Kerry tremble un peu en m'apportant mon verre. Je la comprends d'avoir peur de moi, je suis un monstre sans âme, une machine à frapper, à torturer, à tuer. Discrètement, voulant la rassurer, je pose ma main sur la sienne, jusqu'à ce qu'elle me sourit et me fasse un signe de tête, m'assurant qu'elle va bien. Plusieurs employés passent, me saluent. J'ai l'impression d'être trop visible. C'est incompatible avec mon travail et, en même temps, c'est la couverture parfaite. Je ne déroge pas à mes habitudes, trempant mes lèvres dans le verre que m'a apporté Kerry, puis je m'installe confortablement et regarde Sam jouer. Le temps passe, je m'en fiche. J'aime l'ambiance du club avec ses lumières tamisées, ses fauteuils confortables. Un couteau apparaît dans ma main quand quelqu'un s'assoit à côté de moi.
« Salut », chuchote Kerry, à mon oreille.
« Kerry, ça va ? Tu ne travailles plus ? » m'inquiétais-je, en la regardant.
« J'ai fini pour ce soir », dit-elle en me montrant sa lèvre enflée. « Mon gérant préfère que j'évite de faire peur aux clients. Il est d'accord pour que je reste là avec toi, si ça ne te dérange pas.
— Non, ça va. Tu veux que je te raccompagne ce soir ?
— Ça va aller, Merci Tessa. Je prendrais un taxi. J'ai réservé une chambre dans un motel. Je ne peux pas rentrer chez moi.
— Pourquoi ?
— J'habitais avec mon copain, l'homme que tu as tabassé.
— Ah. Désolée, Kerry.
— Ce n'est rien, je t'assure. Ça n'allait plus depuis un moment.
— Je ne suis pas elle, Kerry, la dame blanche », mentis-je.
Elle me sonde du regard, me souriant.
« En tout cas, merci. Tu as réglé mon problème. Où as-tu appris à te battre ?
— J'ai grandi en orphelinat », dis-je simplement, comme si cela était une réponse suffisante. Kerry voit bien qu'elle ne tirera rien de plus de moi. Je sens qu'elle m'observe par moment, mais elle ne dit rien. Ma présence semble la rassurer bien que je la vois frissonner. Nous passons le reste de la soirée côte à côte. Je ne sais pas trop ce que je dois faire pour elle. Je l'ai déjà flatté dans le dos. Est-ce que je dois le refaire ? Flatter sa main ?
L'orchestre nous fait comprendre que la soirée touche à sa fin, chacun y va de son solo. Je commence à m'y faire, même si je me fout un peu de la violoncelliste, et du pianiste. Les clients applaudissent, puis les musiciens saluent avant de quitter la scène. Les clients sortent ensuite du Club, tandis que je reste assise à ma table, avec Kerry. Sam n'est pas longue à nous rejoindre et remarque tout de suite la lèvre fendue et enflée de Kerry. Je comprends que Sam était au courant de la relation entre Kerry et son copain, et étant informé de la solution de couchage de Kerry, lui propose de dormir chez elle le temps de trouver une solution. C'est donc avec un bagage supplémentaire que je rentre à la maison. Je ne reste pas chez Sam ce soir, prétextant un travail à finir. Un câlin plus tard des deux filles, je monte un étage plus haut et, une fois la porte fermée, je sors mon matériel de surveillance et observe ce qui se passe en dessous, écoutant voir si Kerry parle de ce que j'ai fait. Mais elle ne dit rien, disant simplement que son ex l'avait frappé. Je regarde Sam amener oreiller et couverture avant d'enlacer Kerry et de rejoindre sa chambre. Sam se déshabille, mettant son pyjama préféré, celui avec les petits chats. Kerry déboutonne son chemisier pour retirer son soutien-gorge et se reboutonne. Elle retire son pantalon et reste en culotte, avant de s'installer dans le canapé. Je la regarde allongée, touchant sa lèvre, avant de se recroqueviller sur elle-même et pleurer. Je fais un zoom pour l'observer. Je ne comprends pas. Elle est débarrassée de celui qui lui faisait du mal, pourquoi pleurer ? C'est étrange, elle devrait être soulagée, voire contente. Je cherche sur internet des réponses. J'en suis encore plus perturbée. La tristesse est une émotion qui me dérange. Je trouve les larmes fascinantes, j'y trouve une beauté. Je me demande ce que ça fait de pleurer, la sensation de l'eau salée qui coule des yeux. Je regarde Kerry pleurer en silence, en mangeant ma salade de pommes de terre, fascinée.
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Tueuse à gages
AcciónTuer pour de l'argent... C'est un métier comme un autre, je suis comme les éboueurs, je nettoie les rues pour de l'argent. J'en vis bien, je n'ai pas d'états d'âmes. C'est mon travail, et je le fais bien. Sans attache, sans émotion. Ça, c'était avan...