Eloïse parvint à le rattraper au niveau du double escalier. Ses doigts se replièrent sur l'avant-bras de la Marionnette : Thémy sentit ses ongles tranchants pénétrer sa chair. Elle le força à se tourner vers elle.
— Mais qu'est-ce qui te prend, imbécile ? cracha violemment Eloïse, entre ses dents serrées et deux respirations sifflantes. Tu n'as pas le droit d'être ici ! Ce que tu effectues est un abandon de poste, et tu risques d'être sévèrement puni !
— Je sais. Mais il faut que je parle aux généraux, au plus vite.
— Mais pour quoi faire ? Pourrais-tu avoir la décence de m'expliquer la raison de pourquoi tu agis de cette manière ?
Thémy laissa échapper un soupir de frustration. Il lui raconta alors brièvement sa discussion avec Guilhem, et les soupçons que la Marionnette entretenait au sujet de sa félonie. Au fur et à mesure de son court monologue, les yeux d'Eloïse ne firent que s'écarquiller, encore et encore, à croire que, à tout moment, ses globes oculaires allaient surgir de ses orbites.
— Ça peut te paraître invraisemblable, conclut Thémy d'un ton précipité, mais je crains que Guilhem veuille réaliser la même chose qu'a fait Gwenn. Mais en se préparant davantage.
— C'est insensé, souffla l'autre Marionnette.
— Peut-être que oui, peut-être que non. Je n'en sais rien, mais je ne peux pas laisser passer ça. Le pire est possible !
— Attends ! cria Eloïse, alors que Thémy s'élançait vers l'escalier jumeau. Je viens avec toi. Si tu montes seul, tu vas probablement te faire arrêter. Tu n'as pas le droit de monter, je te rappelle. Ma compagnie peut faire office de justificatif concernant ta présence dans les étages supérieurs.
Il la regarda. Eloïse le lâcha de nouveau, et gravit précipitamment les marches. Elle lui fit un signe de la suivre.
— De plus, rajouta-t-elle d'un ton plus léger, les étages sont un véritable labyrinthe. Et tu ne sais même pas où se trouve le bureau des généraux. Tu te serais perdu dans le dédale qu'est le château, crois-moi.
Thémy acquiesça silencieusement. Les deux Marionnettes montèrent les escaliers en un instant.
Il comprit rapidement pourquoi Eloïse comparait les étages supérieurs à un dédale. La Marionnette l'enfonça dans une confusion de couloirs, d'impasses et de portes, sans qu'il pût comprendre où il se trouvait exactement. Thémy perdit rapidement tout sens de l'orientation. Jamais il n'aurait pensé que le château était aussi démesurément grandissime – lui qui avait passé la grande majorité de sa vie dans les souterrains de la demeure royale. Eloïse, quant à elle, se déplaçait avec aisance : il croisa rapidement son regard, et dans ses yeux brillait une flamme d'intelligence et de qui-vive.
— Comment tu fais pour te repérer si facilement ? lui demanda-t-il alors, dans leur course.
— C'est inné, répondit-elle en lui laissant un bref regard. Probablement ai-je été conçue ainsi, vu mon poste. Comprends-tu pourquoi ma mission ne peut pas être réalisée par tout le monde ?
Thémy l'avait lourdement sous-estimée.
Eloïse l'amena dans un détour, où se trouvait un escalier étriqué. Ils le grimpèrent, et se retrouvèrent dans un couloir interminable, dépourvu de fenêtres. Tout au bout du corridor, se distinguait une lourde porte.
— C'est ici, renseigna Eloïse.
Les deux Marionnettes s'avancèrent d'un pas irrésolu. Thémy commençait à s'agiter. Toute sa confiance l'avait quitté. Il inspira profondément quand il se retrouva devant la porte en ébène, au heurtoir aussi noir que de l'obsidienne. La Marionnette réalisa qu'il était sculpté de manière à former un crâne humain, l'anneau du heurtoir tenait entre ses dents sombres comme du charbon. Un frisson le parcourut.

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Bad Love Cursed Romance
خيال (فانتازيا)Protéger le royaume. Protéger le château. Protéger la reine. Voilà sa vocation. Thémy est une Marionnette, c'est-à-dire une créature dépourvue de conscience façonnée dans le but de servir son créateur. Lui et les cent neuf autres Marionnettes n'ont...