•Chapitre 35•

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Je n'ai pas réussi à sortir de mon lit ce matin.

J'étais réveillée, mais il m'était impossible de bouger. Comme si ma couverture était devenue un poids insurmontable, une métaphore tangible de mon stress et de mes tourments.

J'ai trop pensé cette nuit. Les heures s'écoulaient sans que je puisse trouver le sommeil, tournant et retournant dans mon lit à la recherche d'une position qui apaiserait mes pensées tourmentées. Mais en vain.

Le visage de Marianne se dessinait à chaque fois que je fermais les yeux. Tantôt avec un couteau, figurant la culpabilité dans la mort d'Elisa et de mon père, tantôt avec un regard dur envers Jeanne. Mes pensées s'égaraient dans des scénarios sombres et angoissants, même si je savais que mes perceptions pouvaient être exagérées, je sentais au fond de moi qu'elle n'était pas innocente dans toute cette histoire.

Ce n'est que deux heures plus tard que j'ai réussi à m'extirper enfin de mon lit, me sentant épuisée et désorientée. La journée s'est déroulée dans un état de flottement, errant sans but à travers les couloirs silencieux du château.

J'ai pris soin d'éviter ma mère tout au long de la journée, esquivant le repas de midi pour éviter toute confrontation. Pourtant, au fond de moi, je suis persuadée que Marianne ne m'en tiendra pas rigueur après tout ce qui s'est passé hier.

Je me promène alors dans les vastes couloirs du château, mes pas résonnant sur le sol en pierre et ma robe blanche faisant office de pyjama flottant derrière moi à chaque mouvement.

J'ai décidé de faire une petite pause dans mes recherches après les découvertes d'hier. Juste une journée pour prendre le temps de me changer les idées, de respirer. Le château est calme aujourd'hui, et cette tranquillité me permet de réfléchir à mes pensées envahissantes en toute sérénité.

En passant dans le couloir, je m'arrête devant une grande fenêtre et regarde dehors. Les jardins sont absolument magnifiques, avec leurs parterres de fleurs colorées et leurs allées parfaitement taillées. Un souvenir fugace me traverse l'esprit, celui de mes moments d'enfance à courir dans ces jardins, jouant à cache-cache avec ma sœur. Aujourd'hui, je ne peux qu'apprécier la beauté paisible de la nature qui m'entoure.

Continuant ma promenade, je réalise que depuis mon arrivée, je n'ai pas pris le temps de véritablement explorer le château. Les événements se sont enchaînés si rapidement que j'ai à peine eu le loisir d'admirer cet endroit majestueux.

Je passe devant les salles de banquet vides, les salons luxueux et les couloirs sombres, chaque recoin respirant l'histoire complexe de cette demeure ancestrale. Le château regorge de mystères et de secrets bien gardés, témoignant d'un passé riche et fascinant. Plus je me plonge dans son architecture imposante, plus je ressens l'immensité des récits enfouis dans ses murs.

Pourtant, malgré sa beauté et son mystère, le château porte aussi le poids de l'obscurité. Les ombres du passé semblent s'étendre sur moi à mesure que je me confronte aux vérités dérangeantes que j'ai découvertes. Ma mère, mon père, Jeanne... Leurs visages et leurs actions s'entrelacent dans mes pensées, faisant naître une anxiété croissante qui serre ma poitrine.

Je m'efforce de respirer profondément pour calmer ma respiration haletante. Le château, autrefois un lieu magique empreint de mystère et de beauté, semble à présent être un labyrinthe où chaque pas pourrait révéler de nouvelles vérités troublantes.

Il suffit alors que je continue ma promenade pour passer devant les portraits de famille accrochés au mur et croiser le regard de ma tante Elisa. Et là, c'est le coup de massue qui me fait exploser.

Merde.

Tout ça commence à m'angoisser.

Trop.

Beaucoup trop.

Il faut que je trouve Léopold.

Je refais un tour au premier étage, mes pas résonnant nerveusement dans les couloirs silencieux. Les larmes me montent doucement aux yeux, mes nerfs sont à vif. Léopold n'est pas là.

« Joséphine ! » je hurle lorsque je vois la bonne apparaître au bout du couloir.

Elle se retourne brusquement à mon appel et je cours la rejoindre, ma respiration saccadée trahissant mon état émotionnel.

