03 septembre 1939
J'étais en train d'aider maman à nettoyer les légumes du jardin quand nous avons entendu l'annonce à la radio. Aujourd'hui, à onze heures du matin, le Royaume-Uni est entré en guerre contre l'Allemagne à la suite de l'invasion allemande en Pologne le 1er septembre.
Ce que nous craignions tous est arrivé.
Maman et moi nous sommes regardées avec effroi, ne sachant que dire.
- Que devons-nous faire ? a finalement demandé maman.
Je l'ai bien observé et j'ai constaté qu'elle semblait avoir vieilli encore un peu plus qu'après l'enterrement de grand-père.
J'avais envie de lui répondre quelque chose de rassurant. Que ça ne durerait pas, que c'était moins grave que ce qu'en disait les hommes du village, que Iain serait suffisamment raisonnable pour ne plus penser à s'engager.
Mais je sentais au fond de moi que rien de tout ça n'était vrai. Que notre pays ne reculerait pas. Il était trop tard maintenant. La déclaration de guerre a été annoncée à la BBC et la France aussi a déclaré la guerre aux Allemands ainsi que l'Australie et la Nouvelle-Zélande.
Papa a dit à plusieurs reprise que nous pourrions enrayer cette guerre si nous arrêtions de souffler sur les étincelles qui nous menaçaient pour en faire du feu mais si nous commencions à essayer de l'éteindre. Nous n'en avons rien fait. Personne. Nous avons laissé l'Allemagne suffoquer et maintenant elle veut de nouveau prouver sa grandeur. Mais à quel prix ?Que faire ? Rien. Continuer à vivre le plus normalement possible, même si l'atmosphère est tendu, même si la menace d'une invasion pèse sur la tête de chaque citoyen du pays, même si les hommes de notre famille, du voisinage, que l'on connait depuis toujours sont appelés à aller se battre et à ne jamais revenir. Ou pire encore, peut-être reviendront-ils, mais seront-ils toujours des hommes ou uniquement des ombres ?
Finalement, j'ai répondu la chose la plus banale et réaliste à ce moment précis.
- Continuer à nettoyer les carottes.
J'ai repris ma tâche et maman m'a imitée. Quand j'ai eu fini de découper en petit morceau les fraises qui allaient servir à faire des confitures, je suis sortie rejoindre mon père pour lui annoncer la nouvelle.- Nous nous y attendions, s'est-il contenté de dire en continuant de nettoyer l'étable.
J'espérais pouvoir avoir ses impressions, ses inquiétudes même ne serait-ce que pour apaiser les miennes. Mais c'était sans compter sur le mutisme de papa. Rien que par sa gestuelle, j'ai compris qu'il valait mieux ne pas insister.
- Où sont Domhnall et Iain ? ai-je demandé à la place.
- Domhnall s'occupe de la porcherie et Iain est partit vendre nos œufs aux habitués qui ne savent plus se déplacer jusqu'ici. Madame Claude en fait partie maintenant, a-t-il dit en essuyant la sueur qui perlait sur son front.
Mes parents, qui avaient le cœur sur la main, avait pris sur eux de continuer d'apporter les œufs frais aux vieilles personnes qui leurs avaient toujours été fidèles mais qui aujourd'hui ne pouvait plus parcourir la distance de leur habitation jusqu'à chez nous. C'était toujours l'un de mes frères qui s'occupait de ça.
- Madame Claude ? J'ai été la voir vendredi après mon travail et elle allait bien.
- Elle est tombée il y a deux jours. Elle dépoussiérait une étagère, perchée sur une chaise, elle a glissé et pouf ! Une cheville fracturée, a-t-il répondu sans s'émouvoir outre mesure du sort de la pauvre vieille.
VOUS LISEZ
Entre deux mondes - Tome 1
RomantizmEntre l'Irlande et l'Ecosse, l'amour naissant de Catherine et Blaine se doit d'être secret. En effet, le père de Catherine s'est remarié avec la mère de Blaine et s'ils ne partagent pas le même sang, ils ont peur du scandale que cela pourrait provoq...