La Majeure n'était pas complètement levée lorsque les Marionnettes s'impatientaient déjà devant les écuries royales.
Un silence pesant s'était faufilé entre eux. Personne n'osait parler, ils se contentaient de se lancer des coups d'œil furtifs, anxieux. Thémy tua un bâillement – il n'avait pas réussi à fermer l'œil de la nuit. Le rapt de la reine le hantait, se jouait en boucle dans son esprit. C'était une véritable torture – la Marionnette commença même à envisager que le funèbre destin que lui avait promis le général Baptiste Lyraispaix lui semblait plus clément.
Ses doigts se refermèrent sur la garde de son épée. Il regarda une énième fois ses confrères : Eloïse dépliait et pliait un parchemin jauni de manière compulsif, pendant que Kenji examinait un bien étrange objet : fin, long, semblable à un canon miniature. C'était la première fois que Thémy voyait un fusil de si près.
Quant à Anastasia, cette dernière avait les mains croisées, les yeux clos, dans une position proche de celle adoptée pendant une méditation. Elle était la seule à avoir conservé sa tenue blanche : les trois autres Marionnettes étaient vêtues de la même manière, c'est-à-dire pantalon, haut à manches courtes, manteau arborant les armoiries du royaume, et bottes, le tout totalement noir. La Marionnette ravala sa salive. Aussi répugnante que cette pensée pût être, Thémy était étonné de voir qu'ils avaient tenu leurs promesses. Aucun d'entre eux ne manifestait une loyauté aussi forte que la sienne envers la reine, après tout. Puis, l'expédition était très proche à une condamnation à mort. Leurs chances de revenir indemne étaient bien trop frêles. Thémy savait tous les risques, pourtant, il ne pouvait être effrayé.
Un garde du corps digne de ce nom ne pouvait avoir peur, surtout si la vie de sa maîtresse était en jeu.
La Majeure se prélassait tendrement dans le firmament, inconsciente des horreurs qui gangrenaient le monde. L'angoisse de la Marionnette se faisait de plus en plus grande, à chaque seconde passée. Thémy s'empêcha de lâcher un soupir de soulagement quand il vit, au loin, trois silhouettes distinctes s'approcher. Tous les regards se braquèrent sur les généraux.
Aucune parole fut échangée. Aucun salut ne fut prononcé. Le général Gabriel Young poussa les lourdes portes grinçantes de l'écurie. De sombres cernes creusaient son regard, et son teint devenu cireux renforçait le portrait grave du général. Une forte odeur de fumier agressa les narines des Marionnettes. L'homme à la chevelure légèrement rosée s'avança d'un pas assuré, et tous le suivirent en silence dans le bâtiment plongé dans la pénombre. Le maître en Sombre Alchimie le rattrapa sans difficulté.
Thémy les entendit dire :
— T'as de la chance, Michel. Ils sont en pleine forme.
— C'est le principal. Tu penses qu'ils supporteront le voyage ?
— Oh, largement.
Ils s'arrêtèrent devant une lignée de box, étonnamment grands. À l'intérieur de l'un d'eux, Thémy parvint à discerner un cheval anormalement gigantesque, frôlant les deux mètres et demi, à la robe entièrement noire. Les yeux de la bête étaient d'un blanc laiteux surnaturel, l'iris se confondant parfaitement avec la pupille et la sclère. La Marionnette se tourna vers ses camarades, qui arboraient tous un visage stupéfait : Kenji ouvrit la bouche de stupéfaction, mais ne put articuler le moindre mot.
Le général Gabriel Young ouvrit les portes du box, dévoilant la bête dans son intégralité. Ses pattes étaient aussi larges que des rondins de bois, toutefois, ils dégageaient une aura d'agilité, d'endurance. L'homme à la chevelure légèrement rosée se tourna vers le groupe.
— Je vous présente un svadilfari. Vous utiliserez ce type de chevaux pour vous diriger vers l'Ochas.
— Un svadilfari ? répéta péniblement Kenji.
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Bad Love Cursed Romance
FantasyProtéger le royaume. Protéger le château. Protéger la reine. Voilà sa vocation. Thémy est une Marionnette, c'est-à-dire une créature dépourvue de conscience façonnée dans le but de servir son créateur. Lui et les cent neuf autres Marionnettes n'ont...