Sur ton chemin | Eddie Munson

Chapitre 12 - Jusqu'au dernier souffle

Tout était allé beaucoup trop vite. Et rien que l'idée de savoir qu'elle n'aurait rien pu faire pour empêcher ce qui lui arrivait la faisait trembler, autant de peur que de colère. Du ressenti qu'elle en avait eu, le trajet n'avait pas été extrêmement long. Quinze ou vingt minutes tout au plus, ce qui indiquait qu'ils s'étaient éloignés d'Hawkins, mais pas trop non plus. Cela dit, quinze ou vingt minutes passées dans le noir, les mains attachées dans le dos et fourrée dans le coffre d'une voiture... cela lui avait paru une éternité. Après que la voiture se soit arrêtée, les trois paires de mains des basketteurs l'avaient extirpée hors du coffre. Éblouie par la soudaine luminosité de la mi-journée, Joanna dut plisser les paupières, mais le temps que ses yeux s'adaptent, ils l'avaient déjà poussée à l'intérieur d'une maison et l'avaient pratiquement jetée dans une pièce adjacente au hall d'entrée. Joanna se recroquevilla aussitôt contre le mur comme si cela allait lui procurer la moindre protection. Elle ne comprenait toujours pas ce qu'elle faisait là ni ce que Jason lui voulait. Ses yeux parcoururent la pièce et elle réalisa très vite qu'elle était dans une maison abandonnée. Aux fenêtres, des planches mal cloutées laissaient passer quelques rayons de lumière, juste assez pour voir qu'une ampoule brûlée pendait du plafond et qu'une couche de poussière recouvrait tout dans cette pièce qui n'avait très certainement vu aucun habitant depuis très longtemps. Il restait quelques meubles anciens, en mauvais état et la plupart étaient recouverts de draps blancs, donnant à l'endroit un aspect sinistre et angoissant.

Quand Jason s'approcha d'elle, Joanna se tassa dans le coin du mur autant que ses mains liées dans le dos le lui permirent. Mouvement instinctif mais inutile. Jason approcha la main de son visage, ce qui la fit se raidir, de peur qu'il cherche de nouveau à l'étrangler. Mais il attrapa simplement le bord du ruban adhésif qui couvrait sa bouche et tira dessus d'un coup sec pour le lui enlever, ce qui la fit grimacer de douleur. Son regard affolé passa alternativement sur les trois garçons et les idées les plus sombres lui traversèrent l'esprit concernant leurs intentions à son égard. Comme pour alimenter ses angoisses, Jason empoigna ses cheveux et la força à se coucher sur le ventre. Le sol froid la fit frissonner mais son corps entier se mit à trembler quand elle entendit le bruit de la lame d'un couteau pliant se déployer. Son sang se glaça et ses yeux s'agrandirent de terreur. Alors c'était ça ? Il allait la tuer ici, dans cette maison abandonnée où on retrouverait son corps des semaines plus tard ? Elle ne le laisserait pas faire sans essayer de se défendre, ça c'était certain.

« Non ! Lâche-moi ! Laisse-moi... ! » cria-t-elle désespérément. Elle se débattit du mieux qu'elle put mais Jason plaça une main ferme contre l'arrière de sa tête, pressant sa joue contre le sol pour l'immobiliser. Cependant, contre toute attente, la lame du couteau ne servit qu'à découper le ruban adhésif qui entourait ses poignets. La poigne de Jason la libéra et Joanna eut tôt fait de regagner le coin du mur, recroquevillée sur elle-même alors qu'elle regardait Jason sans comprendre.

« On ne va pas te tuer si c'est ce que tu veux savoir. Mais essaye de t'échapper et je n'hésiterai pas une seconde, compris ?! » la menaça-t-il, le couteau pointé vers elle. Le regard de Joanna glissa vers les deux autres garçons qui se tenaient dans l'encadrement de la porte, empêchant de toute manière toute tentative.

Les yeux de Joanna se posèrent de nouveau sur Jason et elle dut faire de gros efforts pour parvenir à parler sans se mettre à pleurer. « Qu'est-ce que vous voulez ? Pourquoi vous m'avez amenée ici ?! » demanda-t-elle, le tremblement de sa voix trahissant malgré tout sa peur.

« Notre dernière... virée... ne s'est pas vraiment passée comme prévu. » dit-il pour toute réponse, ce qui ne l'avança guère plus sur les raisons de sa présence ici. Jason fit alors un signe de tête à ses deux acolytes qui disparurent aussitôt dans une pièce voisine. Pendant ce temps, Jason s'empara d'un vieux matelas poussiéreux qui étaient jusqu'à présent debout contre le mur et qu'elle n'avait pas remarqué jusque là. Il le laissa tomber devant elle dans un petit nuage de poussière au moment où Chance et Andy revenaient en soutenant un autre garçon qu'elle identifia comme le quatrième basketteur qui traînait habituellement avec eux. Il semblait très faible et gardait une main constamment sur son ventre. Ils l'aidèrent à s'allonger sur le matelas et Joanna put alors constater l'ampleur du problème. Le t-shirt du garçon était maculé de sang, la sueur recouvrait son visage, ses yeux étaient vitreux et sa respiration était complètement erratique. Joanna ne put détacher son regard de lui alors qu'un long frisson d'horreur remontait le long de son dos jusqu'à sa nuque. Le garçon, initialement noir de peau, avait le teint grisâtre et entre deux gémissements de douleurs, ses paupières menaçaient de se fermer.