Chapitre 20

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Elle s'assit timidement sur le bout du lit tandis que Mme Laoudy prenait place au bureau, pivotant la chaise de manière à ne pas lui tourner le dos.

Océane remarqua qu'elle avait déjà disposé son oreiller contre la tête de lit, et que son téléphone portable gisait sur la table de nuit.

Voir un environnement familier comme sa chambre d'amis investi par sa professeure lui sembla étrange. Pourtant ce n'était pas une sensation désagréable.

C'était même le contraire.

Elle avait l'impression qu'un essaim de papillons chatouillait son estomac du bout des ailes. Des ailes colorées de toutes les couleurs, avec des arc-en-ciel différents sur le corps de chaque petite créature.

Mme Laoudy interrompit ses pensées une fois qu'elle eut vidé son verre d'eau.

-Tu sais, cela fait moins d'une semaine. C'est inutile que tu t'inquiète pour moi.

Océane ne pouvait s'en empêcher.

-Je sais, répondit-elle néanmoins. Mais je ne pouvais pas vous laisser dormir dehors alors que je pouvais faire quelque chose, Madame.

-Je pense que tu peux laisser tomber le madame pour l'instant, Océane. Nous ne sommes pas en cours, et honnêtement j'ai l'impression d'avoir 40 ans.

Elle pouffa à la fin de sa propre phrase.

-Je pense que tu peux m'appeler Benedict, à la place, compléta-t-elle. Au moins en dehors des cours.

La brune rougit si fort que même ses oreilles eurent chaud. Elle espéra que cela s'apparenterait à de l'embarras, au moins en apparence.

-D-d'accord... murmura-t-elle.

Benedict dû comprendre que la jeune femme avait besoin de quelques secondes, et en profita pour remplir sa fourchette.

-Tu sais, j'avais une petite amie, reprit Mme Laoudy.

La conjugaison du verbe fit tiquer Océane.

-Il s'est passé quelque chose ? demanda-t-elle timidement.

Un silence pesa puis le cliquetis de la fourchette contre le bord de l'assiette le rompit.

-En fait, oui, répondit la blonde avec un petit haussement d'épaules. Elle m'a trompée.

-Je suis désolée, réagit Océane sans savoir quoi dire.

-Ce n'est pas de ta faute, la rassura immédiatement Benedict. Mais regarde, ça à des bons côtés... je dors ici ce soir.

-C'est vrai, confirma la brune sans réfléchir.

Le plateau était vide mais elles continuèrent à discuter une bonne partie de la soirée.

Océane en vient même à remarquer qu'elle se sentait de plus en plus à l'aise en présence de l'enseignante, et son stress finit par s'évaporer.

Apprendre que la blonde était célibataire n'aurait pas du lui faire cet effet. Mais elle se sentait plus puissante, comme si elle avait enfin repris le contrôle de sa vie.

C'était vraiment étrange.

Surtout que la plus âgée avait l'air d'éviter le sujet depuis. Comme si elle regrettait de lui en avoir fait part.

Évidemment que cela relevait de sa vie privée, mais Océane n'était pas du genre à aller le crier sur tous les toits.

Elle ne le savait sûrement pas encore. Après tout, elles se connaissaient peu.

Mais dès l'instant où l'information précieuse avait été dite, c'était devenu le secret de la jeune femme. Son information. Celle de personne d'autre.

Parce qu'elle aurait pu le nier autant qu'elle le souhaitait, aux autres et à elle-même, cela la rapprochait de la blonde. Plus elle en savait sur elle, plus elle avait l'impression de prendre de l'importance.

De compter.

Surtout qu'en cours, Mme Laoudy était une jeune femme très protocolaire. Elle parlait très peu d'elle, se concentrant sur son cours. Pour une professeure, parfois, cela semblait étonnant.

En effet, beaucoup d'autres enseignants adoraient digresser sur leurs vies, en faisant des exemples, racontant des anecdotes...

Mme Laoudy était relativement discrète. Cela la rendait mystérieuse aux yeux d'Océane. Attirante.

Attirante, de mille manières.

Et elle ne pouvait s'empêcher de détailler ses lèvres alors qu'elles parlaient de tout et de rien, comme si c'était la chose la plus naturelle au monde. Ses iris agissaient sans son consentement.

De toute façon, tout son corps n'en avait rien à faire.

Son cœur, lui, n'avait jamais demandé son consentement, d'ailleurs.

Elle finit par prendre congé avec une moue gênée quand sa mère lui ordonna d'aller se préparer depuis les escaliers. Pour seule réponse, Benedict éclata de rire, et Océane enferma ce son à jamais tout au fond de son cœur.

Ce n'était pas correct, mais elle en avait marre de se le répéter. Après tout, tant que ça restait dans sa tête, personne ne le saurait, non ?

Alors qu'elle se brossait les dents, elle entendit depuis la salle de bain les claquements répétés d'un stylo quatre couleurs, potentiellement occupé à corriger une pile de dissertations de philosophie.
A côté de sa chambre. Dans sa propre maison.

Et puis, héberger une enseignante chez soi et dîner avec elle n'était pas politiquement correct non plus en étant une de ses élèves, alors au point ou elle en était.

Cette femme la perdrait.

Elle avait déjà perdu tous ses principes pour ses yeux bleus.


Lui apprendre à aimer - [Romance lesbienne]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant