Depuis sa rencontre avec la reine, il avait passé son temps dans le noir.
La prison où il se trouvait n'était qu'entre autres les oubliettes du château. Thémy avait pris du temps à le comprendre. Il l'avait à peine réalisé lorsque des rideaux en métal avaient complété les barreaux de sa cellule, le coupant entièrement du reste du monde. L'obscurité avait été complète. Ce fut à cet instant même qu'il avait réalisé qu'il se souvenait très bien de cet endroit, étant donné qu'il avait été, auparavant, posté pour surveiller les criminels de guerre et les ennemis politiques, enfermés pour l'éternité dans cet enfer humide et souterrain. Ses souvenirs étaient fragmentaires, mais bien uniques. Bizarrement, mis à la place des pires êtres du royaume, il n'avait pas été plus paniqué que ça, mais les cris étouffés qui s'échappaient des murs humides de sa cellule lui avaient indiqué que certaines Marionnettes n'avaient pas vraiment le sang-froid.
Combien de temps avait-il été ici, incapable de bouger ? La Marionnette avait perdu la notion du temps – enfin, la vérité était qu'il n'avait jamais eu la notion du temps, mais qu'être enfermé de force dans le noir n'allait pas aider les choses. Ses bras s'étaient ankylosés à force d'être suspendus en l'air, uniquement retenus par les robustes menottes. La douleur. Une sensation nouvelle pour lui, une sensation que Thémy accepta sans véritablement avoir le choix. Une seconde nouveauté attira sa curiosité, que sa prise de conscience lui offrit cruellement : la faim. Les Marionnettes n'avaient pas besoin de se nourrir pour survivre, elles nécessitaient uniquement un mélange d'eau et de sang de leur créateur pour survivre, ainsi que quelques heures de repos. Il serra les dents alors que son ventre criait famine pour la première fois de sa vie.
Soudain, un bruit métallique le fit tressaillir. Les rideaux en fer se rétractèrent dans un concerto assourdissant. La lumière des torches dansantes, accrochées au mur en face de lui, l'éblouit vivement. La Marionnette laissa échapper un grognement.
— Allez, allez, on se réveille ! tonitrua quelqu'un, en applaudissant fortement. Vous avez trop somnolé à mon goût, à mon avis. Soldats ! Sortez les Marionnettes de leur cellule. Autorisation de neutraliser si l'une d'entre elles n'en fait qu'à sa tête.
La Marionnette reconnut cette voix. Ce ton narcissique et hautain ne pouvait qu'appartenir à l'un des hommes qu'accompagnaient la reine, lorsque Thémy s'était réveillé derrière les barreaux. Des soldats pénétrèrent alors sa cellule. La Marionnette leva les yeux vers eux. Ils semblaient mal à l'aise, voire même angoissés. Ils ne tardèrent alors pas à le délivrer et, lorsque ses imposantes mains furent libérées des menottes, les soldats se reculèrent vivement, sans le lâcher du regard. Il comprit alors qu'ils avaient peur de lui. Ça se comprenait. Ils n'étaient qu'humain, eux. Lui, par contre, ne l'était pas.
Thémy se releva lentement.
L'intégralité de son corps le faisait souffrir. Il était resté trop longtemps assis dans la même position : ses genoux le torturaient, ses jambes et ses bras étaient engourdis, il ne les sentait presque plus. Ses poignets le brûlaient. Il parvint à faire un pas en avant, puis un deuxième, jusqu'à enfin sortir de sa cellule. Les autres Marionnettes déferlèrent lentement, petit à petit. Thémy inspecta rapidement ce qui l'entourait, à présent qu'il pouvait en avoir pleinement conscience – et, ainsi, s'en rappeler sans que cela fût de simples tableaux brouillons et aseptiques.
Le couloir de la prison semblait sans fin. Toutes les cellules se collaient les unes aux autres, sur tout un pan de mur. Les soldats, eux, étaient partout. Absolument partout, et en nombre conséquent. La Marionnette remarqua les multiples fusils qui étaient braqués sur lui. Le moindre geste de travers, et il se faisait descendre.
Puis, il se concentra sur l'un des hommes qui avaient accompagné la reine. Le prénommé Lyraispaix. Un homme de taille moyenne, en uniforme militaire entièrement noir, composé d'un long manteau fermé aux coutures et aux épaulettes dorées, d'un pantalon et de bottes qui s'arrêtaient en dessous de ses genoux. La pâleur de sa peau, ses yeux bleu-gris ternes et sa courte chevelure blonde juraient avec son accoutrement. Les bras croisés, il observa l'évacuation de toutes les Marionnettes d'un air hostile. Thémy remarqua une rapière accrochée à la ceinture qui fermait son manteau, contre sa hanche droite, ainsi qu'un arc, contre sa hanche gauche.

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Bad Love Cursed Romance
FantasiaProtéger le royaume. Protéger le château. Protéger la reine. Voilà sa vocation. Thémy est une Marionnette, c'est-à-dire une créature dépourvue de conscience façonnée dans le but de servir son créateur. Lui et les cent neuf autres Marionnettes n'ont...