Chapitre 40

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Les larmes ne semblaient jamais se tarir. Connor se contentait de la serrer contre sa poitrine, dessinant de petits ronds dans son dos tandis qu'elle sanglotait.

Même lors de sa rupture avec Lilwen, il ne l'avait jamais vue ainsi.

Elle venait de raccrocher son téléphone portable il y a moins de cinq minutes, et il avait entendu sa conversation.

Il savait qu'on ne pourrait jamais qualifier les appels de ses parents pour Benedict de conversations.

Ils passaient leur temps à l'enfoncer sous terre, à la rabaisser, à la comparer à lui. Jusque-là, elle avait toujours gardé la tête haute face à leurs remarques cinglantes.

-Hé, chuchota Connor en balayant ses cheveux de son visage humide. Je suis là.

Il détestait la voir dans cet état. Il était toujours mal à l'aise quand quelqu'un pleurait, et ne savait pas vraiment quoi faire.

-Je vais aller faire du thé, proposa-t-il timidement.

Pourtant, il ne put pas se lever car les bras de sa petite sœur entourés autour de son torse ne le laissèrent pas bouger, et se resserrèrent même, lui demandant silencieusement de rester là.

Il se mordilla la lèvre inférieure, se renfonçant dans le canapé. Son tee-shirt commençait à être mouillé et il hésitait à lui donner un mouchoir, mais la boîte était à la cuisine.

-Ben, qu'est ce que je peux faire ? demanda-t-il à mi-voix.

Elle ne répondit pas tout de suite, son corps continuant à trembler contre lui alors qu'elle prenait des inspirations saccadées.

-Je vais déménager, lâcha-t-elle dans un souffle.

Il stoppa son mouvement dans son dos, haussant les sourcils.

-Tu ne me dérange pas ici, lui expliqua-t-il en dégageant à nouveau ses cheveux.

Il la sentit nier contre son torse.

-Ce n'est pas ça, renifla-t-elle. C'est juste... ils ont raison, Connor. Je n'arrive à rien dans ma vie, et je squatte même chez toi.

Avec un soupir, il la força a relever la tête. Ses yeux rouges et gonflés d'avoir pleuré se posèrent sur lui avec désespoir, et il perdit contenance.

-Tu n'as pas à les écouter, s'énerva-t-il. Tu vas rester ici autant de temps dont tu as besoin, et je les enverrai sur les roses s'ils osent te faire une remarque à ce propos.

S'éloignant un peu de lui sur le canapé, les joues brillantes de larmes, Ben secoua la tête, donnant une petite caresse à l'un des chiens qui essayait de la réconforter.

-Je me moque de ce qu'ils peuvent penser, avoua-t-elle. De toute façon, il faut que je change de lieu d'enseignement. Je vais être mutée je ne sais où, je ne vais pas pouvoir continuer à vivre ici toute ma vie.

-Je viendrai avec toi, trancha Connor d'un ton sans appel. Tu ne peux pas juste rayer Océane de ta vie comme ça. De toute façon, le mal est déjà fait, tu ne crois pas ? Qu'est ce que tu aurais à perdre ?

-C'était ma deuxième année d'enseignement depuis que j'ai eu mon diplôme, Connor, protesta-t-elle en reniflant. Imagine la réputation que je vais traîner maintenant. « La prof lesbienne et pédophile avec ses propres élèves ».

-Hé, répliqua-t-il vivement en se levant pour aller chercher la boîte de mouchoirs. Pour commencer, des profs homosexuels ça existe partout en France et ça ne pose pas de problème, sauf pour les cons. Deuxièmement, Océane est majeure, et en âge de faire ses propres choix de vie. Et à ce que je sache, elle était extrêmement consentante.

Sa protestation sembla réconforter légèrement la blonde, toujours recroquevillée dans le coin du canapé en cuir. Il lui jeta la boîte en carton sur les genoux avant de se rassoir à côté d'elle.

Pendant qu'elle se mouchait bruyamment, Connor dégagea la table basse de ses magazines et de la bouteille d'eau vide qui y traînait.

Vanille et Chocolat l'observèrent faire avec la queue remuante, sans se départir de leurs airs inquiets en jetant des coups d'œils interrogatifs en direction de Ben. Manifestement, ils ne comprenaient pas grand-chose à ce qu'il se passait.

Pour être tout à fait honnête, Connor non plus.

Il retourna à la cuisine et s'isola pour passer un coup de fil rapide. Puis, il prépara un plateau minutieusement sur lequel il posa les assiettes et les couverts, des serviettes et tout ce qui serait utile pour le dîner. Quand il retourna poser le plateau au salon, sur la petite table, Ben s'était endormie sur le canapé, ses larmes ayant formées des traces de sel en séchant le long de ses pommettes.

Elle avait un teint livide, et des cercles rouges bordaient le dessous de ses paupières closes.

Connor soupira avant d'aller sortir les chiens, pour éviter qu'ils ne la réveillent. Quand le camion se gara dans l'allée, il paya ce qu'il devait et ramena la nourriture à l'intérieur, les deux grands chiens sur ses talons alors qu'il verrouillait la grande porte derrière eux.

Allumant le chandelier ancien qui ornait le mur, il jeta un regard dissuasif à ses animaux, les défendant de toucher aux cartons sur la table basse. A contre-cœur, ceux-ci partirent allonger leurs longs membres sur le tapis de l'entrée, leurs langues roses pendantes.

Connor se pencha pour réveiller sa sœur avant d'allumer la télévision et d'y insérer un vieux dvd.

-Qu'est-ce que tu fais ? lui demanda Benedict en se redressant, frottant ses yeux sans comprendre.

Il désigna la table basse avec un sourire complice.

-Soirée pizza ? s'enquit-il en lui adressant un clin d'œil exagéré.

Elle finit par sourire aussi, riant par le nez alors qu'elle se jetait sur le carton posé en haut de la petite pile.

Se servant à son tour, Connor s'assit à côté d'elle et mordit dans sa part de pizza alors que Ben se blottissait contre lui.

-Ce n'est pas pour ça que je resterai vivre ici, se moqua-t-elle la bouche pleine.

-Non, c'est juste parce que tu m'aime trop, ricana-t-il.

-Ouais, t'as un bon point, mais je vais quand même me trouver un studio.

Il hocha la tête, sachant très bien qu'elle ne changerait pas d'avis.

Ils mangèrent avec complicité, et Connor parvint enfin à faire sourire la blonde à plusieurs reprises. Au moment ou elle recommençait à piquer du nez, il la secoua doucement. Elle l'interrogea sans un mot.

-Je pense que tu devrais aller dans ton lit, fit-il remarquer.

Elle hocha la tête en se redressant, et il se leva pour débarrasser, éteignant au passage le poste de télévision.

Alors qu'il s'apprêtait à repartir à la cuisine pour jeter les cartons vides, une petite voix venant du canapé l'interpella.

-Connie ?

Benedict avait l'habitude de l'appeler ainsi quand ils étaient petits et il ne put s'empêcher de sourire tout seul en l'entendant l'appeler par ce vieux surnom.

-Oui ? s'enquit-il en se retournant.

-Merci, déclara tendrement la blonde, se dirigeant vers les escaliers, son mouchoir dans la main.

Alors qu'il allait faire la vaisselle, il sut que personne ne referait de mal à sa sœur sans en pâtir à l'avenir. C'était son rôle de la protéger, et il le remplirait.

Elle était plus que sa petite sœur. Elle était une partie de son âme.

Etcette partie méritait l'amour d'une femme comme Océane.


Lui apprendre à aimer - [Romance lesbienne]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant