À Patricia, pour l'élan donné en réponse à quelques mots jetés sur la toile. Pour avoir créé avec moi un univers et des personnages dont je ne connaissais encore rien. Merci ma sœur de cœur pour cette extraordinaire expérience d'écriture à quatre mains. J'ai tant appris !
À Mar, pour le Dragonnier d'Ouzo, refuge fabuleux, et pour la filandre. On n'est pas des arbres. :)Nasha+
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J'entame mon deuxième tour de Saint Paul d'un pas rapide. Depuis mon arrivée avec Liane avant-hier, je tourne en rond comme une lionne en cage. Les montagnes imbéciles m'encerclent, splendides et muettes. Même descendre près de l'Ubaye et la regarder couler ne m'apaise plus. Au milieu des arbres roux, je rage : « S'il n'a pas appelé d'ici ce soir, je pars ! ». Ma voix résonne étrangement dans l'air trop doux d'octobre. Je me sens idiote. Je n'entends que le bruit de mes pas sur l'asphalte usé, et, plus loin, le tintement des cloches des vaches. Le décor me semble en si grand décalage avec mon sentiment intérieur ! J'ai envie de hurler.
Pourtant, ce matin, j'étais à deux doigts de partir. Julie m'a convaincue de patienter un peu plus.
- Tu sais, parfois Nicolas n'arrive à téléphoner que tous les deux jours...
- Mais ça fait déjà deux jours !
- Pas encore. Il appellera sûrement ce soir ! Attends encore un peu.
J'ai regardé ma sœur, ses épaules tendues qui trahissaient son anxiété. Son regard m'a radoucie, et je l'ai enlacée. Le nez dans ses cheveux bouclés, j'ai soufflé :
- Je suis désolée, Ju. Je sais que tu t'inquiètes pour lui. Je n'en peux simplement plus d'attendre !
- Je comprends, sœurette. Viens, on va faire de la pizza pour midi ? Et ça déridera peut-être un brin Liane.
J'ai soupiré, souri un peu, puis j'ai maltraité la pâte pour oublier mon angoisse.
Mais là, ça déborde. Je n'en peux plus de ne rien faire, alors que je n'ai aucune nouvelle de ma famille. Les larmes me montent aux yeux. Je les essuie rageusement.
J'arrive à l'endroit où mon téléphone capte, lorsque le réseau le veut bien. J'essaie de contacter Juan, mais je tombe de suite sur son répondeur. Ce n'est que la cinquième fois aujourd'hui... Je ne peux pas laisser de message, la mémoire est saturée depuis longtemps.
Le réseau tient le coup, alors j'appelle Frédéric. Il décroche à la deuxième sonnerie.
- Ma Suzie.
Sa voix ne questionne pas, elle porte une certitude douce et j'ai presque la sensation de ses mains sur mes épaules. Je m'immobilise. Pour la première fois depuis que j'ai fermé le coffre de ma voiture à Gap, mon corps prend une grande inspiration.
Je l'entends sourire. Puis il demande :
- Alors ?
Je grimace.
- Toujours rien. Nicolas doit appeler pour nous dire s'il a pu les rejoindre, mais il n'a pas donné de nouvelles depuis que je l'ai eu au téléphone vendredi. Je meurs d'angoisse. Je vais bientôt partir à leur recherche.
Je sens une hésitation de la part de Frédéric, puis il soupire.
- D'accord. Je comprends. Si tu passes par Gap, viens me voir, j'ai trouvé de l'essence pour ton retour.
- Tu as de l'essence ?! Mais, comment tu as fait ? Ça va à Gap ? Est-ce que ça s'est calmé ?! Comment vont les Chardons ?...
- Ça a été com... fhrhhhuriiii... verra bient.... etjjgri.... à toi.... tejgoeogjo.
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Chroniques d'un monde qui s'effondre
General FictionRoman d'anticipation de l'effondrement de la civilisation thermo-industrielle. Deux histoires se mêlent et se rejoignent : la vie de Suzie et ses proches dans notre monde moderne, et la vie de l'Enclave, communauté montagnarde de 300 personnes 30 an...