Trois

4 0 0
                                    

 La Marionnette fut réveillée par des soldats qui leur ordonnèrent de se lever, en tambourinant sur les portes.

— Vous avez dix minutes ! cria l'un d'eux, à travers la porte. Nous vous attendons en bas de la tour, au pied de l'escalier.

Thémy se leva. Il fit bruyamment craquer sa nuque. Les autres Marionnettes s'extirpèrent de leur lit en grognant et en laissant échapper moult injures. Il se demanda quelle heure il pouvait être. Il n'y avait pas d'horloge dans la chambre. Avait-il dormi longtemps ?

La Marionnette s'habilla en vitesse avant de, comme demandé, sortir de la chambre. Quelques-uns de ses semblables étaient déjà debout, mais pas Kenji. Thémy ne se fit pas attendre pour descendre les escaliers et, ainsi, rejoindre les soldats. Il était l'un des premiers à faire son apparition, visiblement.

Il regarda à travers l'une des immenses fenêtres. Dehors, il faisait nuit, car il faisait toujours nuit en Obscurum : le royaume était plongé dans les ténèbres éternelles, et cela depuis des siècles, voire des millénaires. L'Homme était parvenu à survivre malgré ces conditions hostiles, et l'obscurité omniprésente n'était plus une ennemie depuis longtemps. Toutefois, il existait des cycles « d'activité » et « de repos » : il n'y avait pas d'astre solaire, certes, mais deux lunes se succédaient dans le ciel, à un rythme constant. La Majeure, qui était le satellite le plus imposant, indiquait le cycle « d'activité », puis il y avait la Servante, synonyme de cycle « de repos », dont la taille était bien plus négligeable et insignifiante face à son opposée. En d'autres termes, la seule manière d'avoir une grossière estimation de l'heure qu'il était, avec uniquement l'aide du ciel, était de distinguer quelle lune brillait dans les ténèbres. Thémy remarqua alors que la Servante se faisait progressivement chasser par la Majeure : le cycle « d'activité » allait bientôt débuter.

Les Marionnettes arrivèrent les unes après les autres. Après un bref recensement, les soldats déclarèrent qu'elles étaient au complet. L'un d'eux déclara alors :

— Repos ! Bien. Mettez vous en file, l'un derrière l'autre. La reine nous attend. Ne la faisons pas attendre davantage.

Sa poitrine se mit à chauffer soudainement. Il allait enfin revoir la reine ! Malgré la confusion que lui procurait cette sensation qu'il n'arrivait pas à comprendre, Thémy suivit les soldats avec un certain entrain, le pas léger.

Le trajet lui parut interminable. À chaque fois que les soldats poussaient une double porte, il avait l'espoir tenace d'apercevoir enfin la reine. La Marionnette commençait à ressentir une certaine tension qui malmenait son être : la patience ne semblait pas être une vertu faite pour lui, visiblement.

Puis, ils arrivèrent dans la salle aux escaliers jumeaux, où le général Baptiste Lyraispaix avait passé son temps à leur poser les mêmes questions, encore et encore. La pièce était plongée dans un calme oppressant. Les yeux de Thémy se posèrent automatiquement sur la silhouette qui se trouvait au centre de salle, entourée des trois généraux.

La reine.

Elle était bien là, le regard neutre et la tête légèrement baissée, un maigre sourire timide étirant ses lèvres peintes de noir. Les trois généraux parlaient entre eux, à voix basse, mais se turent immédiatement lorsque les Marionnettes arrivèrent. Le général Baptiste Lyraispaix s'approcha d'un pas rapide.

— En ligne ! cria-t-il. Et au garde-à-vous !

Les Marionnettes s'exécutèrent, comme elles avaient l'habitude de le faire. Les généraux passèrent devant elles, probablement pour inspecter leur nouvelle tenue. Thémy sentit le regard inquisiteur de Gabriel Young, qui le fixait comme s'il voulait fouiller dans l'âme qu'il avait récemment acquise, pour trouver la moindre trace de perversion, une preuve minime qui pourrait mener à son élimination. Le général passa à la Marionnette juste à côté de lui, sans rien lui reprocher.

Bad Love Cursed RomanceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant