Je me fixe dans le miroir, vérifiant une énième fois ma coiffure. Je me demande pourquoi je dois assister à cette soirée avec mes voisins, en plus apparemment ce genre de soirée est organisée chaque 15 du mois, ça promet. Ça sent la corvée. Je ne les connais pas et je n'ai pas vraiment envie de les connaître, mais c'est plus ou moins un ordre, je dois m'intégrer, socialiser. Est-ce que c'est de ma faute si la vie des autres ne m'intéresse absolument pas ? Je n'ai pas vraiment envie d'écouter leurs problèmes, les mesquineries familiales ou professionnelles, les vantardises. Ça ne m'intéresse pas de savoir qui fait quoi, mais il paraît que c'est important pour les autres, pour se comparer, pour pouvoir les rabaisser le moment venu. Sun Tzu et l'art de la guerre adapté à la vie de tous les jours. Ça, à la rigueur, ça me parle.
Prenant appui sur mon lavabo, je me rapproche du miroir et je fouille mes yeux noisettes à la recherche d'une réponse qui ne vient pas. Malgré moi, je recommencerai demain, et le jour suivant. Il y a forcément une étincelle quelque part. J'ai beau chercher, je ne vois que le vide inexpressif qui me caractérise. Je répète ma biographie, me préparant à répondre aux questions. avant de me donner deux petites gifles sur les joues pour me donner de l'énergie et colorer mes joues. En sortant de mon appartement un sourire digne d'un oscar orne mon visage, je porte un plat de chips et de trempettes maison, prenant l'ascenseur pour rejoindre la terrasse sur le toit et socialiser. Dans la cabine qui s'élève je me demande quels sont les codes sociaux dans ce genre de soirée, au bout de combien temps je peux m'éclipser sans que ce soit mal perçu. Je m'accorde trente minutes avant de déguerpir et d'occuper mon temps de manière plus productive.
Tout ce monde m'énerve déjà quand j'entends leurs rire faux, les timbres de certaines voix.
Je me présente en donnant mon numéro d'appartement, puis mon nom actuel, serrant des mains ou faisant des bises à droite et à gauche. Je mémorise chaque nom, chaque visage qui se présente, complétant le plan du bâtiment dans ma tête avec un trombinoscope. Par réflexe, je repère tout ce qui peut m'être utile comme le tuyau d'arrosage, les ustensiles sur les tables, l'échelle permettant d'accéder à la machinerie de la cage d'ascenseur. J'analyse la petite assemblée, cherchant les locataires dangereux, ceux qui le paraissent mais qui s'enfuiraient en bousculant tout le monde à la première seconde. Je suis là depuis cinq minutes à peine et j'ai déjà envie d'y aller. Cinq minutes de plus et le propriétaire aura plusieurs logements à louer.
Pour mon plus grand plaisir, je trouve enfin quelqu'un d'intéressant. Je discute avec une voisine qui habite deux étages plus haut que le mien, enfin discuter disons que j'écoute la commère me détailler la vie de mes voisins. C'est toujours bon de se tenir proche de ce genre de personne pour connaître la vie et les secrets des autres. Elles sont mes yeux et mes oreilles. Elles et les enfants. Il n'y a rien de tel que les enfants pour cracher le morceau en échange d'un billet.
« Elle, là avec le chemisier blanc et son veston jaune sans manche, la blonde, c'est elle qui fait du bruit avec sa trompette. J'ai fait circuler une pétition pour que son bail ne soit pas renouvelé, je viendrais vous le faire signer. Franchement, jouer de la trompette sans se soucier de ses voisins, quel manque de savoir vivre. Oh, excusez-moi, je dois discuter avec Monsieur Martin, le concierge, au sujet des odeurs de nourriture de ma voisine du dessous. »
Un saxophone, idiote, pas une trompette.
Je me dirige vers celle que tout le monde évite et qui s'est installée dans un coin, regardant en solitaire la ville qui s'étend à ses pieds.
« Bonsoir, Tessa Lawless, Tess, appartement 603 », dis-je en lui tendant la main. « C'est vous qui jouez du saxophone ?
— Oui, pardon si le bruit vous dérange », répond-elle un sourire contrit sur ses lèvres. « Je pratique la journée quand il y a moins de monde, mais...
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Tueuse à gages
ActionTuer pour de l'argent... C'est un métier comme un autre, je suis comme les éboueurs, je nettoie les rues pour de l'argent. J'en vis bien, je n'ai pas d'états d'âmes. C'est mon travail, et je le fais bien. Sans attache, sans émotion. Ça, c'était avan...