Mardi 23 avril 2019
Ce soir, je regarde les actualités sur Facebook. De nombreuses informations défilent sur le petit écran. Il y a les appels aux dons pour la reconstruction de la cathédrale Notre Dame de Paris suite à son spectaculaire et triste incendie, et les polémiques à cause des dons faramineux des plus grandes fortunes de France, alors que ces personnes pratiquent l'évasion fiscale à grande échelle.
Il y a 2030 citoyens qui ont bloqué 4 tours du quartier de la Défense, le quartier financier de Paris, en protestation contre l'inaction des élites concernant le changement climatique. Il y a un article qui annonce que pour la première fois, les tortues luths ne sont pas venues pondre sur les plages du Nicaragua...
Et tout cela côtoie des recettes de cuisine, des bandes annonces de films, des blagues, des débats...
Comment les humains de demain comprendrons ce foutoir joyeux et désespérant à la fois qu'était un réseau social numérique ?
J'ai manqué de motivation pour écrire ces derniers jours, naviguant entre culpabilité, fatigue, engouement et contraintes.
Ce qui m'a remis le pied à l'étrier fut comme toujours d'imaginer les réactions de la personne qui me lira peut être, dans quelques décennies.
Alors bien sûr, c'est un peu vaniteux, de vouloir être trouvée et lue. Et je sais que tant de choses peuvent se passer.
Que je peux arrêter d'écrire, que je peux égarer mon carnet, qu'il peut être détruit de nombreuses façons, qu'il peut surtout rester à dormir dans une bibliothèque ou un coffre, sans intéresser jamais personne.
Peut être aussi qu'il n'y a personne pour le lire.
Mais peut être qu'il y a quelqu'un, et que ces quelques mots sont comme un trait envoyé à travers le temps. J'ai en tête l'image d'une flèche attachée à une corde, permettant une évasion ou une communication.
S'il y a bien quelqu'un, si je ne suis pas seule, comment donc cette personne ressent-elle mes modestes traces ?
Peut être que les gens d'alors sont furieux contre ma génération, qui a encore le pouvoir de limiter la casse à défaut de pouvoir échapper au désastre, mais qui pourtant ne fait rien collectivement, à grande échelle.
Peut être qu'ils ne perçoivent pas à quel point nous avons actuellement un rôle décisif à jouer, rôle que la plupart d'entre nous rechigne à endosser.
Parce que partir en vacances dans un autre pays, c'est cool. Parce que l'avion coûte souvent bien moins cher que le train. Parce que rares sont les personnes avec un désir d'enfant capables d'y renoncer ou de le réduire. Parce qu'il est si facile et agréable de manger de la viande à tous les repas. Parce qu'organiser sa vie sans voiture, c'est tellement et réellement compliqué pour la majorité des gens, qui sont contraints de vendre leur temps de vie en échange d'un salaire pour pouvoir vivre et satisfaire leurs besoins de base.
Parce que cela demande tellement d'énergie d'aller à contre courant. Parce que la transition est complexe et difficile à organiser.
Parce que le découragement pointe aisément face aux catastrophes constatées ou annoncées à chaque coin de la planète, et lue en direct sur Internet.
Et il y a des milliers de raisons, des milliards. Autant que les 7 milliards 700 millions d'humains sur la planète.
Hum, je rectifie mon raisonnement de riche occidentale... Autant que les quelques milliards d'humains qui vivent au delà des capacités de régénération de notre planète. Une grosse partie de la population mondiale, malgré toutes nos richesses, vit dans le plus extrême dénuement.
Des scientifiques calculent chaque année le jour du dépassement. Le jour où l'humanité a dépensé plus de ressources que la planète n'en génère en une année.
En 1985, c'était le 19 décembre. En 2009 le 25 septembre. En 2016, le 8 août. Et chaque année, nous vivons de plus en plus à crédit.
Combien de temps cela peut-il donc durer ?
Les personnes qui, comme moi, se renseigne sur tout cela, oscillent entre deux postures. La posture "mais pour ma sécurité et celle des gens que j'aime, pourvu que ça tienne le plus longtemps possible !" et son contraire "mais pour notre espèce et toutes les autres actuelles, pour notre biodiversité et nos minces chances de survie, pourvu que notre civilisation s'effondre le plus tôt possible !"
Un schisme aliénant.
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Chroniques d'un monde qui s'effondre
General FictionRoman d'anticipation de l'effondrement de la civilisation thermo-industrielle. Deux histoires se mêlent et se rejoignent : la vie de Suzie et ses proches dans notre monde moderne, et la vie de l'Enclave, communauté montagnarde de 300 personnes 30 an...