Chapitre 25

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7 décembre 1940

J'ai reçu une réponse de Jessica Brown, l'amie infirmière de madame Claude. Elle m'annonce qu'une place c'est libérée et qu'elle est pour moi si je la veux toujours. Elle m'attend à Edimbourg pour le 14 décembre. Ma formation débutera le lundi suivant et elle me promet beaucoup de travail, de fatigue et de stress.

Si elle avait été devant moi, je lui aurais répondu que le seul et unique stress que je ressentais c'était celui d'annoncer ça à mon père.

Cependant, je dois dire qu'il a eu une réaction plus mesurée que ce à quoi je m'attendais.

Il a d'abord inspiré et expiré bruyamment durant un très, très, très long moment durant lequel ni ma mère ni moi n'avons osé parler, nous lever ou même respirer trop fort.

Nous nous regardions toutes les deux sans trop savoir quoi faire. Je me suis demandée s'il s'apprêtait à faire un arrêt cardiaque et s'il fallait ou non intervenir d'une manière ou d'une autre.

Finalement, papa a frappé violemment la table de son poing à plusieurs reprises avant de rouvrir les yeux. Des yeux qui, s'ils l'avaient pu, m'auraient lancé des éclairs jusqu'à ce que je ne sois plus qu'un tas de cendres fumantes.

- Vous êtes tous des idiots dans cette famille, ce n'est pas possible ! D'abord cet abrutis de Iain qui s'engage, puis Domhnall qui part rejoindre l'armée de l'air et voilà que toi ! TOI ! BON DIEU TOI !

J'ai roulé des yeux alors qu'il continuait d'hurler « TOI ! »comme un possédé, un doigt accusateur sous mon nez. 

- Domhnall n'a pas vraiment choisi de rejoindre l'armée de l'air, a dit maman l'air de rien.

Papa a arrêté d'hurler « TOI » et s'est retourné vers maman, le visage rouge, de la sueur dégoulinant sur son front et ses joues.

- Vous m'emmerdez ! Vous m'emmerdez tous ! Mais alors TOI ! a-t-il hurlé en se tournant de nouveau vers moi.

Il s'est levé, renversant sa chaise au passage et c'est mis à faire les cent pas en grommelant des paroles incohérentes.

- Je pensais que c'était une véritable bénédiction d'avoir enfin une fille, a-t-il fini par dire toujours en colère. Une petite fille qui n'aurait d'yeux que pour son papa, qui veillerait sur lui et qui prendrait soin de lui quand il ne pourrait plus le faire. Bon dieu ! Une bénédiction, mon œil oui ! Tu es la pire de toute la fratrie ! D'abord tu t'énamoures du fils Findlay ! LE FILS FINDLAY ! MON PIRE ENNEMIE !

Je l'aurais bien interrompu pour lui faire remarquer qu'ils avaient l'air de beaucoup mieux s'entendre et que lui-même avait admis ne plus se souvenir exactement de ce qui avait déclenché leur dispute mais je m'en suis abstenue.

- Ensuite tu l'épouses en secret. EN SECRET ! APRES AVOIR PASSE TOUTE LA NUIT AVEC LUI COMME N'IMPORTE QUELLE GOURGANDINE !

- Je l'ai épousé avant en fait, ai-je glissé prudemment.

Il m'a ignoré, frappant le plat de sa main contre la table. 

- Et après ça, comme si ce n'était pas suffisant d'avoir appris ton mariage par le prêtre qui vous a marié illégalement, j'apprends que, toujours en secret, tu as pris contact avec une infirmière en chef pour t'engager. T'ENGAGER COMME INFIRMIERE MILITAIRE ! NOM DE DIEU VOUS VOULEZ TOUS ME FAIRE CREVER DANS CETTE FAMILLE !

- Declan, tu vas te déclencher un saignement de nez, a dit maman en se levant à son tour.

Le regard que lui a jeté papa fut des plus comiques. Un mélange de consternation, de colère et... d'envie de meurtre je crois.

Entre deux mondes - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant