Blaine et moi étions plongé dans le récit de sa grand-mère, tant et si bien que j'ai dû retenir un cri quand mon téléphone a sonné.
- C'est ta soeur, ai-je dit sans décrocher.
Nous avions été si absorbés dans les mémoires de Catrina que nous n'avions pas vu passer le temps. Ça faisait des heures que nous étions partis. Maisie et George devait être rentrés et vouloir que nous rentrions pour que nous puissions manger tous ensemble.- J'ai terriblement envie de connaître la suite, a-t-il dit sans bouger.
- Moi aussi, ai-je avoué. Mais nous devrions rentrer. On pourra continuer ce soir.
- Pourquoi faut-il que tu sois toujours si pragmatique.
Je me suis levée en gloussant.
- Rassieds-toi, a-t-il dit en faisant la moue.
Sans crier gare, il a attrapé ma main et m'a fait tomber par terre. Il s'est mis à rire aux éclats. Dans ces rares moments d'insouciance, il avait l'air plus jeune.
- Quoi ? a-t-il demandé en voyant que je l'observais.
- Rien. Je trouve juste que tu es beau.
Son visage c'est illuminé et j'ai aussitôt regretté de l'avoir dit tout haut. J'ai plaqué mes mains contre ma bouche en me mettant dos à lui.
- Non, non, non ! Je veux que tu le répètes, a-t-il dit en riant de plus belle.
J'ai voulu me redresser mais il m'en a empêché en me plaquant au sol.
- Oh n'y pense même pas, ai-je dit en le voyant promener une main menaçante sur mes côtes.
- Alors répète-le, a-t-il dit sévèrement.
- Jamais.
Il s'est alors mis à me chatouiller, se mettant à califourchon sur moi pour m'empêcher de gigoter. J'ai essayé de le repousser en mettant ma main contre sa poitrine, en vain. Il était bien plus fort que moi.
- D'accord, je me rends, je me rends.
- Dis-le.J'ai fait non de la tête ce qui l'a incité à recommencer.
- D'accord, tu es beau, ai-je dit dans un cri.
- Excuse-moi, je n'ai pas bien entendu.
- Tu es beau !
Il s'est enfin arrêté. Appuyé sur ses deux mains, il a approché son visage du mien et j'ai cru qu'il allait m'embrasser mais à la place il a posé son front contre le mien.
- Je sais, a-t-il dit en souriant bêtement.
- Vantard, ai-je répondu en posant une main sur sa joue.
Ce n'était pas tout à fait vrai. Blaine n'ignorait pas qu'il était un bel homme, mais il n'en jouait pas spécialement. Du moins je m'en rendais compte maintenant qu'il m'avait laissé voir la profondeur de son esprit tourmenté.
- Toi aussi tu es belle, a-t-il murmuré dans le creux de mon cou.
Il a un peu relevé la tête, se rendant compte qu'il m'avait mise mal à l'aise.
- Je sais que je te l'ai déjà dit et je sais aussi que tu n'aimes pas l'entendre mais c'est vrai. Tu devrais pouvoir voir ta propre valeur. Quand tu arriveras à la voir, tu vivras enfin pour toi Catherine.
- Qu'est-ce que tu veux dire ?
Il s'est remis à califourchon sur mon ventre, ses jambes supportant le plus gros de son poids. Je l'ai vu hésiter, chercher ses mots avec précautions et j'ai su à l'instant où il a ouvert la bouche que je n'allais pas aimer sa réponse.
- Tu es une fille intelligente, c'est indéniable, mais je ne crois pas que ce soit ta plus grande qualité.
J'ai haussé un sourcil interrogateur.
- Ça te fait tout théoriser. Absolument tout. Tu ne fais jamais rien de façon spontanée. Non, tu pèses le pour, le contre, tu envisages les conséquences sur dix ans et au final tu ne fais rien. Tu restes bloquée dans ton petit monde. Tu dis que tu n'arrives pas à avancer mais c'est toi qui t'empêches de le faire. Tu as tellement besoin d'envisager les choses et surtout d'envisager le pire que tu finis toujours par te tirer une balle dans le pied toute seule. J'ai une grande nouvelle pour toi Catherine, ton passé, tes erreurs, tes souffrances, tes années perdues, rien de tout ça ne peut définir qui tu es et tout ce que tu peux accomplir. Il y a toute une vie là qui n'attend que toi.
Il s'est arrêter pour jauger ma réaction. Voyant que je ne disais rien, il a continué.- Tu vas seulement avoir vingt-et-un ans et quand je te vois j'ai l'impression que tu es née en ayant déjà soixante ans, que tu portes les préjugés, les pensées limitantes et les erreurs de ton entourage sur tes épaules en plus de tes propres échecs et de tes préjugés envers toi-même. Dans toutes tes actions, je te vois te juger, même dans quelque chose d'aussi simple que de lire un journal intime. Ce n'est pas parce que tu ne sors pas d'une grande école ou que ton projet de vie a dévié du chemin tout tracé que tu avais planifié que tu ne vaux rien. N'importe qui peut avoir un morceau de papier d'un établissement prestigieux, ça ne fait pas de lui quelqu'un de bien. Tout le monde fait des erreurs mais ce n'est pas important, l'important, c'est ce que tu vas faire de cet échec pour devenir la meilleure version de toi-même.
J'ai baissé les yeux en me retenant de lui dire quelque chose de désagréable juste pour le plaisir de le blesser. Ça aurait été injuste de faire ça alors qu'il avait juste voulu être honnête avec moi. Aussi parce qu'il ne le faisait pas avec l'intention de me faire du mal. Ce n'était tout de même pas agréable à entendre. La vérité l'est rarement.
- Catherine, a-t-il murmuré en caressant ma joue du bouts de ses doigts froids. Tu passes ton temps à réfléchir au lieu d'exister. Contente-toi de respirer. Contente-toi de vivre. Arrête d'être ton ennemie.
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Entre deux mondes - Tome 1
RomanceEntre l'Irlande et l'Ecosse, l'amour naissant de Catherine et Blaine se doit d'être secret. En effet, le père de Catherine s'est remarié avec la mère de Blaine et s'ils ne partagent pas le même sang, ils ont peur du scandale que cela pourrait provoq...