Chapitre 10

364 23 78
                                    

Aaron

-Tu me délaisses, fils ingrat. Grogne ma mère en mastiquant son morceau de pain.

J'étais tellement pris émotionnellement par Katya que j'en ai oublié de voir ma mère la semaine dernière.

-Ça va, ce n'est pas comme si tu disparaissais du centre.

-Dès lors où tu m'as foutu ici, tu as été ingrat.

Je reste neutre, assis sur ma chaise à observer cette femme me cracher à la gueule.

-Noah ne m'aurait jamais mis en centre.. Chuchote-t-elle.

Je hoche la tête sans prendre la parole. Elle n'a pas tort. De lui-même, Noah ne l'aurait jamais mis dans un centre. J'ai dû le pousser à le faire. Il reste bien trop accroché à cette femme qui ne le considère plus. Est-ce sa faute ? Elle délire complètement. Pour elle, nous ne sommes que des démons, les fils de nos pères.

-Tu vas t'en sortir.

Elle balance son plateau au sol, mais je tente de rester calme et de ne pas ciller.

-Jamais ! Tu le sais aussi bien que moi que je ne sortirais pas de là ! Tu es un monstre ! Grogne-t-elle en me pointant la fourchette près du visage.

Je sais qu'elle est totalement capable de me planter comme elle a défiguré le visage de mon frère. Cette femme est capable de tout, mais il y a bien longtemps que ça ne m'atteint plus.

-Maman, pose cette fourchette.

-Ne m'appelle pas maman ! Hurle-t-elle. Tu es seulement le fils d'une pourriture, le fils du diable ! Regarde-toi ! Tu as la même gueule que lui, les mêmes yeux terrifiants.

Elle ment. Je ne trouve aucune ressemblance physique entre Ronnie et moi. À moins que je ne m'en persuade seulement.

Elle agite sa fourchette devant moi, mais je reste assis. Je l'ai vu tant de fois prendre cette apparence que ça me désole plus que ça ne me fait peur.

-Tu es un monstre. Crache-t-elle. Va au diable ! Fils du diable !

Je ferme les yeux pour tenter de respirer. Une équipe de médecins entre dans la salle et prennent ma mère par le bras en voyant la scène.

-Que se passe-t-il ? Tout va bien Monsieur Davis ? Me demande une infirmière.

-Ça va. Vous devriez faire gaffe à ne pas lui donner de choses tranchantes.

L'infirmière ramasse la fourchette qu'a fait tomber ma mère et je me lève aussitôt.

-J'y vais. À la semaine prochaine.

Devant le centre, je fume ma clope, le coeur anesthésié de toutes ses conneries. C'est fou de ne plus rien ressentir. C'est comme si j'étais vide, anéanti, complètement ailleurs. Plus rien ne m'atteint venant de cette femme. J'ai même du mal à me dire que c'est réellement ma mère. Qu'est-ce qui nous relie si ce n'est sa grossesse pour m'enfanter ? Et encore, je n'étais pas un enfant voulu.


-Aaron ! Hurle mon père à l'étage.

Je tremble bêtement en me redressant. Ma mère est dans la cuisine à fumer sa clope. Noah est dehors. Comme d'habitude, ils l'ont chassé et je ne peux m'empêcher de me dire qu'il est mieux dehors qu'entre ses murs. Quelque part, je l'envie.

-Quoi ?

-Viens voir !

Sa voix me fait froid dans le dos, mais je pose mon lecteur Mp3 pour monter à l'étage où se trouvent les chambres.

Nous ou rien.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant