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Je ne pouvais décemment pas voyager sans aller voir Tatiana à l'hôpital, déjà que je m'en suis voulue de ne pas l'avoir fait la veille. Et je m'en suis encore plus voulue quand elle a dit m'avoir attendue également, mais la promesse d'une nouvelle paire de Airpod a pu me racheter. Malgré le bandage autour de sa tête, les cernes sous ses yeux et son air fatiguée, elle restait adorable. Elle a encore quelques jours à l'hôpital avant de pouvoir sortir, Dieu merci, elle n'a pas fini tétraplégique ou paralysée ou avec un membre amputé, quelques douleurs un peu partout mais elles finiront par passer.

Tata Mariam est venue nous rejoindre mais a juste fait quelques minutes, le temps d'un peu prendre de mes nouvelles avant de s'en aller car elle avait oublié l'ordinateur de sa fille à la maison. Peu après moi également j'ai eu à m'en aller car j'avais encore à faire à la maison. Cependant, en rejoignant la voiture, j'ai aperçu tata Mariam dans la sienne, tête sur le volant et le corps en prise à de violentes secousses. J'ai cru mal voir car je n'étais pas assez proche d'elle et j'ai cru qu'elle convulsait mais quand elle a relevé la tête et a essuyé ses yeux, j'ai compris qu'elle pleurait. Je me suis éloignée le plus vite que j'ai pu car c'était un spectacle intime et je ne tenais pas à ce qu'elle se rende compte que j'avais les yeux sur elle.

Je ne sais pas ce qui l'a mise dans cet état mais ça devait être quelque chose de grave.




***



Je ne suis sortie qu'une fois de Yaoundé dans ma vie – vraiment pathétique – c'était pour aller à Obala, une petite ville à côté, avec grand-mère, et encore c'était pour un deuil, donc ça ne compte pas vraiment. J'appréhende un peu mon séjour à Douala même s'il ne durera pas. Même si je connais la ville – connaître c'est trop dire – par les médias vus sur le net, je plonge dans l'inconnu. Et ça me fait un peu flipper. Je ne suis pas une grande marcheuse, je suis née à Yaoundé, j'ai grandi à Yaoundé mais je ne connais pas entièrement Yaoundé. Juste des noms mais je ne connais pas la direction, c'est assez bizarre. Je suis là on dirait que c'est un voyage aux États-Unis que je m'apprête à faire pourtant je vais juste dans la région d'à côté. Pathétique ! Vraiment pathétique ! Je fais pitié, dégoûtant !

Allez Audrey! Quand c'est pour demander une partie de jambes en l'air tu es courageuse mais lorsqu'il s'agit de déplacer seule tu commences à pleurer. Idiote va!




Je regarde encore les photos de l'hôtel dans lequel je vais séjourner en attendant d'embarquer. Hier le grand manitou a tenu à vérifier toutes les dispositions que j'ai prises pour mon voyage, de ma chambre d'hôtel en passant par les endroits que j'irai visiter. Déjà l'hôtel que j'ai choisi n'était pas à son goût ; trop simple, chambres moches, exiguës, pas assez sécurisé, mauvaise orientation par rapport au soleil, peinture horrible. Lorsque je lui ai demandé si c'est lui qui y allait séjourner il m'a jeté un regard qui aurait pu me transformer en statue de glace. J'ai fermé ma bouche et je l'ai laissé annuler ma réservation et faire une nouvelle dans un hôtel cinq étoiles. C'est le lui le boss, il décide.






Les hauts parleurs diffusent la voix –magnifique– d'une femme qui annonce aux passagers qu'il est l'heure d'embarquer dans le train. Ah le train.... encore une idée de monsieur. Étant donné qu'il n'y avait pas de vol prévu dans l'après midi, la solution restante était que je voyage en train vu que le chauffeur ne pouvait être disponible. Lorsque j'ai prononcé les mots «gare routière» il m'a demandé d'aller à la cuisine trouver quelque chose à faire. J'ai compris que je commençais à lui taper sur le système avec mes propositions dignes des filles des quartiers un genre. Ce qui est sûr en tout cas c'est que je vais rentrer en avion. J'ai envie de crier rien qu'à cette perspective. Merde! Tout ça pour moi d'un coup! Merde.

Aim at youOù les histoires vivent. Découvrez maintenant