Chapitre 1/ Une triste nouvelle

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Trois semaines plus tôt...

La sonnerie du lycée se mit à retentir d'un son frénétique presque assourdissant. 16 heures. Aussitôt, les élèves qui avaient fini les cours se précipitèrent vers la sortie de l'établissement sous les regards envieux des autres élèves. Certains rentrèrent en courant comme si la police les poursuivait ; d'autres s'arrêtèrent devant la grille pour parler avec leurs copains qui les attendaient.

- Attends-moi ! Cria Gabriel en essayant de rejoindre son meilleur ami qui filait devant.

- Enfin les vacances ! lui répondit Harry en se retournant.

- Oui. Enfin ! Il était temps, acquiesça Gabriel sans laisser transparaître la moindre joie.

D'un naturel réservé, le jeune garçon était brillant et intelligent. Le "genre" premier de la classe, qui pouvait avoir les meilleures notes sans ouvrir un seul cahier. Il détestait les activités physiques, préférant les activités cérébrales. Courir ce n'était pas pour lui, les sports collectifs non plus. Avec son apparence mince, il n'avait rien d'un athlète. Mais, derrière ses yeux marrons se cachait un être profond et doué.

Harry, lui, était l'opposé. Sportif et costaud, il excellait dans de nombreux sports : natation, ski, tennis entre autres. Et comme si cela ne suffisait pas, il allait régulièrement à la salle de sport. Il aimait son corps : yeux bleus, début de barbe, regard vif et pétillant, il avait tout du beau gosse.

Arrivés chez Harry, les deux garçons se dépêchèrent de jeter leurs cahiers d'école dans la grande poubelle de l'immeuble. Ils allumèrent aussitôt la console, posée sur le bureau près du lit. Les parties de foot s'enchaînèrent jusqu'au moment où le téléphone de Gabriel retentit. Sa mère était venue le chercher.

- On se voir demain, lança harry.

- Compte sur moi; répondit Gabriel en enfilant sa veste.

- 10h comme d'hab ?

- Yes.

. À peine sorti de l'immeuble, il aperçut Frida, sa mère qui stationnait à l'autre bout de la rue dans sa voiture. Il entra et se tourna vers elle pour la saluer. Il ne lui fallut qu'un seul regard pour comprendre que quelque chose clochait. Comme à chaque fois qu'elle devait lui annoncer une triste nouvelle, son genou droit se mit à trembler alors que sa main tentait vainement de le bloquer. Son visage pâle s'orientait vers la vitre de la voiture pour le cacher à Gabriel.

- Qu'est-ce qui se passe maman ?

- Rien. T'inquiète. Juste un mauvais jour.

Il connaissait sa mère par cœur ; il savait qu'il était inutile de la forcer. C'était une femme de caractère qui s'énervait pour un rien. Depuis des années, sa vie n'était qu'une série d'échecs et de malheurs. Après un divorce et un avortement, elle venait de perdre une promotion à son travail. Elle s'était repliée sur elle-même et était souvent en proie à la tristesse. Lorsqu'elle souriait, c'était uniquement pour faire plaisir à son fils.

Heureusement, elle s'était remariée et vivait en compagnie de John, un homme qui avait réussi à la séduire dès leur première rencontre.

Contrairement à elle, John était quelqu'un de très extraverti et joyeux. Il aimait le contact avec les autres et souriait dès que l'occasion s'offrait à lui. Sa vie se résumait à cette phrase qu'il avait tatouée sur son avant-bras : "Vis ta vie comme si chaque jour était le dernier".

Ils restèrent silencieux dans la voiture. Le soir aussi. Un silence lourd et oppressant régna à table. Seul John, comme à son accoutumée, essaya de les divertir. Il se mit à raconter des blagues. En vain ; Frida resta impassible.

Gabriel fut réveillé le jour suivant par des bruits provenant de la cuisine. Sa mère chuchotait dans la pièce à côté en parlan à John. Il était difficile de comprendre ce qu'elle murmurait mais en s'approchant de la porte, il entendit cette phrase : "Tu dois lui annoncer".

Il eut à peine le temps de réagir, que Frida entra dans sa chambre. Elle avait le visage des mauvais jours, comme très souvent. Elle s'approcha de son lit sans dire le moindre mot. Elle le regarda droit dans les yeux et prit une grande inspiration avant de parler. Il remarqua que des larmes coulaient sur sa joue.

- Gabriel, j'ai quelque chose à te dire. Ton père biologique est mort à Prague le week-end dernier. Il t'a laissé tous ses biens. Il a demandé avant sa mort à ce que tu les récupères en personne.

Gabriel sentit ses jambes vaciller comme si l'annonce de cette nouvelle les avait paralysées. Cela faisait tellement longtemps que sa mère ne l'avait pas mentionné qu'il en avait perdu les souvenirs.

- Qu'est-ce qu'il s'est passé ? reprit-il après un long silence de sa part.

- Je n'en sait rien. Les policiers ne veulent pas me le dire.

- Il est mort quand ?

- La semaine dernière. Je sais que c'est terrible mais si tu as besoin de quoi que ce soit, je suis là.

- Merci, maman.

Ses parents s'étaient séparés alors qu'il avait trois ans, son père étant parti sans donner aucune nouvelle. En revanche, il y avait une chose qui n'avait pas changé au cours des années. Depuis son départ, le père de Gabriel envoyait chaque année un roman policier à son fils, le jour de son anniversaire. Cette habitude était restée dans la famille. Il lui réservait toujours les plus grands classiques qu'il avait lui-même lu quand il était plus jeune. C'était de là que sa passion pour les livres et notamment les enquêtes était apparue. Il se rappelait encore le jour où il avait lu son tout premier roman policier, que son père lui avait offert. Le roman s'intitulait "mort sur le nil" d'Agatha Christie. Depuis ce jour, il attendait chaque année avec impatience l'arrivée d'un nouveau roman. Mais aux dires de son entourage, son départ était une bonne chose pour la famille à cause de son mauvais caractère et de son comportement. Selon les rumeurs, il était parti rejoindre une femme en Allemagne et avait entamé une nouvelle vie là-bas, sans prévenir personne.

Gabriel n'avait aucun souvenir de lui, aucun visage à associer, mais sa mort l'attrista terriblement. Il sentait qu'une partie de lui s'était éteinte, celle qui espérait connaître un jour son père.

La veille du départ arriva rapidement. Un silence oppressant s'installa au dîner. Même John, habituellement jovial, semblait pensif.

- Chérie, tu nous as bien trouvé un logement ? finit-il par dire à défaut d'une blague.

- Apparemment il y a une maison inhabitée depuis quelque temps où nous pourrions nous installer. J'ai contacté l'agence qui la loue. Le propriétaire est décédé depuis peu. Ils peuvent nous la louer à un prix raisonnable.

- Tu n'as rien trouvé d'autre ?

- Non, rien par rapport à notre budget. Les hôtels coûtent trop chers à cette période de l'année. De toute façon, ça ne devrait pas prendre plus d'une semaine. Deux au maximum.

John ne répondit pas. Son silence ressemblait à un consentement.

La soirée toucha à sa fin et chacun monta se coucher dans sa chambre. Frida et John s'endormirent paisiblement pendant que Gabriel, emmitouflé sous sa couverture, était anxieux. Son inquiétude se manifestait par des vertiges qui l'empêchaient de trouver le sommeil. La nouvelle qu'il avait reçue était arrivée trop brutalement. Mais cette inquiétude n'était rien, comparé à ce qui les attendait... 

le mystère des croix rouges (en autoedition)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant