Les jours passèrent, sans encombre.
Sa routine lui plaisait démesurément. Chaque jour en était devenu un cadeau, au point même d'en oublier le ton acerbe et les regards noirs du général Baptiste Lyraispaix, que la Marionnette côtoyait tous les jours. Même si Eloïse et Kenji lui manquaient, ainsi que leurs entraînements quotidiens qu'ils partageaient, rien ne parvenait à entacher son enthousiasme. Une bonne humeur constante qui ravissait la reine.
Concernant la souveraine, cette dernière se montrait toujours aussi accueillante et chaleureuse envers Thémy. La Marionnette l'accompagnait partout où elle allait, que cela fût pour déambuler dans les couloirs du château ou pour se promener librement dans les jardins. Bien sûr, la plupart du temps, la Marionnette restait devant les portes menant à ses appartements, mais la reine l'invitait de plus en plus à rentrer discuter avec elle, pour passer le temps. Parfois, tous les deux prenaient tranquillement le thé devant Laureline : malgré son visage impassible, Thémy voyait l'écœurement de la jeune femme danser dans ses yeux sombres.
Aujourd'hui, la reine avait désiré se rendre dans la bibliothèque du château. La Marionnette fut immédiatement stupéfaite, lorsqu'elle mit son premier pied à l'intérieur de la pièce : sur trois étages, tous les murs étaient tapissés d'étagères, débordantes de livres, et de longues fenêtres donnaient sur l'obscurité totale. La pièce était éclairée par un immense lustre doré. Des allées entières de rayonnages en bois sombre formaient un véritable dédale qui en feraient rougir de jalousie les étages supérieurs de la demeure royale. Au centre de la pièce, se trouvait une table ronde en bois noir, ainsi que quelques chaises.
— C'est ici que je prends mes cours de Sombre Alchimie, lui indiqua la reine, ce qui brisa le silence ambiant de la pièce. En compagnie du général Michel Igalle.
— Avez-vous une leçon aujourd'hui, Majesté ?
— Non. Mon enseignement en ce domaine a ralenti, pour moult raisons : le général Michel Igalle, en plus d'être fort préoccupé ces derniers temps, estime que j'ai assez de connaissance pour poursuivre mon éducation seule. Je fais appelle à lui uniquement si j'ai véritablement besoin de lui, si un aspect de cette magie m'échappe complètement.
Ils contournèrent la table, s'engouffrèrent davantage dans la bibliothèque labyrinthique. Thémy ne pouvait pas décrocher son regard sur cette infinité d'ouvrages, dont les dos multicolores donnaient l'illusion de faire face à des touches d'un piano géant excentrique. La reine s'orientait sereinement dans la pièce, la Marionnette comprit sans problème qu'elle savait où elle allait. La main frôlant la garde de son épée, il ne parvenait pas à s'arrêter de lancer des coups d'œil nerveux, dans son dos.
— Il n'y a rien à craindre, lança soudainement la reine, sans même se retourner. Nous sommes en sécurité, ici.
— Pardonnez-moi, Majesté. J'ai à vous protéger...
— J'en suis très bien consciente. Mais, ici, nous ne risquons rien.
Elle avait insisté sur le « nous ».
Elle frôla des livres du bout de ses doigts, avant de s'arrêter sur l'un d'entre eux. La reine retira l'ouvrage de l'étalage et fit demi-tour, avec la Marionnette derrière ses talons. La souveraine s'assit alors devant la table et posa le livre, avant de l'observer silencieusement. Thémy, lui, était resté debout, juste à côté d'elle.
— Vous pouvez vous asseoir, dit-elle en souriant. Vous n'allez pas rester ainsi pendant des heures.
— Merci, Majesté, articula-t-il en tirant une chaise.
— Ne me remerciez pas pour ça. C'est normal, après tout.
Elle ouvrit le livre. La Marionnette se permit de légèrement se rapprocher d'elle, pour apercevoir ce que l'ouvrage cachait. Sa chaise racla le sombre sol carrelé.

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Bad Love Cursed Romance
FantasyProtéger le royaume. Protéger le château. Protéger la reine. Voilà sa vocation. Thémy est une Marionnette, c'est-à-dire une créature dépourvue de conscience façonnée dans le but de servir son créateur. Lui et les cent neuf autres Marionnettes n'ont...