Chapitre 7

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Pov Suzanne

Elle n'était pas du genre sincère. Elle riait quand elle avait mal. Suzanne congédia Emeline et Clara d'un signe de tête et trouva le moyen d'éviter de participer au rangement du matériel. C'était comme ça que la vie lui avait appris à survivre. Entre le divorce de ses parents lorsqu'elle était en 6eme et la mort récente de son père, la jeune fille est devenue une louve solitaire et cupide, qui n'hésitera plus à mordre pour arriver à ses fins.

Elle se mit en marche en direction de la sortie du camping, cigarette aux lèvres dont le bout incandescent laissait s'échapper des volutes de fumée. Son regard vide se promenant sur le paysage autour d'elle, le traversant comme un voile inexistant. Elle n'était plus du genre à s'attacher aux gens, elle voulait des fans, pas des amis. Son cœur lui avait maintes fois prouvé ses erreurs par le passé, et elle avait fini par comprendre la leçon. S'attacher n'était plus une option pour celui qui voulait avancer.

Un petit garçon l'observait en silence, accroché à la main de sa mère et Suzanne lui rendit un regard noir en tirant une nouvelle bouffée. Le môme se mit à pleurer, faisant naître l'ombre d'un sourire sur les lèvres maquillées de rouge de l'adolescente. Bien. Qu'il apprenne à ne jamais compter sur les autres. Elle continua sa course sans un mot d'excuse face à la mère du bambin qui s'était mise à la réprimander en tentant de le calmer. Suzanne haussa un sourcil mesquin en s'éloignant. Ses écouteurs beuglant les paroles d'un morceau de rap qu'elle connaissait par cœur.

*J'comprends mieux la race humaine j'évite de côtoyer du monde,

Ya personne qui peut me comprendre

Moi, je viens tout droit d'un autre système*

Finalement, la haine était bien plus utile que la compassion. Les insultes régulières de sa mère chaque fois qu'elle amenait un nouveau mec a la maison le lui avaient bien trop prouvé.

Suzanne n'appréciait pas les coups d'un soir de sa figure maternelle mais n'avait pas eu droit d'exprimer son avis. Elle s'était habituée à sortir tard le soir pour tenter d'éviter les hommes peu fréquentables qui avaient squattés son appartement. Suzanne avait grandi en ville, dans un coin peu développé et qui devait son argent à des activités illégales qui se déroulaient la nuit à l'ombre des immeubles. Son frère en avait subi les conséquences et était tombé dans le trafic de drogue très jeune, bien qu'il aie aujourd'hui 24 ans et autant de dettes que de perquisitions dans son casier. Suzanne s'était fait la promesse de ne jamais suivre l'exemple de son grand frère, et de trouver des moyens différents afin de parvenir à ramener l'argent pour assurer la survie de sa seule figure d'autorité. Bien que celle-ci ne risquait pas de s'en rendre compte, absorbée par son chagrin et ses conquêtes. Elle arriva à la hauteur du portail du camping et s'y arrêta, s'appuyant contre un des poteaux.

Demain, elle allait devoir rentrer. Ce petit aparté hors de son monde de violence se finirait, et elle retrouverait sa routine dans les ruelles qui sentaient l'urine et l'alcool trop fort. Le seul point positif, c'est qu'elle n'aurait plus l'obligation de partager un bungalow ridicule avec Océane. Elle détestait cette fille presque autant que les magouilles de son frère qui lui permettaient pourtant de vivre dans des conditions convenables. Océane et sa maudite manière de rougir à tout, que tout le monde appréciait. Cette fille ne se rendait pas compte qu'elle avait beaucoup, elle était née avec une cuillère en argent dans la bouche et se plaignait pourtant qu'il puisse exister des guerres dans le monde.

Mais elle était stupide. Elle ne comprenait rien aux volutes sombres de la vie.

Elle n'avait pas connu les réveils en trombe quand les sons des coups de feu claquaient contre les bâtiments au milieu de la nuit, l'impression persistante que la fin pouvait arriver à tout moment. Elle n'avait pas eu le besoin de se construire des boucliers pour se protéger du monde extérieur, d'avoir toujours cette apparence intouchable car plus rien en dehors de ces rues ne pouvait l'effrayer.

Elle détestait cette fille.

Suzanne jeta sa cigarette au sol et l'écrasa sous son talon avant de retourner dans le camping.

Elle avait un monde à mépriser.


Lui apprendre à aimer - [Romance lesbienne]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant