prenant une de leurs planches qui était finalement plus lourde que son apparence mousseuse. La prof de maths était de bonne humeur comparé à son habitude et avait passé le temps à crier après Suzanne et ses amies, ce qui avait laissé un peu de répit à la jeune fille. Mme Laoudy était arrivée un peu plus tard et s'était occupée d'aider un groupe un peu à l'écart qui ne semblait pas très à l'aise avec maillot de bain et planche. Elle n'avait pas remarqué Océane l'observer de la tête aux pieds, subjuguée par son maillot de bain brun caramel. Et puis ils avaient commencé à pagayer dans les embruns de la mer, la plupart ayant trop de mal à ne pas se faire renverser pour tenter de se tenir debout.

Océane se sentait soulagée, comprenant petit à petit que le récit de sa fuite ridicule n'avait même pas fuité des lèvres de son enseignante. Elle songeait à aller s'excuser et à trouver un moyen de se rattraper en se rappelant les paroles de Jerry.

Mme Laoudy était passée juste à côté de son paddle, debout, les jambes bronzées légèrement fléchies, et l'avait dépassée, allant bien plus vite que Océane. Celle-ci avait réprimé un sourire un peu trop amical et s'était contentée de baisser les yeux sur ses pieds. Finalement, peut-être que tout s'arrangerait.

Et puis, il y a eu la vague.

Au départ, Océane n'y avait pas fait attention, trop concentrée sur l'observation totalement désintéressée de ses pieds nus. Mais elle avait entendu Clara, Emeline et Suzanne se mettre à crier alors que les trois filles étaient loin de la trajectoire de ce qui avait ressemblé à une vague de taille moyenne.

Océane avait relevé les yeux juste au moment où celle-ci prenait de la hauteur, s'élevant à une distance bien plus grande que les autres. Puis, Océane vit le paddle de Mme Laoudy se retourner, soulevé sur son passage, avant de basculer à son tour dans l'eau froide, projetée par la force du courant. Elle eut l'impression d'être passée dans une essoreuse à linges. Quelque chose la heurta, elle sentit qu'elle avait encore l'attache de son paddle fixé à la cheville et essaya de remonter à la surface. S'y accrochant, elle sortit en haletant, des cheveux dans la bouche, ré-ouvrant des cils mouillés. Et puis, elle se rendit compte que ce n'était pas à son paddle qu'elle était agrippé en remarquant qu'il la tenait aussi.

Ou plutôt, qu'elle la tenait, se corrige-t-elle en voyant une tête émerger de l'eau salée à ses côtés.

Oh.

Mme Laoudy toussa, essayant de reprendre sa respiration.

Océane se dit qu'il faudrait peut-être qu'elle la lâche, mais sa professeure avait encore son bras accroché à son épaule.

Elle remarqua avec un pincement au cœur que son enseignante avait des tâches de rousseurs adorables sur le nez.

Adorables, vraiment ? se raisonna-t-elle avec amertume.

Puis Mme Laoudy tourna ses yeux bleus vers elle et remarqua qu'elle était accrochée à Océane. Sa bouche s'entrouvrit, et elle se décala, honteuse, tandis que la jeune fille faisait de même, un peu perdue.

Sa planche lui tapa dans l'épaule, détournant son attention, et elle attrapa le cordon afin d'essayer de remonter dessus.

Elle eut envie de maudire la mer en même temps que de la remercier.

Son cœur battait la chamade.

De son côté, Benedict Laoudy nageait lentement vers la plage, à quelques mètres.

-Ça va ? demanda la professeure de maths à l'élève de façon à être dans le protocole.

Océane hocha la tête en essorant sa queue de cheval dégoulinante.

Une fois au niveau du sable, la jeune fille s'aperçu que son débardeur blanc maintenant trempé était transparent.

Super.

Vraiment, vraiment super.

Elle croisa ses bras sur sa poitrine, claquant des dents, sans parvenir à trouver sa professeure du regard. Pourtant, alors qu'elle réfléchissait à ce qu'il venait de se passer, elle sentit une épaisse serviette être drapée sur ses épaules.

Surprise, elle se retourna et son cœur manqua de s'arrêter.

Benedict Laoudy avait la même serviette enroulée autour d'elle et lui adressa un petit sourire complice, ses cheveux humides lui collant dans le cou, tombant sur sa clavicule en mèches blondes. Une sensation bien trop familière monta au creux des reins de la jeune fille, comme une volée de feu d'artifices.

Elle ne devrait pas apprécier ça, et pourtant.

-Merci, souffla-t-elle en tremblant.

-Pas de quoi, répondit sa professeure avec un sourire sincère.

Une goutte d'eau coula de ses cheveux et glissa sous la serviette, ce qui obligea Océane à détourner les yeux de sa course afin d'éviter à ses pensées de prendre un chemin compromettant.

Elle était peut être lesbienne...

En tout cas, cette femme avait bouleversé tous ses principes.

Jerry mit fin à ce moment en surgissant aux côtés d'Océane, parfaitement sec.

-Hé, salut la petite sirène ! rit-il.

-T'es chiant, Jerry ! soupira-t-elle, amusée.

La professeure leur jeta un regard attendri comme si elle assistait à une dispute de couple.

Cet air-là déplut très fortement à la jeune fille qui ajouta de l'écart entre elle et son meilleur ami.

-Va vite te sécher Océane, tu vas attraper froid si tu traînes trop !

Puis Mme Laoudy s'éloigna pour aider à ranger les planches, sans écouter ses propres conseils. Jerry haussa les sourcils.

-Ew... Vous parliez de quoi ?

-Rien, marmonna Océane.

-Hé d'ailleurs, je vous ai vu vous faire retourner dans l'eau ! Vous m'avez fait rire à vous tenir toutes les deux !

Océane sentit son visage prendre la teinte la plus rouge qu'elle n'aie jamais porté, et ses oreilles chauffer.

-On essayait juste de remonter, Jerry.

Il éclata de rire.

-Ouais j'ai vu ça ! Heureusement que tu a confondu la prof avec une bouée, parce qu'elle était coincée sous son paddle.

Océane ressera la serviette autour de son buste dans un geste nerveux.

-Ça va Jerry, c'est bon, grogna-t-elle.

Celui-ci la regarda d'un air bizarre, mais finit par lâcher l'affaire.

-Tu devrais aller te changer, soupira-t'il finalement.

-Ouais, t'as raison, coupa-t-elle.

Elle s'éloigna sans un mot de plus.

Elle aimait beaucoup Jerry, mais parfois il entrait trop profondément dans sa vie privée.

Comme s' il voulait toujours se rapprocher d'elle, en savoir plus.

Mais cette fois-ci, ça ne le regardait plus.

Une bulle de colère avait éclos en elle, elle en avait assez de devoir partager l'intégralité de ses sentiments au monde entier.

Après tout, c'était une question de sentiments, non ?


Lui apprendre à aimer - [Romance lesbienne]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant