Peut-être était-ce le contraste avec l'ambiance sombre et froide du crématorium ou bien le contrecoup de la peur qu'il s'était faite, mais Sal n'avait plus la moindre envie de retourner sur ses pas. S'il le faisait, cela voulait dire laisser derrière lui la chaleur de Brandon pour retraverser les couloirs sinistres et glaçants, remonter l'interminable escalier aux marches dangereuses, pour ensuite passer la nuit tout seul dans son sac de couchage pendant que les autres s'amusaient. Non, définitivement, il préférait rester en bas, auprès de son démon au sourire craquant. Sauf que Lucas avait promis de venir le chercher s'il ne revenait pas... Rapidement, il vérifia sa montre, surpris de constater que la traversée du couloir qui lui avait paru interminable ne lui avait pris qu'une petite dizaine de minutes.
— Est-ce que ça te dérange de rester un tout petit peu avec moi ? demanda-t-il de but en blanc.
Le regard de braise rougeoya un peu, lui donnant l'impression que Brandon voyait en lui bien plus que ce qu'il disait, et son visage de lave s'adoucit encore.
— Non, au contraire. Tu m'as l'air d'avoir besoin d'un peu de compagnie et ce serait dommage de m'avoir invoqué pour rien. Par contre... je pense qu'un peu de confort ne serait pas plus mal. Il fait frisquet ici.
Sous le regard émerveillé et fasciné de Sal, il claqua des doigts et une sorte de nids de couvertures et de coussins apparut dans le coin le plus salubre de la pièce, avec un drap tendu au-dessus comme ces tentes pour enfant qui donnaient envie de se pelotonner dessous.
— Ça te va ? releva Brandon. Nous allons devoir nous serrer un peu, mais au moins tu n'auras pas froid.
— C'est parfait. C'est même très gentil de ta part. Mais tu ne risques pas de tout faire brûler ?
En réponse, il reçut un nouveau sourire complice alors que la peau du démon s'adoucissait pour quitter son apparence de lave, sans vraiment s'éclaircir. En quelques secondes, il n'avait plus autant l'air inhumain mais il était plus sombre encore que le doux brun de la peau de Sal. Seuls ses yeux brillaient encore, plus roux que marrons, et il dégageait peut-être un peu moins de chaleur. Et il portait un jean noir moulant, avec un t-shirt rouge qui proclamait «What's the point of playing with fire if it doesn't burn?».
— Et voilà ! Est-ce que j'ai l'air à peu près humain ?
— Tu es craquant, répondit Sal sans réfléchir avant de s'empourprer. Je veux dire... oui, tu peux passer pour un humain même si tes yeux sont un peu trop lumineux. Mais ne change rien ! Ça me va très bien et je sais ce que tu es.
Embarrassé, il se frotta la nuque en s'étonnant d'être aussi franc. D'habitude, il ne parlait jamais sans réfléchir, mais Brandon semblait avoir fait sauter tous ses filtres. À vrai dire, Sal n'avait plus envie de s'inquiéter, il voulait seulement profiter de l'instant et de cette rencontre incroyable avant de devoir revenir sur ses pas. Alors il rendit son sourire à Brandon et le suivit pour aller s'installer dans le nid de couvertures où il faisait bien plus chaud. Ses chaussures furent abandonnées sur le côté avec sa lampe de poche et sa veste, parce que Brandon avait allumé deux lanternes qui dispensaient assez de lumière pour se voir.
Comme il n'y avait pas beaucoup de place, ils furent un peu obligés de s'installer l'un contre l'autre et Sal frissonna lorsque Brandon drapa l'une des couvertures autour d'eux. La situation aurait pu être embarrassante, sauf que le démon semblait être de ceux qui vous donnent l'impression d'être la personne la plus intéressante de leur vie.
— Alors, Sal. Raconte-moi un peu comment tu t'es retrouvé à m'invoquer dans un crématorium désaffecté.
Blotti contre son épaule, se sentant agréablement au chaud et en sécurité, Sal entreprit de lui expliquer le pourquoi du comment. Évidemment, la chaleur et la compagnie aidant, ils se retrouvèrent à parler de bien plus que ça et c'était tellement, tellement agréable de pouvoir discuter avec quelqu'un sans peur d'être jugé. Loin d'être un démon terrible ou effrayant, Brandon ressemblait à un rêve devenu réalité, que Sal commençait à vraiment beaucoup apprécier.
— C'est ma première invocation, avoua Brandon au bout d'un instant. Je suis déjà venu sur ce plan, mais c'est la première fois qu'on m'appelle moi. J'ai un peu peur de me rater mais je suis heureux d'être tombé sur toi.
En parlant, ils s'étaient tournés l'un vers l'autre et son souffle chaud s'échoua sur le visage de Sal qui ne parvenait plus à détacher son regard de son expression douce, un peu canaille mais surtout très sincère.
— Je trouve que tu t'en sors très bien, murmura-t-il.
Presque malgré lui, ses yeux tombèrent sur ses lèvres qui étaient vraiment très proches à présent et il déglutit, la gorge soudain sèche. Il avait chaud, vraiment chaud, et n'était pas certain de pouvoir imputer ça seulement à la chaleur dégagée par Brandon. Et puis une grande main chaude effleura sa joue, et soudain ils s'embrassaient sans qu'il puisse dire qui avait initié leur baiser. Il n'y eut aucun contact de langue, seulement une infinité de caresses lèvres contre lèvres, qui firent battre le cœur de Sal à toute allure.
— Viens là, chuchota Brandon. Rapproche-toi.
Un peu maladroitement, ils se déplacèrent jusqu'à ce que Sal soit installé sur ses cuisses, les bras autour de son cou, à l'embrasser encore. Désormais pressés l'un contre l'autre, il n'était plus possible de manquer leur désir et Sal fut aussi excité que soulagé de sentir une érection répondre à la sienne. Le regard littéralement brûlant que Brandon lui adressa exprimait clairement sa question et il lui répondit d'un hochement de tête fébrile. L'instant d'après, c'était comme si leurs vêtements avaient disparu et ils se touchaient peau à peau et c'était merveilleux parce qu'il était brûlant et solide à la fois. Sans cesser de s'embrasser partout sur le visage et dans le cou, ils entrelacèrent leurs doigts autour de leurs sexes et Sal gémit sous la pression parfaite. C'était incroyable de pouvoir toucher quelqu'un juste comme ça, sans arrière-pensée, sans crainte, juste pour partager un moment de plaisir en toute confiance. Alors Sal ferma les yeux et se laissa porter, envoûté par la chaleur et les baisers de son démon.
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Une Nuit d'Enfer
TerrorPour fêter Halloween, Sal et ses amis ont une idée d'enfer : squatter le vieux crématorium désaffecté pour essayer d'y invoquer un démon. Après tout, il n'y a que dans les films que ça tourne mal, pas vrai ? Sal est persuadé que cela n'a aucune chan...