•Chapitre 4•

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Je fais les cent pas devant la porte de l'ancien bureau de mon père, là où siège maintenant ma mère. Mon agitation trahit l'incertitude qui m'étreint. C'est comme si j'avais été convoquée par le directeur de mon lycée après avoir séché les cours.

C'est ainsi que je perçois ma mère, en fin de compte, comme la directrice de cette maison qui vient nous réprimander lorsque nous avons fait quelque chose qui ne devrait pas être fait.

Toc. Toc. Toc.

« Bonjour, Marianne », lâché-je en ouvrant la porte d'un geste sûr.

Ma mère, qui était dos à moi lorsque j'entre, se retourne pour me faire face. Je la vois arborer son air assuré, cette assurance que je connais si bien. Elle relève le menton, la tête haute, et esquisse un faible sourire avant de me scruter de haut en bas.

« Charlène, dit-elle, comme si ma présence la prenait au dépourvu. Bonjour. »

Face à elle, je me sens soudainement comme une enfant de cinq ans, impuissante face à tout ce qui pourrait arriver. Elle est maître de la situation et du déroulement des prochaines minutes, et cela me terrifie.

Je m'efforce néanmoins de ne pas me laisser impressionner par elle, ou du moins, de ne pas le laisser transparaître. Je m'approche et tire le fauteuil en velours placé en face de son bureau, avant de m'asseoir nonchalamment en croisant les jambes. Je soutiens son regard et lui rends son sourire méprisant.

« Vous vouliez me voir, maman », je déclare avec assurance.

Elle s'assoit à son tour sur la chaise de son bureau, en face de moi. Ses bras croisés, elle se rapproche légèrement, seul son bureau nous séparant.

« Eh bien, commence-t-elle en se raclant la gorge, après avoir vu une inconnue comme toi débarquer au château et s'installer dans l'une des chambres, j'ai pensé qu'il était important que nous ayons une petite discussion. Je pense que c'est nécessaire. »

Je redresse la tête, levant et baissant les yeux sur elle pour la défier. Elle détestait ce genre d'attitude autrefois, et je suis curieuse de savoir si c'est toujours le cas.

« Vous m'avez manqué, maman », lâché-je avec désinvolture.

Je me moque littéralement d'elle, elle le sait, et elle le déteste. Personne ne contredit jamais Marianne, personne ne lui fait face comme je le fais maintenant.

Après toutes ces années d'absence, je suis fatiguée de la laisser me piétiner. La roue doit tourner à un moment donné, et si elle ne le fait pas d'elle-même, alors ce sera à moi de le faire.

« Bon sang, Charlène ! s'exclame-t-elle en se levant brusquement, les bras appuyés sur son bureau. Peux-tu me dire ce que tu fais ici ? »

Je frémis légèrement en la voyant presque me sauter dessus, prête à riposter. Mais je me ravise aussitôt, optant pour un ton plus calme que le sien.

« Je suis là pour Jeanne », je déclare finalement d'une voix douce.

Elle éclate alors d'un rire sarcastique, comme si mes propos étaient absurdes. J'écarquille les yeux, déconcertée par son comportement.

« Tu n'étais pas là lors du décès de mon père, argumente-t-elle. Ni lorsque ton cousin Louis et sa femme se sont mariés il y a trois ans. Ils ont tout de même été très aimables de te convier après ce que tu nous as fait, Charlène.

- Ce que j'ai fait, mère ? répliqué-je. Expliquez-moi donc ce que j'ai fait. »

Je me lève, prête à lui sauter dessus et à la confronter. Je me sens insultée et rabaissée par ses paroles. Elle ne réalise pas l'effort que cela a été pour moi de revenir ici.

Noble cause.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant