Neuf

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 Le lendemain, il fit enfin face à Axel.

Jusqu'au moment où il prit son épée et que ses doigts se refermèrent sur la garde de son arme, Thémy avait eu l'impression d'être piégé dans un étrange rêve éveillé. Ce fut comme s'il avait été bien présent, parmi toutes ces Marionnettes et ces humains, aux côtés d'Eloïse et de Kenji tout au long du déjeuner comme à leur habitude, mais aussi totalement déconnecté de la réalité, voyant le monde ambiant et toutes ces âmes qui la parasitaient à travers un filtre saugrenu, brouillant sa vue et atténuant tous les sons autour de lui. Il était tout simplement incapable de se rappeler de quoi il avait pu parler, avec ses camarades, avant de disparaître précipitamment pour rejoindre le sous-sol. Tombait-il progressivement malade ?

Dans la salle d'entraînement, ne se trouvaient que les généraux et les deux Marionnettes restantes. Thémy ne lâcha pas son adversaire des yeux, obligé – amèrement – de lever la tête pour le fixer. Axel était impassible, vidé de toute émotion : ses yeux en croix ne reflétaient absolument rien. La Marionnette inspecta les tatouages de son rival : des écritures ésotériques se répandaient sur l'intégralité de son bras droit, jusqu'à son cou et le bas de son visage – sous sa mâchoire carrée plus exactement –, camouflant son numéro dans un flot d'informations incompréhensibles pour le commun des mortels. Son deuxième membre supérieur, étrangement, était vierge de la moindre tâche d'encre, dévoilant nettement une peau pâle, d'une blancheur presque maladive.

Axel se battait avec une hache qu'il tenait à deux mains. Le général Gabriel Young était entre les deux Marionnettes, les bras croisés derrière son dos droit. Les deux autres hommes admiraient la scène de plus loin – Thémy percevait leurs chuchotements inaudibles d'où il se trouvait, sans toutefois cerner le sens de leurs mots. L'homme à la chevelure légèrement rosée les observa en silence, et se décida à enfin prendre la parole après s'être éclairci la gorge.

— Prêts ? demanda-t-il simplement.

— Oui, mon général, répondit Thémy.

Axel se contenta de hocher la tête. Si le général Baptiste Lyraispaix avait été plus proche, Thémy était persuadé qu'il aurait humilié l'autre Marionnette pour son mutisme, comme il avait pu le faire avec lui. Les Marionnettes devaient parler, répondre – se rappeler en permanence, verbalement, que leur soumission était bien réelle.

Le général Gabriel Young fit un pas en arrière, de manière à raser le mur. D'une voix forte, il déclara :

— Bien ! En garde !

Thémy se mit automatiquement en position défensive. Il ne savait pas comment fonctionnait Axel. Ce dernier brandit son arme devant lui, les mains fermement agrippées au manche de sa hache. Ils ne se lâchèrent pas des yeux. Thémy resta sur ses gardes, ses sens exacerbés en alerte constante, son angoisse grouillante qui vrillait son estomac. Il s'efforçait à maintenir son épée droite, à contrôler ses mains tremblantes. Il se faisait lentement dévorer par une peur irrationnelle.

Axel ouvrit les hostilités. Thémy se défendit grâce à une parade sûre, robuste, mais il ressentit toute la force de son adversaire dans ce premier coup. La Marionnette s'empressa de reculer, avant d'attaquer à nouveau : Thémy se défendit, encore et encore. Axel était aussi agile que Dawn, en plus d'être bien plus fort. Chaque coup qu'il portait faisait vibrer les os de la Marionnette. Il était si rapide que, après une série interminable d'attaques vaines, Thémy ne parvenait même plus à parer correctement, se laissant meurtrir par l'arme factice, encore et encore, tout en étant incapable de toucher son opposant.

La panique le gagna. Axel le frappa en plein dans les côtes, ce qui lui arriva un cri bref. Par réflexe, la Marionnette parvint à attraper violemment l'arme de son opposant, et la tira vers lui... en vain : Axel ne la lâcha pas du moindre centimètre. Un sourire se dessina sur son visage.

Bad Love Cursed RomanceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant