Chapitre 22

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Océane était assise à sa place habituelle depuis quelques minutes. Arrivée en avance, il restait encore 15 minutes avant le début des cours.

Elle commençait sa journée avec philosophie, et Benedict lui avait ouvert la salle avant d'aller chercher un thé en salle des profs.

Profitant donc de son temps libre, la brune feuilletait un recueil de poèmes que sa mère lui avait offert la veille. C'était un Baudelaire, et Océane adorait cet auteur, contrairement aux autres de son âge.

Mais Benedict lui avait assuré qu'elle aussi elle en avait dans sa bibliothèque, alors Océane avait décidé de se moquer de l'avis des autres.

Jerry n'avait pas cessé de s'inquiéter depuis qu'elle l'avait prévenu qu'elle ne prendrait pas le bus cette semaine. Elle en aurait presque rit, surtout en sachant que c'était parce qu'elle avait droit à une taxi-woman incroyable. En effet, Benedict lui avait assuré que cela ne la dérangeait pas de faire les voyages, et que c'était peu cher payé pour l'hospitalité de ses parents.

La porte se rouvrit en attirant l'attention de la jeune femme, qui releva la tête au moment ou sa professeure revenait.

Celle-ci croisa son regard un court instant avant de lui sourire, et de se détourner afin de poser sa tasse sur le bureau.

-Je vais laisser la porte ouverte, Océane, lui indiqua-t-elle. Il va bientôt être l'heure.

La plus jeune acquiesça, comprenant en sous-entendu que Benedict ne voulait pas qu'on pense qu'elle se trouvait seule dans la salle avec une élève.

La blonde portait une chemise à carreaux bleu clair, et une jupe noire longue qui recouvrait le dessus de ses baskets. Elle sortit son téléphone, sans doute pour regarder l'heure.

Replongeant dans son livre, Océane ne remarqua même pas l'arrivée des premières personnes dans la salle, ne revenant à la réalité que quand Benedict se leva pour se poster dans le couloir.

Ceux-ci ne relevèrent pas la présence de Océane comme suspecte, et elle fut rassurée qu'ils ne se posent aucunes questions.

Jerry n'était pas dans sa classe et la plupart du temps elle avait sa table pour elle toute seule, en profitant pour poser son sac sur la chaise voisine. C'était aussi le cas dans la salle de philo, où elle avait sa place au fond, à côté du mur.

Benedict revint une fois que tout le monde - ou presque - fut rentré, et ferma la porte. Océane ne put s'empêcher de la contempler discrètement alors qu'elle allait allumer l'ordinateur, ses cheveux d'un blond presque transparent attachés en arrière. Elle retrouvait cette autorité propre à elle quand elle se trouvait devant une assemblée de presque-adultes qui dégageaient tout de même un brouhaha assourdissant.

Mais de façon presque automatique, dès que Benedict entra dans la peau de Mme Laoudy et s'appuya contre le tableau blanc, les yeux clairs parcourant la salle, ils se turent.

Océane rangea son livre dans son sac, le bout de son stylo à bille bleu trouvant automatiquement sa place contre ses lèvres.

Et le cours débuta, comme tous les autres jours.

Comme si la jeune femme face à elle n'avait pas passé sa nuit chez elle, ne s'était pas assise sur sa couette il y a à peine deux jours. Non, il débuta comme si elles étaient encore les deux parfaites inconnues de la rentrée, une jeune professeure et son élève.

Placées devant par les soins de Benedict, Emeline et Clara passaient leur temps à chuchoter entre elles et à rire sans aucune discrétion. Océane ne les entendait pas distinctement depuis le fond, mais elles critiquaient sans doute Benedict, juste par défiance. Dans sa grande bontée, la blonde ne leur fit pas de remarque.

Pourtant elles cessèrent de rire quand trois coups affirmés résonnèrent contre la porte. Il y avait souvent des retardataires dans cette classe, ce n'était pas une situation exceptionnelle.

Benedict se stoppa dans son explication de Freud et se tourna dans la direction du bruit.

-Entrez, ordonna-t-elle d'une voix un peu plus forte qu'à l'accoutumée.

La poignée tourna immédiatement, et Suzanne s'exécuta, ses cheveux noirs et longs masquant une partie de son visage. Elle avait troqué les jeans troués et moulants pour un cargo oversize et un sweat-shirt gris clair, sa main contre le cadre de la porte attestant qu'elle était prête à faire demi-tour.

-Heu... Bonjour, tenta celle-ci avec un manque d'assurance surprenant. Désolé du retard, je dois passer en vie scolaire ?

Le visage de Benedict s'adoucit, si c'était possible, et elle nia, son feutre à tableau blanc dans la main.

-Va t'asseoir, Suzanne, lui affirma-t-elle.

Clara et Emeline lui jetèrent des regards noirs qui surprirent Océane. Mais Suzanne ne s'assit pas vers elles, évaluant les places disponibles d'un regard vide.

Océane fut étonnée de la voir se diriger vers elle sans rancœur apparente.

Elle se planta devant elle, les mains enfoncées dans ses poches. Elle avait encore un air fatigué sur le visage, mais semblait dans un bien meilleur état que la dernière fois.

-Salut, je peux...? demanda Suzanne en désignant la place de son sac.

Océane le déposa vers ses pieds avec un hochement de tête dubitatif, mais la jeune femme rebelle lui adressa un sourire timide qui ne cachait aucune méchanceté.

Alors que Suzanne s'installait, Océane remarqua Benedict se tourner brusquement vers le tableau, d'une manière bien trop peu naturelle. Ce n'est que quand elle surprit les fossettes de l'enseignante remonter qu'elle comprit que celle-ci essayait tant bien que mal de masquer un sourire peu professionnel.

Le coin des lèvres de la brune ne put s'empêcher de l'imiter et elle baissa la tête sur sa feuille. Elle savait très bien ce qu'il se passait dans la tête de Benedict. Elle aussi, elle repensa à l'autre soir en camouflant son sourire dans sa paume.

Mais quand elle releva les yeux devant elle, elle croisa immédiatement les iris bleus limpides de la blonde qui avait repris son cours, et qui se détournèrent très rapidement en la remarquant.

Elles savaient très bien toutes les deux.

Ce moment de complicité implicite entre les deux jeunes femmes passa inaperçu de presque tous, mais remplit soudainement Océane d'une vague d'amour inexplicable.

Évidemment, face à la situation, Suzanne lui cala un coup de coude dans les côtes, trop faible pour lui faire mal.

-Soit vous riez de moi, soit j'ai raté un épisode, lui murmura-t-elle.

Océane se retint de lui répondre qu'elle n'en avait pas raté qu'un.

Elle avait raté le prologue entier.



Lui apprendre à aimer - [Romance lesbienne]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant