Chapitre 12

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-Comment ça il ne se soignera pas ? qu'est ce que tu veux dire ?

Il part s'asseoir sur le banc et se met à souffler tout en regardant le sol. Je le suis et fait de même, ne le quittant pas des yeux et attendant d'obtenir une moindre réponse de sa part.

-Ça a commencé quand j'avais douze ans. J'étais un garçon assez compliqué et rebelle pour mon âge. Mais ça n'empêchait pas mon bon niveau scolaire, je faisais parti des têtes de classes dès la primaire. Je crois même que ma moyenne la plus basse était de quinze et demi.

Sa respiration se fait de plus en plus saccadée, et ses mains commencent à trembler. Afin de le calmer un minimum, je pose l'une des miennes sur ses doigts gelés et le regarde d'un air qui se veut être rassurant. Il reprend après avoir souffler un bon coup tout en observant l'horizon.

-Quelques mois après la rentrée de septembre en cinquième, j'ai... commencé à avoir quelques symptômes.

-Quels sortes de symptômes ? demande-je d'une voix douce.

-J'étais de plus en plus fatigué pour rien, c'était très difficile de suivre les cours ; ce qui faisais chuter mes notes. Et j'avais une toux tellement sèche que je n'arrivais pas à reprendre mon souffle. Au départ avec mon père on pensait que c'était juste une bronchite. Mais... quand on a remarqué ma perte d'appétit, et mon poids qui se dégradait de semaine en semaine, nous sommes très vite allés voir notre médecin, il nous a orienté vers un pneumologue. Rien qu'à partir de là, je savais qu'il y avait quelque chose, que ce n'était pas rien. J'avais comme un... pressentiment.

Il marque une pause, toujours les yeux rivés sur la vue de la ville et fini par les détourner vers moi. Il est vide, son regard est vide. Pas une seule trace de larme, aucun signe de peur. Non, il reste de marbre. Et pour être honnête, cela m'effraie légèrement. Il pace son bras derrière mes épaules et continue son récit :

-Après de nombreux examen comme, des prises de sangs, une radio ou encore un scanner, ils ont finalement trouvé un début de tumeur au centre d'un poumon. Un médecin oncologue m'a prescrit une chimiothérapie. Je l'ai accepté, mais il y a un peu moins d'un an... j'ai finalement demandé à l'arrêter.

Et c'est là, suite à ces mots, que j'ai compris. Je ferme les yeux et essaie de me concentrer sur la suite de son histoire :

-Ça fait cinq ans que mon père a arrêté de se déplacer pour son travail, à cause de ma maladie. Claire a surement dû te dire que nous sommes là depuis plus d'un an.

Je ne réponds rien, je hoche simplement la tête pour confirmer.

-C'est faux. Elle t'a seulement dit ça pour cacher la vérité. Ce n'est pas méchant, mais elle n'a jamais accepté que son demi-frère soit atteint d'une maladie et que d'un moment à l'autre je peux disparaître. Elle a peur.

Mais ce qu'il vient de m'avouer, ne me fait aucun effet comparé et ce qu'il a choisi. Tout un mélange d'émotion s'embrouille dans ma tête, à la fois en colère, triste, déçu et angoissée. Je me lève d'un bond et me positionne dos à lui.

-Anna ? ça va ?

Je le sens se mettre debout à son tour, ses pas s'approchent doucement de moi et son souffle s'abat sur ma nuque découverte.

-Anna...

Je me tourne immédiatement vers lui. Je constate son air inquiet à la vue de mon visage crispé par la déception et mes pupilles brouillées par mes larmes.

-Non ! ce n'est pas ton cancer qui ne peut pas se soigner Dylan, c'est toi qui ne veux plus le soigner ! c'est toi qui a décidé de stopper le traitement. Ton cancer est toujours là. Lui signale-je en pointant son torse du doigt.

-Mon cancer sera présent avec ou sans traitement Anna. Et je refuse de continuer à vivre avec des putains de trucs chimiques que l'on me perfuse dans le corps !

D'un autre côté je le comprend, c'est sa maladie, c'est son choix. Mais j'ai tellement peur de le perdre, peur de voir une troisième personne à qui je tenais disparaître alors que je ne pouvais rien faire.

-J'ai peur Dylan. Je... je ne veux pas que tu partes. Pas toi. J'ai perdu mon frère, j'ai perdu mon père... il est hors de question que je te perde toi aussi. Ça ne fait que quelques semaines qu'on se connait, mais même t'imaginer t'éteindre comme ça... je ne peux pas, c'est trop dur.

Voilà, les gouttelettes salées qui dévalent mes pommettes se multiplient et s'intensifient. Je ne les retiens plus, je ne les retiens pas. Les gens auront beau dire que Dylan et moi nous sommes rencontrés il y a à peine un mois, je me suis attachée à lui plus que je ne l'aurai du.

-Viens là...

Sa main sur mon épaule m'attire dans ses bras et me serre fort contre lui. Son habituel parfum au musc blanc, dans quelques mois, dans quelques semaines, ou dans quelques jours... je ne le sentirai plus. Ses yeux verts, qui parfois veulent me dire d'aller me faire voir, vont me manquer. Ses lèvres qui forment un rictus pour m'embêter, ou encore son petit air chiant et énervé qu'il fait lorsque j'ai raison, bientôt tout ça je n'en rirais plus...

-Je te promet qu'on ne se quittera pas, que ce soit maintenant ou après que cette maladie m'emportera, nous serons toujours ensemble. Me chuchote-t-il. Je me suis lié à toi, jamais je ne l'ai fait auparavant.

Il arrête de parler, je lève ma tête et la pose sur son épaule, il baisse la sienne et ancre son regard dans le mien. Nous nous embrassons, puis fixons tous les deux le paysage, toujours enlacés l'un à l'autre. A partir de maintenant, je compte bien profiter de chaque instant avec lui, je ne le laisserai pas partir sans que nous ayons vécu tout ce que l'on devait vivre.

Dylan Lopes... mon impossible.

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