« Joséphine, répété-je précipitamment, sais-tu où se trouve Léopold?

-Monsieur Léopold a pris la route ce matin, il avait un rendez-vous professionnel concernant les comptes du château.

-Merde, je crie, frustrée.

-Un problème, mademoiselle Charlène ? » demande-t-elle d'une voix empreinte d'inquiétude.

Je tourne les talons sans répondre, m'effaçant de son champ de vision. Ma tête bourdonne d'une seule pensée : je n'ai plus qu'une solution pour apaiser mes pensées tourmentées. Et je sais que cette pensée ne me lâchera pas tant qu'elle ne sera pas assouvie.

Je descends donc à la cave, veillant à ce que personne ne me voie descendre. Le silence de la maison enveloppe mes pas alors que je m'enfonce davantage dans la pièce sombre et humide. Je choisis soigneusement quelques bouteilles d'alcool que je glisse dans un sac avec précaution.

Lorsque je quitte la cave, je monte rapidement à ma chambre, l'oreille tendue à tout bruit de bouteilles qui s'entrechoquent. Chaque mouvement est calculé, chaque geste machinal, comme si j'étais sous l'emprise d'une force irrésistible.

Je referme la porte derrière moi avec un soupir de soulagement et je m'installe sur mon lit. Une boule d'angoisse se forme dans ma poitrine alors que je commence à déboucher une bouteille de vin rouge. Léopold sera déçu s'il l'apprend, je le sais. Carla aussi. Mais en cet instant, je ne peux m'empêcher de penser que personne ne peut être plus déçu que moi-même.

Je bois lentement, laissant l'alcool brûlant apaiser mes nerfs à vif. La musique douce émanant de mon haut-parleur crée une ambiance feutrée, la lumière tamisée des bougies danse doucement dans la pièce. Peu à peu, je sens mes tensions se relâcher, mon esprit s'engourdir.

J'ouvre une deuxième bouteille sans vraiment y penser, puis une troisième. Le goût amer du vin mêlé à la douce chaleur de l'alcool me submerge bientôt. Mes pensées s'embrouillent, mes soucis s'estompent dans un brouillard d'évasion.

*

Je ne sais plus quelle heure il est, mais la musique répétitive émanant de mon téléphone semble tourner en boucle depuis une éternité. Le soleil s'est couché depuis longtemps et la pièce est plongée dans une semi-obscurité. Allongée par terre, je regrette immédiatement mes choix.

C'était inévitable que j'en arrive là, mais j'aurais préféré résister à cette tentation.

La consommation d'alcool a brièvement apaisé mes tourments, mais maintenant je me sens encore plus mal qu'avant. Les regrets et la culpabilité m'assaillent, amplifiés par la confusion et la tristesse qui m'habitent.

Mes pensées sont interrompues par le retour de Léopold au château. Ses pas résonnent dans le couloir, se rapprochant lentement de ma chambre. Il frappe à ma porte et j'ai à peine le temps de pousser les bouteilles vides sous mon lit avant qu'il n'entre.

« Salut, dit-il doucement en refermant la porte derrière lui, son regard exprimant à la fois inquiétude et empathie. Tu vas bien? Joséphine m'a dit que tu voulais me voir et que tu avais l'air assez... »

Il s'arrête, ses yeux scrutant ma silhouette étendue au sol. Il s'approche de moi, prend doucement mon menton entre ses doigts et relève mon visage. Des larmes coulent sur mes joues sans que je puisse les retenir.

« Qu'est-ce qu'il s'est passé, Charlène ? » demande-t-il d'une voix empreinte de tendresse et de préoccupation.

Je suis submergée par l'émotion, incapable de parler, mes sanglots répétant mes excuses sans fin.

Léopold comprend mon état même avant que je ne puisse articuler quoi que ce soit. Peut-être a-t-il remarqué les bouteilles sous mon lit, ou peut-être lit-il simplement mon désarroi à travers mes larmes. Il m'enlace doucement, et instinctivement, je pose ma tête sur son épaule, cherchant un réconfort dans son étreinte.

« Ça va aller, Charlène, ça va aller », murmure-t-il doucement, comme pour me convaincre autant que pour se rassurer lui-même.

Noble cause.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant