Chapitre 34

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Océane était consciente qu'un jour de grève était un jour de protestation, ou les absents devaient respecter le droit de manifestation contre les réformes de l'État.

Mais elle était également consciente que le ciel était trop bleu et le soleil trop brillant pour rester bloquer son lycée toute la journée. Et puis, surtout, Benedict était bien trop attirante.

La brune étala une couverture dans l'herbe haute et la lissa comme elle le pouvait, essayant de ne pas mettre de terre dessus.

L'arbre étiolé par les années, se dressant à quelques mètres suffisait largement à recouvrir la petite zone d'ombre.

-Hé ! protesta la blonde alors qu'Océane s'allongeait sur elle en riant.

Benedict portait un cardigan bleu ciel sur un chemisier blanc, et un simple jean oversize qu'elle avait remonté sur ses chevilles grâce à des ourlets.

Elle roula sur le côté, sa main ne quittant pas la hanche de la plus jeune et enfouit son visage dans son cou.

-Les saucisses vont cramer, se plaignait Océane sans cesser de sourire.

L'odeur de la viande commençait seulement à atteindre leurs narines et elles savaient toutes les deux que ce n'était pas vrai. Seulement, elles avaient convenu de ne pas aller trop vite en attendant la fin de l'année scolaire, pour qu'Océane puisse quitter le lycée.

-J'aime bien le cramé, se moqua Ben.

Océane se contenta de lui embrasser la tempe et de se lever pour aller vérifier la viande.

Depuis qu'elles avaient commencé à se voir presque quotidiennement en dehors des heures de cours, dans la mesure de la discrétion, la brune s'était surprise.

Elle avait pris d'elle-même des initiatives, commençant a organiser des rendez vous, s'étonnant de vouloir expérimenter plus.

Mais là où la brune avait gagné en fougue et en confiance en elle, Benedict semblait être sur la réserve.

Elle faisait traîner les choses, et Océane ne pouvait pas le lui en vouloir. Elle même, elle avait parfois des doutes et des questionnements plus profonds sur les évènements : c'était sa première réelle relation.

Et puis, elles n'étaient pas vraiment dans la légalité. Toutes les deux en étaient conscientes, le risque planait toujours.

Ce qui rivalisait évidemment avec les moments incroyables qu'elles partageaient au quotidien.

Océane retourna s'installer vers sa petite amie, ôtant sa veste qu'elle laissa tomber dans les graminées.

-Bon, tu viens ? lui demanda celle-ci en tapotant ses cuisses.

Sans se faire prier, la jeune femme se hâta de se rapprocher, posant sa tête sur ses genoux, la blonde ayant étendu ses jambes devant elle. Pendant quelque minutes, elles restèrent ainsi sans échanger un mot, les doigts fin de Benedict plongeant régulièrement dans les cheveux tressés d'Océane.

Avec malice, elle s'amusa même à y piquer des pâquerettes, qu'elle égrenait ensuite à côté de la couverture.

-Ben ? demanda Océane timidement.

Ses doigts qui massaient tendrement son cuir chevelu s'arrêtèrent au milieu de leur geste et la concernée baissa la tête vers elle.

-Il y a un problème ? questionna-t-elle en réponse, inquiète.

Océane nia immédiatement, essayant de lui faire comprendre que c'était le contraire.

-Ecoute, je sais que... commença-t-elle. Que nous deux, ça ne fait pas si longtemps. Mais je veux dire, c'est la première fois de ma vie que je me sens vraiment moi avec quelqu'un, aussi épanouie... En fait, je n'ai jamais été aussi heureuse que depuis que je suis avec toi.

Les larmes aux yeux, Benedict détourna la tête sur le côté, préférant fixer son regard sur le tronc de l'arbre, un léger sourire aux lèvres.

-J'ai envie de plus, avoua Océane. Je n'ai jamais autant espéré l'arrivée du bac. Je sais que je devrai continuer les études, et que tu resteras enseigner. Je suis sûre que j'ai des rêves vraiment clichés et je sais qu'on ne vit pas dans un film, mais je te jure que je n'ai qu'une seule envie. Qu'on ait notre petite maison de campagne, des animaux, des enfants pourquoi pas ? Que je t'emmène visiter tous les pays du monde, qu'on fasse l'amour sur le sable, au bord de l'océan...

-On y est encore pas à ce point, même maintenant, coupa Benedict avec un léger rire.

Se mordillant la lèvre, la brune acquiesça mais finit tout de même par poursuivre.

-Ce que je veux dire, c'est que je n'ai jamais été amoureuse comme je le suis avec toi, et que j'ai peur de... en quelque sorte, idéaliser la relation, et que je me rende compte que l'amour n'est pas si beau et facile.

Reprenant leur chemin dans ses cheveux, les doigts de Ben se voulaient rassurants, tendres. Elle soupira et plongea son regard bleu limpide dans les yeux d'Océane.

-Ne te projette pas aussi loin, expliqua-t-elle. Profite. Vis au jour le jour, personne ne sait de quoi sera fait demain. Commence déjà par avoir ton bac, par atteindre la formation supérieure qui te plaît, et on pourra en reparler. C'est trop tôt pour l'instant, et tu as raison. Mais moi aussi, je t'aime. Je ne peux pas te faire la même déclaration, malheureusement, j'aurais préféré te rencontrer avant, mais sache juste que le premier amour n'est pas forcément celui qui restera toute la vie. J'espère pour toi que ce sera le cas parce que je compte bien visiter les plages dont tu parles et avoir cette maison. Avec douze chiens, pas moins.

Océane éclata de rire, laissant sa poitrine vibrer, et se sentit mieux.

Mentalement, elle ne put s'empêcher de commencer une liste de pays côtiers, où elles trouveraient du sable fin jusqu'au fond de leurs maillots de bain.


Lui apprendre à aimer - [Romance lesbienne]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant