Chapitre 30

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Océane sortit du cours de mathématiques, son sac à moitié sur l'épaule. Dans la salle surchauffée, la professeure aux cheveux roux continuait à les huer par-dessus le brouhaha des chaises pour qu'ils notent les derniers devoirs. Océane traversa le couloir à grands pas, Suzanne ayant été informée de ne pas l'attendre.

Il faisait déjà nuit alors que la brune sortait dans l'air frais. Sur le parking des professeurs, plus loin, il n'y avait aucune trace d'une quelconque voiture grise.

Le vent froid s'emmêlait dans ses cheveux tandis qu'elle enfonçait un bonnet gris sur sa tête, se dirigeant machinalement vers les bus.

Elle ne devait pas prendre celui de d'habitude, et préférait avoir un peu d'avance afin de se repérer.

Ce qu'elle ne disait pas, c'est qu'elle était emplie d'excitation.

De stress, certes, mais surtout, surtout pleine de hâte.

Elles s'étaient croisées en coup de vent cette semaine, dans un couloir, en cours, vers la salle des professeurs.

Il n'y avait pas eu de paroles, la brune comprenait qu'il fallait laisser le temps faire un peu les choses. Cependant, il y avait eu des sourires complices.

Sincères.

Un nuage de vapeur s'éleva lorsqu'elle expira, rentrant sa tête dans le col de sa veste.

Les autres commençaient à arriver le long des bâtiments afin de rejoindre eux aussi les car scolaires.

La jeune femme pressa le pas, débouchant sur le parking réservé aux poids lourds, et en fit le tour.

Sur les long panneaux de destination où défilaient les lettres oranges, elle repéra enfin celui qu'elle cherchait. Centre-ville.

Elle monta les marches du véhicule et alla s'asseoir dans le fond, les écouteurs sur les oreilles.

Quelqu'un d'autre aurait affirmé qu'elle avait un date. Pour elle, c'était plus que ça.

Alors que Lomepal emplissait son environnement, elle se surprit à espérer.

Mais espérer quoi ?

Ce qu'il se passait dans sa vie était déjà inespéré, c'était inutile de trop en demander.

En quelques minutes, les sièges furent occupés et le bus démarra enfin.

Lorsqu'elle pu enfin sortir a travers le couloir bondé de sacs et de pieds, elle se retrouva seule sur le trottoir glissant, dans la nuit noire. Elle pouvait apercevoir au loin les lumières et les bribes de musique du traditionnel marché de Noël de la ville.

Les chaussures crissant dans les restes détrempés de neige, elle prit une profonde inspiration et rejeta ses cheveux bruns dans son dos, prenant la direction du cinéma avec une pointe d'appréhension au creux de l'estomac. Il avait cessé de neiger, mais le passage fréquent de piétons dans les rues avait laissé des amas de flocons mouillés le long des trottoirs, une fine pellicule restant blanche de la chute récente.

Elle arriva dans le champ de vision du Parfait, la devanture trop éclairée lui faisant rapidement cligner des yeux. De toutes les couleurs, les films à l'affiche étaient étendus le long des vitrines, le nom du cinéma s'étalant dans une calligraphie rouge led au-dessus de l'entrée.

Devant, les mains dans les poches, Océane reconnut immédiatement la silhouette qui attendait, traçant la pointe de son pied dans la neige pour s'occuper.

Ses cheveux blonds volaient derrière elle, enfoncés sous un bonnet blanc crème.

-Bonsoir, tenta Océane en arrivant dans son dos, claquant des dents.

Benedict se retourna, un sourire timide s'imprimant sur les lèvres.

-Oh, salut ! déclara-t-elle.

D'un seul coup, la jeune femme ne sut plus quoi dire.

-Je... heu, combla la blonde. J'imagine que tu as compris la petite note sur... enfin, la copie.

Océane hocha la tête, se mordillant la lèvre inférieure avec embarras.

-On y va ? demanda Benedict. A moins que tu ne veuilles pas, je veux dire, je ne voudrais pas te-

-Oui, oui on y va, la coupa la brune, enfonçant ses mains au fond de ses poches, comblant la tension accumulée par un sourire penaud, qui dû plus ressembler à une grimace étrange.

Benedict prit le chemin des portes vitrées, Océane lui emboîtant nerveusement le pas. Elle se demanda en vitesse si c'était vraiment autorisé d'aller regarder un film avec sa professeure de philosophie. Mais après tout, tant que personne ne le découvrait, cela ne pouvait pas être mal. Au contraire.

Elles débouchèrent dans le hall, où peu de personne se trouvaient et se dirigèrent vers le comptoir côtes à côtes.

-Tu veux regarder quoi ? demanda Océane en contemplant les affiches.

-Peu importe, fit simplement remarquer la blonde. Je ne suis pas très comédies.

Après quelques minutes de discussion, elles décidèrent d'un commun accord de réserver deux places pour le nouveau marvel. Un film qui passait partout, et qui, selon Océane, surpassait forcément les autres.

Il y avait déjà un peu de monde dans la salle, seule de la publicité défilait sur l'écran. Les deux jeunes femmes s'installèrent sur les sièges du fond, leurs semelles collant au sol caoutchouteux, des sachets de pop-corn salé sous le bras qu'Océane avait insisté pour payer.

Elles discutèrent de tout et de rien, ne faisant pas une seule fois allusion à la scène de leur dernière interaction, le sujet passé sous silence volontairement.

Cependant, à chaque fois que la cuisse de la brune frôlait celle de Benedict, elle ne la sentait pas se tendre. Celle-ci semblait même plutôt à l'aise, ce qui la rassurait.

Elle était toujours aussi belle.

Même plus, si c'était possible.

Parce que ses yeux bleus croisaient régulièrement les siens, et que ses lèvres étaient si proches, malgré la pénombre de la salle de cinéma.

Pour rien au monde elle n'aurait pu rêver d'un moment comme celui-là. Et pourtant, c'était bien réel, et les battements de son cœur ne cessaient de le lui rappeler.

Ce n'était même pas la peine d'en parler à ses amis. Parce qu'elle avait peur des possibles conséquences, certes, mais surtout parce qu'au fil du temps, la proximité qu'elle partageait avec Ben était devenue presque une chose infiniment personnelle.

Son petit secret.

Et peu importe si son petit secret avait des cheveux blonds aux reflets argentés, des yeux d'un bleu plus profond que les plus beaux lagons des îles, et un sourire qui déclenchait des nuées de papillons dans son estomac.

Parce qu'elle ressentait quelque chose de fort.

Malheureusement, elle trouva que le film se lança trop vite.

Elle aurait préféré la détailler encore un peu avant que les lumières ne s'éteignent.

Lui apprendre à aimer - [Romance lesbienne]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant