Mission Ferrari // Max Verstappen

1. un café - janvier 2021

Max Verstappen est un homme d'habitudes. Il commence ses journées par un footing léger dans les rues de Monaco. Il emprunte toujours le même parcours. Et quand il en a fini, il s'offre un café à l'emporter dans le kiosque qui jouxte son immeuble. Il retrouve son appartement en sueur pour enchaîner avec une séance d'exercices physiques. Le but est de muscler sa large nuque. Puisqu'il n'a aucune notion de cuisine, il sort ensuite déjeuner au volant de l'une de ses Aston Martin. L'idée de conduire en public l'effraie. Il évite à tout prix la Place du Casino où s'amassent les amateurs de voitures de collection. L'après-midi, il passe des heures sur son simulateur. Il joue en ligne avec les pilotes de Formule 1 qui sont devenus ses amis. Il lui arrive de sortir quand la nuit tombe, mais il préfère rester cloîtré chez lui que de se trémousser sur les pistes de danse.

Cette routine trahit un certain ennui. Il y a encore quelques mois, c'était Kelly Piquet - sa petite amie - qui décidait de presque tout. La Brésilienne rythmait ses journées. Ce n'était pas pour déplaire au Néerlandais qui a toutes les peines du monde à sortir des sentiers battus. Désormais célibataire, il se replie sur lui-même. Puisqu'il a perdu celle avec qui il a longtemps pensé finir sa vie, il se concentre sur le championnat du monde à venir. Plus affuté que jamais, il prend son mal en patience. Bientôt, il retrouvera sa monoplace. Celle qui, il l'espère, le conduira à son premier titre.

Les hommes qui suivent une routine sont les plus faciles à piéger. Sofia Cacciola n'a eu besoin que d'une petite semaine pour établir très précisément le déroulement des journées de Max Verstappen. Elle l'a observé pendant des heures. Quand il faisait son footing chaque matin, la jeune femme n'était jamais loin. Elle s'est ensuite créée un compte Twitch pour suivre les péripéties de sa cible en ligne. Et le soir, quand il daignait sortir le nez de son appartement, elle était là elle aussi. 

Pour ne pas attirer l'attention, elle s'est forcée à porter du noir et à ne pas s'apprêter. Son physique attire généralement les regards. Mais à Monaco, là où les femmes ne sortent pas sans s'être pomponnées, elle passe pratiquement inaperçue. Ce n'est pas sa première filature. En Italie, là d'où elle vient, Sofia a déjà travaillé pour des clubs de football ou des politiciens véreux. Elle s'est fait un nom que seuls les initiés connaissent. Ce mandat - celui qui doit l'amener à faire tomber un pilote de Formule 1 - est le plus gros qu'elle ait jamais décroché. Il pourrait lui rapporter énormément d'argent. De quoi profiter d'une vie paisible loin des manigances et de l'illégalité.

Assise sur la terrasse d'un café de la Principauté, Sofia profite d'une pause. Elle s'est offert un cappuccino. Si ses calculs sont bons, Max devrait rentrer de son footing dans exactement dix minutes. Emmitouflée dans un manteau d'hiver gris, elle prétend lire le journal. La Gazzetta dello Sport. Elle sourit discrètement en voyant la première page: un attaquant de l'AC Milan s'est fait arrêter à la douane en possession de cocaïne. Une nouvelle surprenante puisque le joueur a toujours été irréprochable. Il a même hérité du brassard pendant que son capitaine de longue date se remettait d'une rupture des ligaments croisés. La jeune femme parcourt l'article. Elle reconnait les méthodes d'une ancienne amie. Elle aimerait lui envoyer un message pour la féliciter mais elle ne s'y risque pas.

Le cappuccino refroidit. Sofia ne le finira pas. Elle remet ses lunettes pour se protéger du timide soleil qui pointe le bout de son nez entre les immeubles de la Principauté. Elle jette un coup d'œil à sa montre. Vient l'heure du passage de Max. Le Néerlandais est ponctuel. Il remonte en courant l'allée qui conduit au petit kiosque. Une fois n'est pas coutume, il ne porte pas de casquette. Ses cheveux en bataille sont humides. La peau de son visage s'est teintée de rouge. Ses yeux bleus trahissent une certaine fatigue. Sofia veut bien admettre qu'il est plutôt attirant ce matin. Elle réprime une grimace.

Elle continue de l'observer discrètement. Le jeune homme se dirige vers le comptoir pour commander un café à l'emporter. Noir, sans sucre et sans crème. C'est comme ça qu'il les aime. Elle n'est pas étonnée en constatant qu'il ne sourit pas. On l'avait prévenue: Max est du genre taciturne. Elle aimerait ajouter qu'il a aussi l'air d'être suffisant. Comme si la femme qui était en train de préparer son café n'était pas assez bien pour lui. Sofia méprise son attitude et se promet de lui faire regretter son comportement.