Sept

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 Les jours passèrent, et la routine enfermera les Marionnettes, dont la prise de conscience leur avait appris à s'ennuyer des actes répétés.

Pourtant, peu se plaignaient de leur situation : les Marionnettes savaient les risques qu'elles encouraient si elles osaient sortir du cadre fixé par leurs supérieurs. Le fantôme de Gwenn hantait encore leur conscience éveillée, et la disparition de Guilhem fit naître un flot inarrêtable de rumeurs, plus invraisemblables les unes des autres. À chaque repas, Thémy avait un échantillon de l'imagination indomptable de ses confrères.

Mais il ne s'en préoccupait pas, lui. Gwenn et Guilhem n'étaient plus que de mauvais et lointains souvenirs. Alors que les astres dansaient inlassablement dans le ciel, annonçant le début et la fin d'une journée, s'approcha le moment où Thémy aurait à donner une réponse aux généraux. Son calvaire dans les geôles allait enfin prendre fin... alors pourquoi redoutait-il l'instant où il donnerait enfin sa réponse ?

Lors des entraînements, il avait remarqué que le général Gabriel Young le lâchait rarement des yeux, d'un regard froid et insensible, comme à son habitude. Et la Marionnette ne savait pas comment interpréter cela. Il se mit à largement préférer l'amertume du général Baptiste Lyraispaix à ces regards insistants. Thémy supposait que le général Gabriel Young attendait à ce que la Marionnette vînt le voir de nouveau, dans le but de dénoncer un de ses semblables qui faillirait à son devoir.

Cette possibilité ne l'effrayait pas – bien au contraire. Se faire indispensable aux généraux était une technique comme les autres pour espérer gravir les échelons, et ainsi se rapprocher de la reine. Et puis, que craignait-il ? Les Marionnettes ne pouvaient pas lui adresser des représailles, après tout. Les généraux se douteraient bien de quelque chose, si un incident impliquait l'ancienne cinquante-huitième Marionnette...

Alors qu'il affrontait Kenji dans un combat amical, dans la vaste salle d'entraînement, sous le regard critique d'Eloïse, le général Baptiste Lyraispaix tapa soudainement dans ses mains : toute l'attention se concentra sur lui. Il était seul, aujourd'hui – ce qui était inhabituel, étant donné que le général Gabriel Young était le plus doué des trois au maniement des armes. La Marionnette au troisième œil avait son épée en bois au niveau du ventre de son adversaire : avec une véritable arme, Thémy aurait inévitablement eu l'estomac perforé. Devant l'étonnement et l'inactivité des Marionnettes, le général laissa échapper un grognement d'irritation.

— Qu'est-ce que vous foutez à me mater comme ça ? Venez là, bon sang ! Du nerf !

Les Marionnettes se mirent en mouvement, assez embarrassées. Certains soldats laissèrent échapper des gloussements amusés – qui ne firent absolument pas rire le général. Les Marionnettes se mirent en ligne, comme prévu. L'homme les observa d'un regard noir, les mains croisées dans le dos : soudain, une porte s'ouvrit. Le général Gabriel Young fit son apparition. Il rejoignit son confrère, et lui adressa un simple hochement de la tête. Thémy perçut un sourire en coin mauvais se dessiner sur le visage du général Baptiste Lyraispaix.

Puis, il se tourna vers les Marionnettes.

— Nous avons quelque chose à vous annoncer, commença-t-il. Vous savez, en ce moment, les temps sont durs : entre ceux qui projettent de faire un attentat, et ceux qui ne désirent que fuir leur devoir, nous ne savons pas trop où mettre la tête. Et, je dois l'avouer, c'est fatiguant. Et je n'ai pas que ça à faire, de jouer le grand-frère qui fouine de partout pour savoir qui est loyal ou qui ne l'est pas.

Le général Gabriel Young laissa échapper un soupir, avant de se pincer l'arête de son nez. La Marionnette l'entendit murmurer :

— Non, pas comme ça, Baptiste... vraiment pas.

Bad Love Cursed RomanceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant