Chapitre 39

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Pov Océane interne

Je n'ai pas eu de nouvelles de Benedict depuis hier. D'habitude, je ne m'inquièterais pas, mais la situation est un peu tendue.

Quand la professeure de maths a quitté la salle ou nous étions hier, elle a simplement rangé ses affaires sans finir son sandwich et m'a demandé d'aller retrouver Jerry et Suzanne.

Elle m'a assuré qu'elle me reverrait dès qu'elle le pourrait.

Sans trop m'avancer, j'ai su qu'elle ne le pensait pas à l'instant ou elle a disparu dans la salle des professeurs.

Peu importe à quel point je l'aime, il y aura toujours cette barrière entre nous. Et cette porte se refermant derrière elle parce qu'elle savait que je ne pouvais pas la suivre à l'intérieur l'a très bien prouvé.

J'ai essayé de l'appeler deux fois ce matin. Je suis tombée sur sa messagerie.

Évidemment que je ne veux pas la harceler, mais j'ai besoin de savoir comment elle va. A vrai dire, je suis inquiète.

J'ai dû en parler à mes parents. Si le lycée me convoque, je préfère qu'ils sachent pourquoi. Ils n'ont pas étés surpris par mon orientation sexuelle, ce que je n'ai pas tout à fait compris.

Mais la nouvelle de ma liaison ne leur a pas vraiment plus. Je sais qu'ils n'ont rien dit parce qu'ils se sont attachés à Benedict pendant les mois où elle a cohabité avec nous.

C'est une femme bien. Ils en sont conscients.

Simplement, le problème est toujours le même. Nos statuts respectifs nous empêchent de nous aimer.

Je me suis renseignée hier soir en rentrant chez moi. Il n'existe aucuns articles dans le Code Civil qui prohibe une relation professeur élève dans le cas ou ce dernier est majeur. Simplement, ce n'est pas conseillé, et il est bien indiqué un peu partout sur internet qu'il y a tout de même des risques.

J'imagine que c'est au chef d'établissement de décider, et qu'il est possible que l'affaire monte plus haut dans la hiérarchie si il en décide ainsi.

J'ai mis Benedict dans le pétrin.

C'est la seule chose qui tourne en boucle dans ma tête depuis qu'elle est partie hier soir sans me jeter un regard.

Je comprendrais si elle m'en voulais. Mais avant, je veux juste pouvoir lui parler. Savoir si on peut faire quelque chose, si la prof de maths nous a dénoncées, mais surtout savoir si elle va bien.

Sans regarder devant moi je traverse le couloir du troisième étage, séchant mes mains en les secouant parce que le souffleur des toilettes est en panne depuis trois mois.

Je ne pensais pas que je finirais le lycée avec une petite amie aussi merveilleuse que l'est Benedict pour moi. Je n'ai jamais autant mûrit que depuis que je suis avec elle, et je sais pourtant que j'étais déjà assez mature avant.

Maintenant, j'ai peur de la perdre.

Cet après-midi, Jerry et Mary n'ont pas cours, alors ils sont rentrés chez eux à onze heures. Je ne trouve pas Suzanne, j'imagine qu'elle travaille aujourd'hui et est dispensée de cours.

Alors, j'ère toute seule dans les couloirs, moi et mes doutes. L'espoir de la croiser ne me quitte pas, bien que je sache qu'elle donne cours jusqu'à dix-sept heures trente.

Je ne connais pas sa salle, et je ne veux pas aller la voir volontairement. Du moins, pas tout de suite.

Nous sommes vendredi, et les deux semaines qui arrivent sont des semaines de vacances. Pour la première fois de ma vie, je n'ai pas vraiment hâte d'arrêter les cours.

Le bac se rapproche et les révisions commencent à devenir urgentes. Moi qui suis d'habitude toujours en avance dans mon travail, je n'ai pas encore commencé.

Je sais que je devrais, mais je n'arrive pas a m'y mettre.

Tout ce que je souhaite, c'est d'avoir enfin fini cette année scolaire, d'avoir mon diplôme et de me sentir légitime à l'aimer.

-Mais pour ça, il faudrait d'abord décrocher son bac, Océ, je marmonne pour moi-même en regagnant le hall d'entrée.

Il fait doux dehors, le soleil chauffe les vitres et je ne sais plus où j'ai laissé mon sac. Essayant de me rappeler si il est dans mon casier, je reste plantée comme une andouille près des escaliers, le regard vague.

Pourtant, au moment ou je m'apprête a remonter vérifier, un mouvement dans le coin de mon champ de vision me fais jeter un coup d'œil sur ma gauche, simple réflexe.

Et je manque de me manger la première marche en m'arrêtant trop brusquement.

Elle est là-bas.

Sortant visiblement du bureau du principal, Ben se dirige rapidement vers les portes vitrées menant à l'extérieur. Ses cheveux clairs détachés me masquent son visage, retombant en mèches titanes sur ses épaules.

Trébuchant en avant, je me dépêche de faire demi-tour pour l'aborder, oubliant tout à coup la recherche de mon sac.

Mais je n'ai jamais su être discrète, et je n'aurais pas imaginé devoir l'être pour la rejoindre. Au son du crissement de mes semelles contre le carrelage, elle relève la tête dans ma direction.

Je ralentis, absolument sûre qu'elle va venir vers moi pour m'expliquer ce qu'on vient sûrement de lui dire dans ce bureau.

Des iris bleus entourés de rouges, brillants, croisent brièvement les miens avant de se détourner en vitesse, et Benedict fuit par les doubles portes sans demander son reste.

Au lieu de la suivre et d'essayer de la rattraper, je reste là, les bras ballants, fixant les portes vitrées d'un regard vide.

Visiblement, c'est mauvais.

Je ne l'ai jamais vue comme ça.

Pourquoi m'a-t-elle évité si brusquement ?

Le hall me renvoie un flash de la scène dans laquelle elle essayait de rassurer Suzanne près d'un banc, son sourire calme et complice glissant dans ma direction comme un secret, comme une promesse.

Aujourd'hui, je comprends. Les promesses sont les mensonges les plus doux.

Et on croit toujours aux mensonges quand ni celui qui les reçoit, ni celui qui les dit, ne savent qu'ils en sont.

Lui apprendre à aimer - [Romance lesbienne]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant