Une Nuit d'Enfer

21. Mauvais chien

Grâce aux vaillants efforts de Sal et Lucas, auxquels Brandon s'assura de donner un coup de pouce grâce à une pointe de charme d'incube, la peur générée par l'irruption de Rory et ses affreuses histoires se dissipa rapidement. Les récits effrayants furent mis de côté au profit d'anecdotes plus amusantes et de jeux stupides qui les firent rire à nouveau et cesser de jeter des regards effrayés au-delà de la lumière.

Mais bien plus tard dans la nuit, lorsqu'ils se séparèrent pour aller se coucher, Brandon ne manqua pas la tension dans les épaules de Sal et la façon dont Lucas lui toucha la main avec un regard d'inquiétude partagée. Ils faisaient bonne figure pour leurs amis, mais l'apparition de Rory les avait sérieusement secoués.

— Viens, chuchota Brandon. Nous devrions dormir un peu.

Il se garda de lui rappeler sa promesse de plus tôt, parce que l'heure n'était clairement pas au sexe. Leur première fois aurait lieu ailleurs que dans une tente minuscule au milieu des bois, quand Sal ne serait plus apeuré et fragile. À la place, il se contenta de zipper ensemble leurs sacs de couchage pour qu'ils puissent se blottir l'un contre l'autre tandis que Sal se changeait rapidement. Une poignée de minutes plus tard, ils étaient pelotonnés dans leur lit de fortune et Brandon embrassa le front de son petit ami en essayant de le rassurer.

— Tu crois que c'est vrai ? murmura Sal avec un frisson. L'histoire qu'il a racontée...

— Je ne sais pas, répondit honnêtement le démon. Il existe tellement de choses mauvaises que je ne peux pas t'affirmer quoi que ce soit. Mais ce que je peux te dire, par contre, c'est que je suis là. Avec toi. Que ce soit vrai ou non, je l'affronterai à tes côtés. Je ne suis peut-être pas un démon très puissant, mais je le suis assez pour faire face à la plupart des trucs. Et toi tu es la personne la plus courageuse que je connaisse.

Il fut heureux de sentir Sal se détendre un peu et se lover contre lui, la tête sur son épaule et un bras autour de sa taille.

— Merci, murmura-t-il. Tout est beaucoup moins effrayant avec toi.

Une main dans ses cheveux, Brandon fit appel à tout ce qu'il avait pour apaiser son esprit et l'aider à s'endormir. Il en voulait à Rory pour le mal qu'il semait derrière lui mais ne pouvait rien faire de mieux que réparer les dégâts après et aider Sal à rester fort. Et de ce qu'il entendait dans la tente voisine, Kenny avait une technique similaire quoique plus... intime sans doute.

Il avait dû finir par s'endormir à son tour, parce qu'il se réveilla un instant plus tard sans comprendre ce qui l'avait réveillé. Doucement, il remonta le sac de couchage autour des épaules de Sal qui dormait toujours, pelotonné contre lui, mais se figea soudain, à l'écoute. Il n'y avait aucun bruit dehors, rien du tout. Pas un seul bruissement de feuille ou de vent, pas de chouette ou de grillon, rien du tout. Un silence épais et immobile qui fit remonter un mauvais frisson le long de sa colonne vertébrale.

Et puis un cri déchira la nuit.

Sal se réveilla d'un bond, les yeux grand ouverts dans le noir alors que le hurlement reprenait, tout proche. C'était une voix féminine, qui exprimait tellement d'horreur et de terreur que même Brandon sentit son estomac se retourner.

— C'est Aline ! jura Sal en bondissant de son sac de couchage. Oh bordel !

D'un claquement de doigts, Brandon fit apparaître une flamme dans sa paume alors que son petit ami sautait dans ses chaussures, seulement vêtu de son bas de pyjama. Ses yeux bruns étaient écarquillés mais il semblait résolu plutôt qu'effrayé, prêt à voler au secours de son amie alors qu'il se précipitait hors de la tente, presque droit sur Lucas.

— Qu'est-ce qui se passe ? bégaya celui-ci qui était blanc comme un linge. Qui est-ce qui crie ?

— Aline, répondit précipitamment Sal. Je ne sais pas ce qui lui arrive. Restez là.

Il sortit de la cabane en courant, Brandon sur les talons, et repéra très vite Aline qui criait toujours, tétanisée auprès du feu quasiment éteint. Elle avait les yeux rivés sur l'obscurité de la forêt, une expression de pure terreur sur le visage, mais Sal n'hésita pas une seconde à la rejoindre pour la prendre par le bras et la faire pivoter.

— Regarde-moi, dit-il fermement. Aline, respire et regarde-moi. C'est Sal, je suis là, respire...

Sans accorder la moindre attention à ce qui l'avait terrifiée, il la ramena vers le feu que Brandon se dépêcha de ranimer, et ils furent tous les deux très soulagés de voir Benji arriver en courant, l'air aussi confus qu'effrayé.

— Que se passe-t-il ? Aline ?

Il l'entoura de ses bras et elle s'accrocha à lui avant de fondre en lourds sanglots terrifiés qu'il accueillit avec une douceur admirable, même s'il ne cessait de jeter des regards angoissés vers Sal. Doucement, il l'aida à s'asseoir alors que Sal s'accroupissait à sa hauteur.

— Il faut que tu nous parles, Aline. Qu'est-ce que tu as vu ?

Parce qu'il voyait bien qu'elle ne parviendrait pas à parler seule, Brandon les rejoignit pour l'aider à se défaire d'une partie de sa peur et raconter ce qui l'avait terrifiée à ce point.

— Je... je suis sortie faire pipi, avoua-t-elle en reniflant. Je ne me suis pas trop éloignée du feu parce que j'avais peur et j'allais retourner à la tente quand j'ai entendu du bruit. Et là... et là... j'ai vu un truc énorme. Ça ressemblait à un chien, il se fondait dans l'obscurité parce qu'il était noir, mais il avait d'énormes yeux rouges et il grondait en s'approchant de moi, les babines pleines de sang. Je crois qu'il allait me sauter dessus mais je n'arrivais pas à bouger, et puis vous êtes arrivés et... et il a disparu.

Rapidement, Sal releva la tête pour croiser le regard de Brandon qui lui répondit d'un infime haussement d'épaules. Ça ne lui disait rien, et aucun d'eux n'avait vu de créature ressemblant à la description d'Aline. Pour autant, cela ne voulait pas dire qu'elle n'avait rien vu. La question était plutôt de savoir ce qu'était cette chose terrifiante qui n'était certainement pas un chien.