Huit

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 Le général Gabriel Young n'avait pas menti. Le lendemain matin, Thémy fut appelé : lui et sept autres Marionnettes avaient réussi la première épreuve.

Eloïse ne faisait pas partie des heureux élus – Dawn, si. Sa camarade aux tatouages enflammés lui avait lancé un dernier regard, entre amertume et encouragement, avant de s'engouffrer dans un couloir en direction du réfectoire, avec les autres. Thémy ne ressentait aucune peine pour elle. Il s'était décidé à véritablement la considérer comme une énième rivale parmi les autres.

Au moins, Eloïse faisait partie des Marionnettes présentes le lendemain. Sur les treize prétendants au poste, dix avaient répondu présents. Thémy avait vite compris le pourquoi du comment. Il n'eut aucune pitié pour ces Marionnettes aux intentions infâmes qui avaient cru pouvoir contourner la vigilance des généraux et de leur cruel détecteur de mensonges. Peut-être que certains d'entre eux avaient trouvé la mort, étant donné l'agonie promise en cas de mensonge. Ou peut-être que ces Marionnettes-là avaient rejoint Guilhem dans les tréfonds du château.

Les huit Marionnettes restantes se tinrent droit devant les généraux, qui les inspectaient furtivement. Le général Gabriel Young fut le premier à prendre la parole :

— Repos. Bien. Je pense que vous vous en doutez, mais félicitations à vous : vous avez passé le premier test pour devenir le garde du corps personnel de notre souveraine. Passons à la seconde épreuve.

— Vous allez déjeuner au plus vite, renseigna le général Baptiste Lyraispaix, puis nous retrouver dans la salle d'entraînement. L'épreuve de force doit commencer le plus tôt possible. Elle se déroulera sur trois jours – ce qui est rapide, je sais.

— Pas de temps à perdre, termina celui à la chevelure rosée. Vous avez trente minutes.

Il leur fit signe de filer. Quand les huit Marionnettes arrivèrent au réfectoire, certains de leurs semblables étaient déjà en train de s'en aller, prêts à assurer leur poste. Thémy rejoignit Eloïse à leur table habituelle : elle mangeait seule, en silence. Kenji n'était pas revenu de l'infirmerie du château. Apparemment, il était plus malade que la Marionnette aurait pu le penser. Alors que Thémy demanda à sa camarade si elle avait des nouvelles de la Marionnette au troisième œil, cette dernière répondit d'une voix neutre, sans même prendre la peine de lever les yeux vers lui :

— Ce n'est pas si grave que ça. Kenji a juste besoin de repos, d'après Anastasia – elle garde l'hôpital, mais elle est aussi lentement formée pour parvenir au poste d'infirmière.

— Ah bon ? C'est possible ?

— Oui. D'après ses dires, c'est le général Michel Igalle en personne qui lui aurait donné l'autorisation. Il s'occupe aussi de l'antenne hospitalière de la demeure royale.

Cela coulait de source pour Thémy. Il se contenta de hocher la tête. Eloïse poursuivit, les yeux rivés sur son café froid :

— Kenji aurait attrapé un simple rhume. Ce qui n'est pas si étonnant, quand nous y réfléchissons : les journées se font de plus en plus froides. Bientôt, les températures seront négatives et la neige tombera sur le royaume. Les maladies vont bientôt pointer le bout de leur nez.

— Je ne me rappelle pas être tombé malade, une fois, avoua Thémy après avoir bu d'une traite son verre d'eau aromatisée au sang de leur créatrice.

— Moi non plus. Peut-être que nous n'avions juste pas conscience que nous pouvions tomber malade, que l'idée de « maladie » existait, qu'elle pouvait nous impacter. Ou peut-être que, avant, nous faire tomber malade, c'était comme essayer de faire tomber malade une machine.

Puis, Eloïse se décida enfin à le regarder. Son regard, tiraillé entre la tristesse de l'échec, la jalousie mal-placée et la confiance qu'elle portait pour Thémy, le fusilla dans un mutisme brisé par le brouhaha ambiant du réfectoire. La Marionnette aux tatouages enflammés déclara soudainement :

Bad Love Cursed RomanceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant