Bad Love Cursed Romance

Vingt-trois

 La Maison n'était qu'à trois lieues devant eux. Leur périple débutait son terrible épilogue.

D'ici, ils pouvaient admirer l'arbre ancestral de plus près. Des cavités en verre ébréchaient son écorce blanchâtre, pour former des fenêtres géantes. Des escaliers avaient été creusé à sa surface, pour permettre de se déplacer à l'air libre. Aucune feuille décorait le sommet de ses branches. Les habitants de la Maison la traversaient comme des fourmis auraient pu escalader le tronc d'un vulgaire sapin. Mais le regard du garde du corps de la reine s'arrêta sur cette construction cylindrique et gigantesque, pendue à l'une des branches les plus épaisses de la Maison : elle ressemblait sur tous les points à une cage à oiseau, à l'exception qu'elle était entièrement fermée, repliée sur elle-même, par des parois en acier.

Thémy ne put se retenir de sourire de soulagement. Bientôt, il pourrait revoir la reine, l'arracher des griffes du roi d'Ochas. Lui prouver qu'il méritait son titre de garde du corps.

Lui offrir son extrême dévotion en mettant ce pays maudit à feu et à sang.

Depuis les révélations du général, une ambiance pesante étranglait les Marionnettes. Ils osèrent à peine se lancer des regards, la plupart méfiants et froids. Comme s'ils craignaient le monstre avançant à leur côté, alors qu'ils étaient tout aussi abominables. Kenji n'avait pas lâché son fusil du trajet, pendant qu'Eloïse jetait un coup d'œil à la rapière posée contre sa hanche de façon machinale, et qu'Anastasia inspectait le contenu de ses seringues toutes les deux minutes.

Pour une fois, ce fut Thémy qui resta le plus serein.

Le groupe s'arrêta sur ce qui ressemblait de près ou de loin à une colline. En contrebas, il voyait les racines de la Maison : l'immense tronc était cerné de remparts en pierre sombre, d'une taille impossible à estimer. Toute l'édifice était tout bonnement titanesque et, d'où ils étaient, un sentiment de petitesse les gagna. C'était comme trouver un oasis dans un désert interminable : le garde du corps se laissa aller par ce sentiment de soulagement qui coula dans ses veines.

Alors qu'il s'apprêta à donner un coup sur ses rênes, indiquant à Seize d'avancer et de dévaler l'autre pan de la colline, le général Michel Igalle l'arrêta d'un simple geste de la main.

— Un instant. Prenons notre temps.

— Quoi ?

— Réfléchissez, cracha l'homme sèchement. La Majeure brille haut dans le ciel. Nous sommes à la vue de tous, et nous sommes fatigués. Il est plus sage d'attaquer lorsque nous serons tous entièrement reposés.

À son tour, Kenji s'approcha pour admirer la Maison.

— Qu'on attaque maintenant ou non, ça ne changera pas grand-chose. Vous avez vu ces foutus murs ? Ils doivent être gardés, et sacrément résistants. On va s'y écraser comme des mouches.

Le général Michel Igalle réprima un sourire en coin, avant de poursuivre :

— Ne soyez pas trop pessimiste, Kenji. Il y a toujours une solution. Faisons demi-tour, nous devons recouvrer nos forces.

Thémy s'exécuta, en grommelant. Son âme lui ordonnait de s'élancer vers la Maison, de détruire ces remparts pierre par pierre. La reine était juste là, probablement torturée par son tourment – ou par son ravisseur. Elle avait besoin d'eux au plus vite.

Il avait besoin d'elle. Coûte que coûte.

De l'autre côté de la colline, se trouvait un village abandonné. Ils élurent domicile dans une maison basse sans étage, avec une pièce unique, au mobilier pitoyable : un lit avec un pied manquant, tenant en équilibre grâce à une pile de briques s'effritant, une table, des chaises cassées, des armoires aux portes sorties de leur gong, ainsi qu'un fauteuil en cuir craquelé. Ils s'y installèrent, mais ne prirent pas la peine de cacher leur nervosité. Le groupe inspecta la moindre lézarde suspecte sur les murs, le moindre endroit où pourrait se cacher une trappe, sous un meuble ou une couche épaisse de poussière. Les hommes de Kim d'Ochas pouvaient être partout – ils le savaient, à présent.