La Marionnette suivit le général Baptiste Lyraispaix, qui était venu le chercher juste après le petit-déjeuner. Thémy devait redoubler d'effort pour suivre sa cadence.
Le général se faisait silencieux, le visage fermé. Contrairement à l'homme à la chevelure légèrement rosée, le général Baptiste Lyraispaix se faisait bien distant – voire détestable et méprisant – auprès de la Marionnette. Et ça depuis le début. Il n'avait pas ouvert la bouche depuis ce matin. Le général Baptiste Lyraispaix l'amena dans le dédale infini qu'étaient les étages du château.
On avait donné l'autorisation à Thémy de porter une arme – et une vraie, pas comme lors des entraînements quotidiens – dans l'enceinte du château, et plus seulement dans les sous-sols quand il avait encore à veiller sur les prisonniers. Ils passèrent devant des gardes et des servantes, humains comme Marionnettes. Ils se mirent tous au garde-à-vous au passage du général, qui les salua d'un simple hochement la tête. Après une énième bifurcation dans un énième couloir, ils tombèrent nez-à-nez sur un long escalier en pierre noire, que le général Baptiste Lyraispaix gravit sans hésitation. Thémy n'était jamais venu ici. Il suivit l'homme sans se faire attendre.
Puis, après de longues minutes de mutisme, l'homme prit enfin la parole, tout en poursuivant son ascension :
— À partir d'aujourd'hui, tu auras ta chambre attirée. Tu auras vingt minutes, avant le dîner, pour aller chercher le peu d'affaires personnelles dans ton dortoir.
— C'est entendu, mon général.
— Tu continueras à prendre tes repas avec les autres de ton espèce. Sauf exception. Et tu ne seras plus convié aux entraînements quotidiens. Tu n'as plus le temps pour ça.
— C'est d'accord.
Ils arrivèrent devant une robuste double porte, entièrement noire. Les torches et les chandeliers projetaient une lueur lugubre au bois d'ébène. Les murs rouges étaient tapissés de tableaux et de portraits de personnages que Thémy ignorait complètement. Le général Baptiste Lyraispaix poussa la lourde porte, qui grinça avant de se heurter violemment aux butoirs. L'homme rentra en premier, suivi de près par la Marionnette.
Ils se retrouvèrent dans ce qui semblait être un autre couloir – le château n'était pas à un couloir près, pour la Marionnette –, la seule différence étant les grandes fenêtres cintrées, aux multiples pièces de verre colorées leur donnant une allure de vitraux, qui longeaient la pièce. La pièce était éclairée par un chandelier, pendu au haut plafond. Le général et la Marionnette avancèrent sur un tapis rouge carmin, où se trouvait tout au bout un trône entièrement noir, en pierre et en bois. L'ébène formait le dossier du siège, ses branches sinueux étaient semblables à des bras desséchés, membres de mendiants levant les mains au ciel dans l'espoir d'une grâce divine. Les accotoirs étaient en pierre, décorés de complexes arabesques en métal.
Autour du siège, attendaient les deux autres généraux. Assise dans le trône, se trouvait la reine. Le cœur de Thémy fit un bond dans sa poitrine. La souveraine patientait sagement, le dos droit et l'air serein, ses mains gantées de noir posées sur ses genoux. Elle était vêtue d'une longue robe noire et rouge, aux manches bouffantes et au col carré, qui semblait frôler le parterre en parquet sombre. Ses lèvres étaient encore et toujours colorées de noir, comme si elles venaient d'embrasser les ténèbres pures. Ses yeux étaient cernés de noir et de rouge, en harmonie avec son vêtement. Quand elle vit la Marionnette, la souveraine lui sourit. Thémy eut l'impression de vaciller.
La Marionnette s'agenouilla devant elle, tête baissée. Le général Baptiste Lyraispaix alla rejoindre ses confrères sans un bruit. Ce fut le général Gabriel Young qui brisa le silence :

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Bad Love Cursed Romance
FantasiProtéger le royaume. Protéger le château. Protéger la reine. Voilà sa vocation. Thémy est une Marionnette, c'est-à-dire une créature dépourvue de conscience façonnée dans le but de servir son créateur. Lui et les cent neuf autres Marionnettes n'ont...