•Chapitre 8•

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Je ne sais pas comment je suis arrivée ici. Je suis allongée à même le sol, au fond du jardin, seule, et je picore dans un bol de tomates cerises. La musique résonne depuis l'intérieur de la maison, et je me dis que si j'avais voulu faire une soirée deux fois moins bruyante à Paris, la police serait déjà arrivée depuis un moment pour nous demander de cesser de faire autant de bruit.

Les étoiles brillent dans le ciel, et si je voyais un peu moins flou, je pourrais toutes les compter. Le ciel est magnifique. Tout devient silencieux, calme, et je ressens enfin la paix après la folie de ces derniers jours. Mais quand j'y pense davantage, je trouve ça plutôt triste de devoir se mettre dans des états pareils pour se sentir apaisée.

« Charlène ! Charlène ! Bon sang, te voilà. »

La silhouette de Léopold apparaît dans mon champ de vision. Finalement, je suis contente qu'il m'ait retrouvée.

« Qu'est-ce que tu fais ? Je t'ai cherché partout. J'y crois pas... Tu es bourrée ? »

Léopold s'assied à côté de moi, et mon corps se soulève une nouvelle fois suite à ce mouvement.

« J'avais besoin d'être au calme. Tu veux une tomate cerise ? »

Léopold rigole doucement en secouant la tête et s'allonge près de moi. Les lumières accrochées dans le jardin éclairent la moitié de son visage, le brouhaha continue de s'élever depuis la maison et je lâche un soupir.

« Tout va bien, Charlène ?

— C'est dingue ce qu'il se passe en ce moment, tu ne trouves pas ? Je suis là depuis à peine quelques jours et j'ai l'impression de n'avoir jamais vraiment quitté le château. J'ai beau être partie, les problèmes du château sont toujours là. »

Une larme glisse le long de mon visage avant de venir s'échouer sur le trampoline.

« Eh. Je sais que c'est compliqué en ce moment, mais ça va aller, ok ? T'es pas toute seule. »

À ces mots, Léopold s'installe en tailleur alors que je l'observe. Je me place finalement de la même façon, face à lui, mes mouvements font bouger le trampoline tandis que nos corps suivent le mouvement et s'entrechoquent. J'éclate de rire alors que Léopold me rattrape par le bras et me sourit tendrement. Je relève la tête vers lui et réalise soudainement la situation. Je ne suis qu'à quelques centimètres de son visage, et je n'ai aucune idée de ce qu'il est en train de se passer à l'instant.

« Merde. »

Léopold s'essuie l'œil et lève les yeux en direction du ciel. Je l'imite machinalement et réalise qu'un orage s'approche de nous.

« On ferait mieux de retourner chez Kyle si on ne veut pas se prendre la pluie.

— Je te suis. »

Léopold se relève en premier alors que les gouttes d'eau commencent à s'intensifier. Je titube un peu à cause de l'alcool, alors il m'accroche à lui pour aller jusqu'à l'intérieur de la maison.

Je me fraie un passage parmi quelques personnes et monte à l'étage de la maison à la recherche d'une salle de bain. J'ouvre quelques portes et tombe enfin sur une pièce d'eau. Je m'empresse de me jeter sur le lavabo et m'asperge au maximum jusqu'à ce que je reprenne enfin mes esprits.

Je prends le temps de me regarder quelques secondes dans ce miroir. J'ai l'impression de ne pas reconnaître mon reflet. Et pas seulement parce que le taux d'alcool dans mon sang commence à être bien trop élevé, mais parce que je n'arrive pas à comprendre moi-même comment je peux me retrouver ici.

J'entends le tonnerre gronder depuis la salle de bain et arrête rapidement le jet d'eau avant de m'approcher de la porte pour en sortir. J'aperçois Léopold qui m'attendait accolé au mur de la salle de bain et se redresse lorsqu'il porte son regard sur moi.

« Tout va bien ? »

— Je crois. Je dois juste être fatiguée, excuse-moi. »

Il me rattrape par le bras alors que je m'apprête à redescendre vers la foule.

« Attends ! Tu veux que j'essaye de nous trouver une chambre pour la nuit ? Il y en a des tas ici, et je crois que ce n'est pas prudent de retourner au château avec l'orage. »

Je lâche un regard vers le rez-de-chaussée et me décide finalement à acquiescer à sa proposition. Léopold m'entraîne vers le fond du couloir et ouvre une pièce qui semble être une chambre d'amis. Je pénètre à l'intérieur alors qu'il ouvre un placard et en ressort des couvertures.

« Tiens. »

J'en attrape une au hasard et me l'enroule autour du corps en m'affalant sur le lit.

« Je peux ? »

Léopold s'approche de moi et j'acquiesce timidement en me déplaçant un peu pour lui faire de la place sur le lit. Nous sommes tous les deux enroulés comme des sushis, l'un à côté de l'autre. Et même si cette situation m'aurait parue étrange il y a à peine quelques heures, je crois que je ne me sens pas si mal que ça à ses côtés.

« À quoi tu penses ? »

Je tourne la tête vers lui et prends le temps de réfléchir quelques minutes.

« Je crois que je me sens bien. »

— Moi aussi. »

Léopold me sourit franchement et je le lui retourne. Sans que je n'ai vraiment de réaction, il se défait de sa couverture et attrape l'arrière de ma tête avant de se rapprocher de moi. Nos lèvres se rapprochent et mon regard fait rapidement le chemin entre ses yeux et sa bouche, plusieurs fois, avant que nos lèvres ne se touchent finalement.

« Putain, mais qu'est-ce que tu fais ? »

Je me relève en m'écriant, ce qui provoque un sursaut chez Léopold qui ne doit pas bien comprendre ma réaction. Pas une seule fois je n'ose lever les yeux pour le regarder. C'est comme si tout à coup, on m'avait interdit de le faire.

« Pardon, pardon, je pensais que...

— Putain, Léopold, on ne peut pas faire ça. »

Léopold se recule, visiblement troublé. Il passe une main nerveuse dans ses cheveux, cherchant ses mots.

« Charlène, je... Je suis désolé. J'ai cru que... Je ne sais pas ce que je croyais. Je suis désolé. »

Je sens la colère et la confusion bouillir en moi. « Léopold, tu sais bien que c'est compliqué. On a un passé, toi et moi. Tu as toujours été le meilleur ami de ma sœur, et puis toute la famille pensait que vous finiriez un jour ensemble, et puis... »

« Je sais, » murmure-t-il, baissant les yeux. « Mais il ne s'est jamais rien passé avec Constance. »

« Oui, peut-être », dis-je en soupirant. « Mais ça ne veut pas dire qu'on peut ignorer tout ce qui s'est passé. »

Léopold se redresse, le regard déterminé. « Charlène, tu te souviens quand j'ai perdu mes parents ? Quand je suis devenu orphelin, c'est ta famille qui m'a recueilli. Ta sœur était ma meilleure amie, et tu étais toujours là pour moi aussi. On a grandi ensemble, on a partagé tellement de choses... »

« Justement, » je coupe, la voix tremblante. « On a un passé commun. Ça rend les choses compliquées. »

Il hoche la tête lentement, le visage sombre. « Je comprends, Charlène. Mais je voulais que tu saches que pour moi, ce n'est pas juste une impulsion. C'est quelque chose que je ressens depuis longtemps. »

Je ferme les yeux, essayant de contenir mes émotions.

« Léopold , je... Je suis désolée. Mais je ne suis pas sûre de pouvoir gérer ça maintenant. »

Il pose une main réconfortante sur mon épaule.

« Oui, bien sûr. Prenons notre temps. On n'a pas besoin de tout décider ce soir. »

Je hoche la tête, reconnaissante de sa compréhension.

« Merci. »

Il sourit faiblement et me tend une couverture.

Je prends la couverture et m'allonge à nouveau, sentant la fatigue me submerger. Léopold s'installe à côté de moi, et nous restons là, côte à côte, en silence. Le bruit de l'orage dehors commence à s'estomper, et peu à peu, je sens le sommeil m'envahir.

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