Dix-huit

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Un sifflement atroce. Un monde qui tournoyait autour de lui, en spirale. Il se crut dans un cauchemar sans fin.

    La Marionnette rouvrit difficilement les yeux, rivés sur un plafond noir charbon. Il tenta de se redresser, avant d'être pris de relents de nausée qui le plièrent en deux. Le monde s'agitait tout autour de lui, mais Thémy n'y prêta pas attention. Les cris, les ordres, les murmures. Tant d'informations, mais aucune n'arriva jusqu'à ses oreilles. En puisant dans ses forces restantes, la Marionnette parvint à se remettre droit, tout en s'appuyant sur le mur.

    Son nez lui faisait un mal de chien. Le sang séché l'empêchait de respirer correctement. Des dents cassées s'étaient lovées sur sa langue : la Marionnette les expulsa en crachant violemment sur le sol.

    Puis, la réalité le heurta de plein fouet. Une boule se forma dans sa gorge, la panique le gagna. Ses yeux traversèrent à toute vitesse le couloir étriqué, où les soldats inspectaient les lieux sans véritablement faire attention à lui, en fermant les yeux sur les cadavres qui jonchaient le sol. Le général Michel Igalle était adossé à un mur, un peu plus loin, entouré d'infirmiers qui inspectaient ses blessures. Son regard hagard fixait le vide. Le cœur de Thémy se serra brutalement.

    Aucune trace de la reine.

    — Majesté ! tonitrua-t-il, confus.

    Tous les regards se braquèrent sur lui. Un nombre incalculable de paires d'yeux. Mais aucun était d'un vert-de-gris distinctif. Le général Michel Igalle leva lentement la tête vers lui, un regard désolé et horrifié. La Marionnette avait l'impression que le sol se fracturait sous ses pieds.

    Soudain, son souffle se coupa. Quelqu'un venait de l'attraper par le col, avant de le plaquer contre le mur et de le soulever.

    Le général Baptiste Lyraispaix faisait dix centimètres de moins que lui, et une trentaine de kilos en moins. Pourtant, malgré ses bras frêles, il tenait fermement la Marionnette sans ciller le moindre instant. Il posa sur Thémy ses yeux orageux, plein de haine et de rancœur, et malgré ses dents serrées, le général parvint à articuler :

    — Tu es fini, Marionnette !

    — Dites-moi ce qu'il s'est passé, général. Je vous en supplie.

    — Ce qu'il s'est passé ? s'emporta le général. Ça devrait être toi qui devrait me renseigner sur la situation, en temps normal ! Et tu as le culot de me demander ce qu'il vient de se passer ?

    — Pose-le, Baptiste, demanda simplement le maître en Sombre Alchimie. Tu vas l'étrangler.

    — S'il vous plaît...

    — Saloperie ! La reine s'est fait prendre, par ta faute ! L'ennemi a mis sa main pourrie sur elle ! À l'heure où je te parle, elle se dirige de force vers l'Ochas !

    Les mots résonnèrent dans le couloir. Quelque chose traversa la poitrine de la Marionnette : une douleur indescriptible, bien plus terrible que celle qui tiraillait son visage. Thémy sentit comme son âme se fendre en deux, alors que le général Baptiste Lyraispaix renforçait sa poigne tout en continuant à l'humilier devant tous ces hommes qui firent comme si rien n'était.

    Les jointures des mains de l'homme étaient encore plus blanches que sa peau blafarde. Le général lui coupait progressivement la respiration. La Marionnette se mit à tousser, à suffoquer, en essayant de se dégager de l'emprise du général Baptiste Lyraispaix. Sans succès. Comment un homme comme lui pouvait-il avoir autant de force ?

    — Incapable ! Bon à rien ! hurla le général, sans le lâcher du regard. Je t'avais prévenu que je t'étriperai en public si quelque chose arrivait à la souveraine, mais je n'aurai clairement pas la patience d'attendre la déclaration d'une sentence officielle pour te faire bouffer tes intestins fraîchement extirpés !

Bad Love Cursed RomanceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant