Chapitre 17

15 2 0
                                    

Je me suis levée pour aller près de la fenêtre. Il a essayé de m'en empêcher mais je me suis dégagée et il n'a pas insisté.

- Catherine, tu pourrais venir avec moi. Rien ne te retiens.

Je me suis sentie suffoquer. J'ai reconnu les prémices d'une attaque de panique et me suis forcée à respirer profondément.

- Je t'ai entendu dire à Maisie à quel point ta vie était ennuyeuse, ce serait l'occasion de faire quelque chose d'un peu fou. De sortir de ta zone de confort.

Ça semblait si facile pour lui, naturel. Il avait toujours aimé se lancer des défis, partir vers l'inconnu. Il avait cette capacité d'être dans le présent sans réfléchir aux conséquences. Ce n'était malheureusement pas mon cas.

Maman sortait tout juste d'une dépression et je craignais que l'état de grand-père ne l'y reconduise. Quant à lui, j'avais si peur qu'il lui arrive quelque chose tant que j'étais en Ecosse, alors au bout du monde... Je ne pouvais même pas y penser.

- Tu n'es pas obligée de prendre une décision tout de suite, a dit Blaine calmement. Je ne prévois pas de partir tout de suite. Je me fais une belle petite réserve en travaillant au haras de mon père comme ça je n'aurai rien à lui demander. Ce sera vraiment quelque chose que je ferai pour moi par moi-même.

Face à mon silence persistant, il a fini par quitter la pièce. Je me suis jetée sur mon lit en me promettant de ne pas pleurer.

J'ai dormis d'un sommeil sans rêve qui ne m'a apporté aucun repos. Au petit matin, c'est Maisie qui est venue me réveiller.

- Debout paresseuse, a-t-elle crié dans mes oreilles.

J'ai jeté un coup d'oeil à mon téléphone pour voir qu'il n'était même pas encore huit heures. J'ai soupiré bruyamment en remontant la couette sur ma tête.

- Oh allez, a-t-elle dit en la retirant d'un coup sec. J'ai des tas de projet pour nous aujourd'hui !

C'était le problème de Maisie. Elle aimait mener tout son petit monde à la baguette et se souciait rarement de savoir si les autres avaient envie de suivre ses plans.

- Je croyais que le week-end tu roupillais jusqu'à pas d'heure, ai-je grogné en me redressant.

- Lundi c'est la rentrée scolaire. Je veux profiter du manoir et de mon père durant mon dernier week-end de liberté. Il fait soleil en plus ! Un grand soleil brillant. Allez, debout !

Elle est sorti aussi vite qu'elle était entrée, sûrement pour aller réveiller Blaine. Elle ne savait pas conduire, elle avait donc besoin d'un chauffeur pour aller chez son père. Elle avait dû se douter que je refuserais de remplir ce rôle.

Comme Blaine était en congé, nous avions prévu de retourner au cottage mais après notre échange plutôt froid d'hier soir, je n'étais plus certaine que c'était toujours d'actualité. Et de toute façon, sa soeur ne nous lâcherait pas tant qu'elle n'aurait pas obtenu ce qu'elle voulait.

Il valait mieux se résigner à lui faire plaisir plutôt que de supporter sa mauvaise humeur toute la journée.

J'étais en train de passer mes doigts au travers de mes cheveux emmêlés quand elle a passé la tête dans l'embrasure de la porte.

- Blaine se prépare, dépêche.

Elle m'a fait un clin d'oeil avant de partir en ricanant. D'un coup, j'ai senti une attaque de panique commencer à s'installer. Elle savait quelque chose. Elle avait entendu quelque chose. Ou vu quelque chose.

J'ai essayé de respirer profondément tout en essayant de me rappeler d'un instant qui aurait pu nous trahir. Nous nous étions rapprochés son frère et moi, c'était indéniable, mais nous étions très prudent en public. Sauf que sa soeur était très observatrice et qu'elle avait déjà des soupçons avant. Et que Blaine s'était déjà confié à elle.

- Tu réfléchis trop Catherine, me suis-je dit en essayant de me calmer.

- Ça c'est bien vrai.

J'ai poussé un cri aigu en me retournant.

- Blaine ! ai-je râlé.

Il s'est contenté de rire.

- Je suis privé de mon jour de congé, a-t-il dit. J'imagine que toi aussi ton emploi du temps de la journée a été programmé par ma soeur.

Ce n'était pas une question mais une affirmation. J'ai fait oui de la tête en attrapant ma brosse à cheveux.

Je marchais un peu sur des oeufs, ne sachant pas quoi lui dire et s'il fallait que nous réabordions le sujet de l'Australie maintenant ou plus tard.

J'étais tellement perdue dans mes pensées que je ne l'ai pas entendu s'approcher. J'ai sursauté quand il a pris la brosse de mes mains et l'ai regardé perplexe.

Il est venu se placer derrière moi pour entreprendre la tâche laborieuse de les démêler.

- Ils sont si long. Tu devrais les détacher plus souvent, ils sont magnifique.

- Je pense les couper, ai-je répondu.

- Ne fait pas ça. Ils sont magnifiques. Tu es magnifique.

Il a posé ses lèvres sur ma nuque, déclenchant une série de frisson le long de ma colonne vertébrale.

- On peut reparler de l'Australie ? a-t-il murmuré.

Son souffle chaud sur mon cou m'a de nouveau fait tressaillir.

- Blaine...

La vérité, c'est que je n'avais pas de réponse à lui donner. Pas encore.

- Tu n'as pas envie de partir avec moi, a-t-il dit déçu.

- Ce n'est pas ça. C'est juste que... Je ne sais pas ce que je veux.

Je me suis retournée pour lui faire face.

- Je n'ai jamais pensé partir à l'aventure. Je n'en ai jamais eu envie. Et là, tu me demandes de te suivre comme ça au bout du monde en laissant ma mère toute seule avec la responsabilité de mon grand-père qui n'est pas en très bonne santé.

Je devais admettre que grand-père n'était qu'une bonne excuse. Maman m'avait dit qu'il allait mieux et il n'était pas du genre à se faire materner.

- Et puis, ai-je rajouté, tu m'imagines en éleveuse de chevaux ?

Il a éclaté de rire.

- Non, pas du tout. Mais il y a pleins d'autres choses que tu sais faire. Il y a moyen que tu trouves des opportunités là-bas. Et puis l'important ce n'est pas tellement ce que tu vas faire, c'est l'expérience que tu vas en retirer.

Je me suis mordue la lèvre, dubitative. C'était un peu facile de dire ça quand lui ferait exactement ce qu'il avait planifié.

- Tu veux plus de temps pour prendre ta décision ? Pour te préparer ?

- Me préparer ? Blaine, je n'ai encore pris aucune décision.

- Promets-moi juste de vraiment y réfléchir avant de me donner ta réponse.

J'ai acquiescé et nous n'en avons  plus reparlé de la journée. J'ai passé la matinée à cheval avec Maisie. Elle a passé son temps à parler sans attendre de réelle participation de ma part. Elle s'inquiétait du fait que les travaux avançaient si vite qu'il ne restait déjà plus rien de l'esprit de ses grands-parents mais aussi du fait que son amie Lara s'intéressait à un garçon qui lui avait autrefois tapé dans l'oeil.

A midi, nous avons mangé avec Blaine et son père qui nous a proposé d'aller au cinéma. Je n'avais pas très envie de m'enfermer dans une salle sombre alors qu'il faisait aussi beau et Blaine qui avait passé la matinée à aider son père avec de la paperasse administrative pour le futur Bed and Breakfast avait envie de monter à cheval. Il est donc parti avec Maisie qui s'est réjouie d'avoir son père pour elle toute seule.

- Tu veux venir avec moi ? m'a demandé Blaine en se dirigeant vers l'écurie.

J'ai accepté, n'ayant rien de mieux à faire.

- Je connais un endroit charmant, tu vas adorer.

Il a guidé nos montures jusqu'à un morceau de terre multicolore. Il y avait des centaines et des centaines de fleurs magnifiques.

Nous avons mis pied à terre et nous sommes assis au pied d'un arbre afin d'être à l'ombre. Il a sorti de son sac à dos le journal de Catrina et me l'a tendu.

- A toi l'honneur, a-t-il dit avec un clin d'oeil.

Entre deux mondes - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant