Chapitre 28

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Avachie sur le canapé, j'essayai de ne pas penser à la chaleur étouffante qui avait envahi le cottage d'Elliot. Il y avait une tempête de pluie et de vent qui avait considérablement refroidi l'atmosphère, pas au point de nécessiter un feu de bois mais le chauffage électrique avait brûlé au moment où Blaine avait essayé de l'allumer.

Nous n'avons pas parlé de tout le trajet jusqu'ici. Je regardais de temps à autre mon téléphone avec l'espoir que mon père essaye de me contacter. Plus le temps passait et plus le chagrin m'envahissait.

- Je me sens très fatiguée tout à coup, ai-je dit en appuyant ma tête contre le dossier du divan.

- Moi aussi, a soupiré Blaine. Il y a longtemps que je voulais partir, mais j'aurais voulu que ça se passe différemment, surtout pour ton père et toi, a-t-il dit pensivement. En fait, je n'imaginais pas que mon départ serait aussi fracassant et que tu y serais mêlée, a-t-il rajouté en grimaçant.

- Tu sais, notre relation n'est plus vraiment la même depuis qu'il a quitté ma mère. Je ne suis qu'à moitié surprise par sa réaction.

Je mentais pour faire bonne figure. Je ne m'étais pas du tout attendue à ce qu'il me demande de partir. Qu'il soit fâché peut-être, mais en temps normal, nous serions parti tous les deux pour en discuter.

Pas dupe, il a embrassé ma tempe avant de sortir de nul part qu'il n'aimait pas les chats.

- Et alors ? ai-je demandé en haussant les sourcils.

- Je ne sais pas, a-t-il répondu avant d'éclater de rire.

La scène était totalement absurde tout comme sa récente déclaration mais je me suis pourtant mise à rire à mon tour. Il nous aura fallu un peu plus d'un quart d'heure pour retrouver notre sérieux.

- Pourquoi on riait déjà ? a demandé Blaine en s'essuyant les yeux.

- Tu n'aimes pas les chats. 

Il a confirmé avec plusieurs arguments plutôt convaincant avant d'aller chercher le coffre de sa grand-mère qu'il avait pris soin de ne pas oublier. Il l'a ouvert avec précaution pendant que je caressait les fleurs gravées du bout des doigts. 

- Regarde, des recettes, a-t-il dit en me tendant le plus petit des carnets.

La couverture vertes ne tenait plus que grâce à du papier collant qui maintenait aussi la plupart des pages qui se tournaient avec difficultés. Je le feuilletait en l'effleurant à peine de crainte de l'abimer plus qu'il ne l'était déjà.

- Ta grand-mère cuisinait bien ? ai-je demandé en m'arrêtant sur une recette italienne.

- Non. Elle était bonne pâtissière par contre. 

- Les recettes sont bizarres, tu ne trouves pas ? ai-je demandé en lui rendant le carnet.

Il a jeté un coup d'oeil à la recette d'une Pavlova, perplexe.

- 800 grammes de sucre pour la meringue, 200 grammes de sucres glaces, trois gousses de vanille... C'est une très grosse Pavlova, a-t-il dit en tournant la page. 

- Dinde farcie, ai-je lu par-dessus son épaule. 500 grammes de beurre et 60 cl de crème fraiche pour seulement 300 grammes de chair à saucisse. Et là, regarde, ai-je dit en pointant la recette du tiramisu. La quantité de sucre et de mascarpone est démesurée.

- Je comprends mieux pourquoi on avait des cuisinières, a marmonné Blaine en continuant de parcourir les recettes consignées avec l'écriture élégante de sa grand-mère. 

- Il y a des dates ? Elle avait peut-être très faim quand elle a retranscrit ces recettes.

Blaine n'a pas tout de suite compris ce que je voulais insinuer. Je lui ai alors expliqué que l'un de mes professeurs d'histoire nous avait appris que de nombreux prisonniers enfermés dans les camps de concentration se racontait comment cuisiner tel ou tel plat comme on raconterait une histoire à un enfant avant qu'il ne s'endorme. Beaucoup de ces recettes ont été retrouvées, toutes avec des quantités astronomiques. La faim qui les tenaillait les avait pousser à saliver sur des recettes bien réelle mais totalement improbable. 

Entre deux mondes - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant